JACQUES VILLEGLE
LA COMEDIE URBAINE

Article publié dans la Lettre n° 287


JACQUES VILLEGLE. LA COMEDIE URBAINE. C’est la première grande rétrospective en France de cet artiste né en 1926 dont nous avions pu voir quelques-unes de ses œuvres dans l’exposition du Grand Palais « Le Nouveau Réalisme » (Lettre 271). Avec une centaine d’œuvres allant des années 1940 à nos jours, nous avons un aperçu complet de l’œuvre de cet artiste singulier dont le principal matériau est l’affiche lacérée, prélevée telle quelle dans la rue - encore que l’artiste doit bien donner de temps en temps un coup de pouce ! - et marouflée sur toile.
Le résultat est étonnant et la superposition d’affiches collées à différentes époques dont on aperçoit des traces à travers les lambeaux des plus récentes donnent une composition valant bien les toiles abstraites, en plus réjouissant. En effet, à travers ce qui avait bien pu être un canular au début, se moquer de l’art exercé par des artistes ayant appris leur métier, Villeglé montre que le hasard fait aussi bien les choses et que l’art est avant tout le partage et la transmission de ses émotions.
Les affiches lacérées ont aussi l’intérêt d’évoquer leur époque. Elles sont des témoins qui ravivent nos souvenirs et nous mettent en empathie avec elles. Certaines œuvres sont gigantesques, telle Carrefour Sèvres-Montparnasse qui mesure 319 x 810 cm, et donnent une idée de la difficulté à arracher et à transporter une telle masse de papier. Une photo nous montre d’ailleurs Villeglé en plein effort, suspendu à l’affiche comme un alpiniste sous une corniche ! Si ce sont des mains anonymes qui ont lacéré les affiches, leur choix est orienté par l’artiste qui crée ainsi des thèmes : « Sans lettre, sans figure » ou « Transparences » par exemple. La salle consacrée aux œuvres politiques où, à la lacération, s’ajoutent des caviardages et des bombages, transformant par exemple François Mitterrand en Hitler, restitue l’histoire de ces décennies.
Avec les nouveaux modes d’affichage et la disparition quasi systématique de l’affichage sauvage, Villeglé a perdu son matériau à Paris, puis en province et même à l’étranger et a cessé ce type d’œuvres en 2003.
A coté des affiches lacérées, l’exposition nous montre plusieurs films réalisés par Villeglé, certains en collaboration avec des musiciens comme Pierre Schaeffer, un autre, Un mythe dans la ville, à partir de l’Hourloupe, petit personnage dessiné par Jean Dubuffet et présentant une exposition dont Villeglé arrache les affiches (!) et son œuvre relative à l’alphabet dont il transforme les lettres en créant ainsi des polices extravagantes. Une exposition à voir absolument si l’on s’intéresse à l’art contemporain. Centre Pompidou 4e. Jusqu’au 5 janvier 2009. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.centrepompidou.fr.


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