ILYA RÉPINE (1844-1930)
Peindre l'âme russe

Article publié dans la Lettre n°537 du 22 décembre 2021



 
Pour voir le parcours en images et en vidéos de l'exposition, cliquez ici.

ILYA RÉPINE (1844-1930). Peindre l’âme russe. Quand on visite les musées russes on est étonné de voir des tableaux de grande qualité peints par des peintres inconnus en France. Ils sont russes, pour la plupart, comme Ilya Répine, enfin mis à l’honneur à Paris après la grande rétrospective que lui avait consacré à Moscou, dans la Galerie Tretiakov de Krymski Val, la Galerie nationale Tretiakov, en 2019. Disons-le d’emblée, si quelques-uns de ses chefs-d’œuvre et tous les dessins sont absents à Paris, la présente exposition bénéficie d’espaces beaucoup plus grands qu’à Moscou et d’une scénographie de Philippe Pumain, tout à fait remarquable, comme le Petit Palais en a l’habitude.
Ilya Répine est né dans l’actuelle Ukraine d’un père serf affranchi pour avoir participer à plusieurs guerres. Il commence comme peintre d’icônes mais très vite, en 1864, il est admis à l’Académie impériale des beaux-arts de Saint-Pétersbourg. Dans cette ville, il fait la connaissance de nombreux intellectuels et du groupe des Cinq. En 1871 il obtient une grande médaille d’or et une bourse pour étudier à l’étranger. Comme une centaine de ses confrères de la fin du XIXe siècle, il choisit Paris où Ivan Tourgueniev anime la communauté russe. Il fera plus tard d’autres séjours à Paris - il est notamment membre du jury de peinture lors de l’exposition universelle de 1900 – et voyagera dans la plupart des pays d’Europe.
Si la majorité de ses tableaux sont des portraits, souvent remarquables comme celui de Moussorgski, qu’il peint à l’hôpital, en 1881, quelques jours avant sa mort, il s’est aussi beaucoup intéressé aux manifestations religieuses (durant sa jeunesse, comme peintre d’icônes, il était amené à suivre les processions), à la vie des ouvriers et des paysans et à l’histoire de son pays. Il a surtout été le témoin des bouleversements de la Russie durant six décennies.
Après la Révolution de 1917, alors qu’il vivait non loin de Saint-Pétersbourg, dans la petite bourgade de Kuokkala (renommée aujourd’hui Répino en son honneur), dans l’ancien grand-duché de Finlande, alors rattaché à l’Empire russe, il se retrouve exilé malgré lui après la proclamation de l’indépendance de la Finlande en 1918. Néanmoins, vu la tournure des événements en Russie, il n’y retourne pas, malgré les nombreuses demandes de Staline et de certains artistes russes qui souhaitent le retour du plus grand peintre russe de son époque. Il meurt en 1930, à l’âge de 86 ans, dans sa résidence des « Pénates » où il est inhumé.
Le parcours de l’exposition adopte un schéma à la fois chronologique et thématique en treize sections. Il commence par ses premières peintures à Saint-Pétersbourg d’où se détache le puissant Les Haleurs de la Volga, 1873, qui lui vaut un prix et assoit sa réputation. À Paris, il découvre Manet, le début des impressionnistes et la peinture de plein air. À côté des portraits qu’il fait pour vivre, lui et sa famille, nous voyons une Route de Montmartre, où il vit, et un Cheval pour le ramassage de galets à Veules-les-Roses, 1874, petite commune de Normandie où il séjourne trois mois avec d’autres peintres. Portraitiste prolifique, Répine prend souvent pour modèle les membres de sa famille. On voit ainsi des portraits de Véra Chevtsova, son épouse, ceux de ses quatre enfants, Véra, Nadia, Youri et Tatiana et celui de son père lisant la Bible.
Comme les peintres de la Société des expositions artistiques ambulantes, qu’il rejoint en 1878, Répine peint de nombreux épisodes tirés de la vie du peuple. On en voit des exemples comme cette gigantesque Procession religieuse dans la province de Koursk, 1881-1883, qui fourmille de détails inattendus. C’est dans cette section que se trouve l’un des deux seuls tableaux conservés en France, au musée des Beaux-Arts de Calais, La Tentation du Christ, 1891-1901, sujet qu’il n’arriva pas à mener à terme.
Parmi les sections suivantes, on remarque tout d’abord celle des portraits, fort beaux, variés et très nombreux et celle de l’ancienne Russie avec cet immense Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie, 1880-1891. On y voit des cosaques hilares refusant de se soumettre au sultan. Notons au passage les dates de ces tableaux qui montrent que Répine remaniait sans cesse ses toiles et cela jusqu’à sa mort.
Si le tableau de la redoutable Tsarevna Sofia Alexeïevna est là, en revanche nous n’avons qu’une vidéo pour nous présenter le chef-d’œuvre de Répine, Ivan le Terrible et son fils Ivan, le 18 novembre 1581, 1885, montrant le tsar halluciné après avoir tué son fils. Trop fragile et deux fois vandalisé, ce tableau ne quitte plus la Galerie nationale Trétiakov, qui a prêté près de la moitié de la centaine de tableaux présentés au Petit Palais. Répine peint aussi le régime tsariste à travers ses exactions. On le voit avec Sous escorte. Sur une route boueuse, 1876 ; L’Arrestation du militant, 1880-1889 et surtout Ils ne l’attendaient plus, 1884-1888, une des versions montrant un homme (dans d’autres versions une femme) revenant de déportation.
Une section est consacrée à Tolstoï. Répine est souvent considéré comme le Tolstoï de la peinture. Les deux hommes sont amis. Répine peint plus de soixante-dix portraits de Tolstoï, en comptant les esquisses, dont l’un représente le « comte-moujik » en train de labourer.
Les dernières sections sont consacrées aux Révolutions, en particulier celle de 1905 (Le 17 octobre 1905, 1907). À cette époque, Répine a acheté au nom de sa nouvelle compagne, l’écrivaine et photographe Natalia Nordman, une maison en Finlande, « Les Pénates ». C’est là qu’il reçoit ses amis et peint ses derniers tableaux dont un Golgotha, 1921-1925, où la tête du Christ est hors du cadre tandis qu’au sol des chiens lèchent le sang d’un des larrons déjà décroché de sa croix. Une exposition exceptionnelle, tant par la scénographie que par le choix des tableaux et les cartels très intéressants qui les accompagnent. À voir absolument. R.P. Petit Palais 8e. Jusqu’au 23 janvier 2022. Lien: www.petitpalais.paris.fr.


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