GAUGUIN L'ALCHIMISTE

Article publié dans la Lettre n° 444
du 20 décembre 2017


 
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GAUGUIN L’ALCHIMISTE. Avant de devenir l’artiste exceptionnel que l’on connaît, Paul Gauguin (1848-1903) avait mené une vie bourgeoise en tant que père de famille, courtier et peintre du dimanche. C’est avec cette vie conventionnelle qu’il a voulu rompre en se consacrant totalement à son art et en recherchant une vie libre. Tout le monde sait qu’il fit deux séjours à Tahiti et qu’il mourut dans la plus grande indigence aux Îles Marquises où il est enterré. Nous savons aussi qu’il s’adonna tout autant à la peinture qu’à la sculpture, à la céramique et aux arts graphiques comme l’ont montré les expositions de 1989 (Lettre 9) et 2003 (Lettre 221), même si le public et ses confrères se sont intéressés avant tout à ses tableaux. C’est ainsi que son ami Pissarro qualifiait son travail céramique de « bibelotage » ! En revanche la présente exposition montre qu’il aimait traiter les mêmes sujets simultanément au moyen de ces différents médiums. Pour cela, les trois commissaires, issus du Musée d’Orsay et de l’Art Institute of Chicago, deux institutions possédant un très grand nombre d’œuvres de Gauguin, ont réuni 54 peintures, 29 céramiques, 35 sculptures et objets, 14 blocs de bois, 67 gravures et 34 dessins afin d’illustrer la manière de travailler de cet artiste, un exemple unique et nouveau à son époque.
Le parcours de l’exposition est divisé en six grandes sections précédées d’une introduction, « Le droit de tout oser », où sont mis en exergue son désir de tout abandonner pour explorer l’inconnu et sa vision de lui-même en « sauvage ».
La première section, « Le laboratoire des formes », décrit, à travers divers exemples la façon dont Gauguin s’approprie de nouveaux supports, telle la cire (Jean Gauguin, 1881), le bois (Dame en promenade, vers 1880) et surtout la céramique. Pour cette dernière, c’est lui qui maîtrise toutes les étapes depuis le façonnage traditionnel au colombin jusqu’à la cuisson, ce qui est tout à fait nouveau pour un artiste. Ses motifs sont empruntés à ses souvenirs (Bretagne, Martinique, Tahiti) et aux motifs traditionnels tels que les précolombiens ou les japonais. Cette section explique également comment Gauguin compose ses toiles en arrangeant les divers éléments du décor (Intérieur du peintre, rue Carcel, 1881).
Avec « Le grand atelier », thème de la deuxième section, nous voyons comment Gauguin reprend inlassablement les mêmes motifs, tels que la Bretonne penchée, la ronde, la femme assise, s’éloignant de la pratique impressionniste en plein air pour réaliser des compositions qu’il qualifie de « synthétiques ». Aux sujets bretons, nombreux dans cette section, s’ajoutent des thèmes empruntés à ses séjours à Panama et à la Martinique avec des tons chauds et des femmes nues exotiques, qu’il représente dans ses toiles ou sur divers objets (tonnelet, buffet, bâton de marche, etc.).
Par la suite, à partir de 1886, Gauguin donne à ses œuvres une portée symbolique. Cela est illustré dans la section « Du sujet au symbole » où l’artiste s’oriente vers des compositions de plus en plus investies de significations morales. Ainsi le sujet récurrent du baigneur représenté sur différents supports (pastels, projet d’éventail, céramique) réapparaît en Léda séduite par Jupiter sous l’apparence d’un cygne. Gauguin réalise aussi un grand nombre d’œuvres évoquant la mélancolie et les « misères humaines », en particulier avec le sujet de la femme prostrée, tenant sa tête entre ses mains (La Vendange, 1888).
« L’imagier des tropiques » met en évidence la résonance des traditions maories dans l’œuvre de Gauguin. Il est attiré par le degré élevé d’abstraction et le caractère décoratif de l’art océanien qui inspire ses recherches formelles et le thème de l’Homme dans la nature. C’est à cette époque qu’il rédige un ouvrage illustré et complété par des poèmes de Charles Morice intitulé Noa Noa (« odorant » en tahitien) dont on voit le manuscrit et, en vidéo, la reproduction des pages.
L’artiste avait été déçu de ne pas retrouver à Tahiti de nombreuses traces matérielles de mythes traditionnels. Aussi, invente-t-il des figures telles l’Esprit des morts à partir de la tradition orale tahitienne. C’est le sujet de la section « Mythes et réinventions ».
« En son décor », la dernière section, nous présente l’entrée de sa maison-atelier, dans les Îles Marquises, qu’il appelle « Maison du Jouir ». C’est l’aboutissement de ses recherches décoratives, aussi bien dans les intérieurs que dans l’évocation d’une nature luxuriante. Tout en étant très originale dans sa démarche, cette exposition est aussi une véritable rétrospective de l’œuvre de Gauguin. R.P. Grand Palais 8e. Jusqu’au 22 janvier 2018. Lien : www.rmn.fr.


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