MATISSE, COMME UN ROMAN

Article publié dans la Lettre n°517 du 3 février 2021



 
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MATISSE, COMME UN ROMAN. Henri Matisse (1869-1954) est né il y a 150 ans. Pour marquer cet anniversaire, le Centre Pompidou lui rend hommage avec une exposition magistrale qui couvre la totalité de sa carrière depuis ses premières toiles des années 1890 jusqu’à ses grandes compositions en gouache découpée auxquelles il consacra les dernières années de sa vie.
Le parcours de l’exposition est conçu en neuf sections principales riches de plus de 230 œuvres et 70 documents et archives. Une centaine d’œuvres sont issues de la collection du Musée national d’art moderne, l’une des plus significatives par son importance, représentative de toutes les techniques approfondies par l’artiste : dessin, peinture, gravure, sculpture, gouache découpée. Parmi les autres contributeurs, on note les deux musées Matisse, celui du Cateau-Cambrésis (son lieu de naissance) et celui de Nice (où il est mort) et le musée de Grenoble qui a prêté, entre autres, l’immense tableau Intérieur aux aubergines (1911), sur lequel on a beaucoup glosé et qui est le seul des « intérieurs symphoniques » resté en France.
Au défi de faire le portrait de Matisse, l'écrivain Louis Aragon avait répondu : oui, si c'est un roman. Il publiera en 1972 Henri Matisse, roman. C’est ce qui a inspiré Aurélie Verdier, la commissaire, non seulement pour le titre de cette rétrospective mais aussi pour mettre en regard de chaque section des commentaires d’écrivains, critiques et poètes ainsi que les propres écrits de Matisse dont on possède des milliers de lettres. On appréciera en particulier sa définition d’un tableau « fauve » (1905-1906).
L’exposition commence avec un tableau de Cézanne, Trois baigneuses (1879-1882), acquis par Matisse en 1899, malgré ses difficultés financières. Ce tableau, véritable talisman, le confortait dans ses recherches et lui permettait d’affirmer : « Si Cézanne a raison, j'ai raison, et je savais que Cézanne ne s'était pas trompé. » Ce n’est qu’en 1936 qu’il s’en sépare en en faisant don au Petit Palais.
En référence au parcours de Matisse qui, chaque fois que son œuvre se cristallise dans une manière qui pourrait s’établir, marque un coup d’arrêt pour partir dans une nouvelle direction, la première section s’intitule « Où marquer ce commencement ? 1895-1903 ». Parmi les œuvres présentées ici, on remarque un Autoportrait (1900) et La Liseuse (1895), son premier tableau acquis par l’État, en 1906.
Nous cheminons ensuite d’époque en époque. Avec « Un bloc lumineux, 1904-1905 » nous le voyons, en compagnie de Derain, à Collioure, et des autres « fauves » s’affranchir de la représentation mimétique d’un sujet pour donner la priorité aux rapports de couleurs (La Plage rouge, 1905), y compris dans les gravures (Le Grand Bois, 1906). En 1904 il s’essaie au pointillisme (Luxe, calme et volupté), à la manière de Signac, mais sans y donner suite. Sans doute faisait-il sien le conseil donné à un camarade : « Être personnel avant tout. Seriez-vous aussi fort qu’Holbein, vous n’existeriez-pas, vous ne seriez qu’une doublure ».
Avec « L’aube de l’art, 1906-1909 », on le voit s’intéresser aussi bien à l’origine de l’art européen qu’aux arts non-occidentaux, par exemple en juxtaposant des tissus et des tapis (Les Tapis rouges, 1906) ou en supprimant la perspective, comme dans l’art byzantin (Marguerite,  1907), tandis que dans « Ressemblance en profondeur, 1910-1917 », le noir s’impose comme une nouvelle expression du sentiment de l’artiste. Dans cette section nous avons également une de ses séries de bronze d’un même modèle représenté de différentes manières (Jeannette I à V, 1910-1911).
Alors qu’il est au sommet de son art, Matisse s’installe seul, fin 1917, dans un modeste hôtel à Nice, où il semble vouloir renouer avec la grande tradition française. C’est le sujet de la section « Pas tout à fait la détente. 1918-1929 » où l’on admire, malgré ce qu’il en pensera plus tard, ses portraits (Femme à la voilette, 1927) ou ses odalisques (Odalisque à la culotte rouge, 1921).
Après ces « petits tableaux », comme il les qualifie, le sursaut arrive avec la découverte de la lumière lors d’un voyage aux États-Unis et à Tahiti (Nymphe dans la forêt [La verdure], 1935-1942/1943) et la commande de La Danse par le docteur Barnes. C’est ce que l’on voit avec « La main et la flèche. 1930-1939 ». Dans cette section, on est subjugué par quatre grands bronzes, Nu de dos, représentés de quatre façons différentes depuis 1909 jusqu’à 1930. La femme appuyée sur un mur du Premier état devient progressivement, dans le Quatrième état, une figure qui participe du décor tout en lui résistant. C’est fabuleux. C’est aussi à cette époque qu’il rencontre le modèle Lydia Delectorskaya qui lui inspire ces toiles majeures que sont Le rêve (1935) et Nu rose assis (1935-1936). Celle-ci deviendra une véritable cheville ouvrière de la vie de l’atelier jusqu’à la mort du maître.
L’immense section suivante, « Densité maximum. 1940-1948 », nous montre ses dernières toiles de chevalet, de l’iconique La Blouse roumaine (1940) jusqu’à son Grand intérieur rouge (1948). Mais c’est surtout la technique du papier gouaché et découpé, déjà utilisée pour un projet dans la section précédente (Deux danseurs [Projet pour le rideau de scène du ballet Rouge et noir], 1937-1938) qui s’impose maintenant. Une fois de plus on contemple avec ravissement les 20 planches de la maquette originale de l’album Jazz (1947) dont le titre original était Le Cirque (Lettre n°262). Nous trouvons aussi dans cette section des ouvrages illustrés par Matisse et plusieurs numéros de Verve, revue littéraire et artistique pour laquelle il réalisa des couvertures.
On arrive ensuite au « Jour de la couleur. 1948-1951 », section qui nous présente ce que Matisse nommera son « chef-d’œuvre », à savoir ses travaux pour la chapelle dominicaine du Rosaire de Vence. Là sont exposés ses projets de vitraux, de Chemin de croix et même de vêtements liturgiques, toujours en papiers gouachés, découpés et collés. 
À la fin de sa vie - Matisse est mort en plein travail à près de 85 ans – il réalise de grandes gouaches découpées, telles que les Nus bleus I à IV (1952) ou La Tristesse du roi (1952). C’est avec ces compositions, « L’image géante. 1951-1954 », que se termine cette magnifique exposition, très bien documentée, avec des panneaux et surtout des cartels fort intéressants. Centre Pompidou 4e (01.44.78.12.33). Jusqu’au 22 février 2021. Lien : www.centrepompidou.fr.


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