JEAN VENDOME,
ARTISTE JOAILLIER

Article publié dans la Lettre n°510 du 28 octobre 2020



 
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JEAN VENDOME, ARTISTE JOAILLIER. Pour sa huitième exposition, l’École des arts joailliers a choisi, avec Jean Vendome, autant un artiste qu’un artisan. Né en 1930, Ohan Tuhdarian devient apprenti, à 13 ans, dans l’atelier de joaillerie de son oncle, à Paris. Il y acquiert les bases du métier et manifeste déjà une grande habileté. À 18 ans, il ouvre son premier atelier. Durant son service militaire, à Orléans, il confie le magasin à sa sœur tandis qu’il suit les cours de dessin à l’École des Beaux-Arts, le directeur de celle-ci ayant convaincu l’armée qu’il était mieux ici. Simultanément, il suit les cours de Dina Level à l’Institut National de Gemmologie. Cette double formation le convainc d’abandonner la monotonie de la fabrication des bijoux en série et de sculpter le bijou.
Au début des années 60, suite à un différend avec un confrère jaloux dans un salon professionnel, il adopte le nom de Jean Vendome dont il dépose la marque. Apparemment, ce sera la seule fois où il protégera quelque chose car il n’a jamais déposé de brevet pour ses créations, faisant de lui le joaillier le plus copié au monde.
Manquant de ressources financières, Jean Vendome utilise à ses débuts des matières peu coûteuses, comme les cailloux que l’on mettait dans les aquariums, et économise les métaux précieux. Sa vie est faite de diverses rencontres. Jean Cocteau lui demande d’élaborer un bijou à partir d’une pépite dans les années 50. Il inventera alors une technique donnant lieu à sa première série appelée Pépite. Plus tard c’est l’étude d’un bijou de Lalique qui l’inspirera et sera à l’origine de la broche Mal Pavée qu’il offre à sa femme en 1955. Les récits de Paul-Émile Victor, qui lui apporte ses montres à réparer, lui inspirent la création de la ligne Boréal, des bijoux d’une grande finesse sertis de minuscules diamants et de pierres à bon marché comme les aigues-marines, renforçant l’impression polaire par leur froideur. Mais sa rencontre la plus importante est celle qu’il fait en 1969 avec l’écrivain Roger Caillois, nommé à l’Académie française, venu lui commander son épée après avoir vu sa bague Ve avenue. Tous deux sont passionnés de gemmologie et resteront en contact très étroits jusqu’à la mort de Roger. Jean admire la culture de ce dernier et celui-ci est fasciné par la créativité de Jean.
Ces rencontres éclairent les soixante-dix ans de création de Jean Vendome (1930-2017). Celui-ci a réalisé quelque 30 000 bijoux, presque tous uniques, à l’exception de petites séries d’une cinquantaine d’exemplaires comme Ve avenue, une bague iconique qui fait le pont entre la haute joaillerie et le bijou d’artiste. Le point de départ vient de l’observation : nature, architecture, objets d’art, etc. Jean Vendome dessine alors un projet puis réalise une maquette et, dans la foulée, fabrique lui-même le bijou.
Pour illustrer son travail, Sophie Lefèvre, commissaire de cette exposition, a retenu quelque 130 bijoux répartis en trois sections. La première s’attache à montrer le profond renouveau que Jean Vendome insuffle au bijou dès le début de son activité. Il en propose une nouvelle vision, privilégiant les formes abstraites et intégrant - le premier à le faire - des minéraux bruts dans ses compositions.
La deuxième partie s’organise autour de l’épée d’académicien de Roger Caillois et des pièces uniques réalisées avec des gemmes. Des vitrines aux noms évocateurs - Agate, Améthyste, Lapis et Quartz rutilé, Couleurs vagabondes, Fragments d’éternité - se succèdent avec des bijoux conçus avec ces pierres, y compris en utilisant leurs défauts ou leurs particularités comme le quartz fantôme, le quartz rutilé, l’apophyllite verte, la tourmaline, le cobaltocalcite, etc. Le processus créatif met en valeur les qualités des minéraux, qui eux-mêmes dictent leurs formes au sculpteur, car ce sont bien des petites sculptures que Jean Vendome réalise.
La troisième partie est la plus étrange. Intitulée « Le beau bizarre » en référence à Baudelaire, elle nous donne à voir des créations faites avec des matériaux inattendus comme des pinces de tourteau, des fossiles de dinosaures, des curiosités géologiques telles l’émeraude trapiche ou la moldavite. Avec des coquillages ou des sciages d’agate, il crée même des bijoux érotiques. Une exposition rare et originale. R.P. École des Arts joailliers 1er. Jusqu’au 18 décembre 2020. Gratuit sur réservation. Lien : www.lecolevancleefarpels.com/fr


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