FANTIN-LATOUR
À fleur de peau

Article publié dans la Lettre n° 409
du 4 janvier 2017


 
Pour voir le parcours en images de l'exposition, cliquez ici.

FANTIN-LATOUR. À fleur de peau. Artiste inclassable, dernier des romantiques pour les uns, premier des symbolistes pour les autres, héritier de Chardin et de Courbet dont il avait pu admirer l’œuvre lors de l’exposition universelle de 1855 avec le « pavillon du réalisme », Henri Fantin-Latour (1836-1904) est surtout connu pour ses natures mortes et ses portraits de groupes. La présente exposition, tout en présentant ces œuvres-là, nous montre des aspects moins connus mais tout aussi intéressants de son œuvre. Le parcours s’articule en quatre grands thèmes dans une logique chronologique et présente plus de 120 œuvres. La scénographie, particulièrement soignée et habile, aide à la compréhension de la carrière de l’artiste en nous faisant progresser pas à pas d’un thème à l’autre, tout en ménageant des ouvertures dans les cimaises, permettant ainsi de voir les autres thèmes. En effet ceux-ci se recoupent dans le temps et Fantin-Latour n’en a jamais vraiment abandonné un pour se consacrer exclusivement à un autre.
Nous commençons la visite par un grand couloir consacré au thème « Espérance et courage (1854-1873) » avec des autoportraits nombreux et variés (Autoportraits assis devant son chevalet, 1858) et des portraits de ses proches, en particulier ses deux sœurs, Marie et Nathalie, (Les Deux Sœurs, 1859 ; La Liseuse, 1863). Le refus de ses premières toiles au Salon affecte beaucoup le jeune peintre qui n’y est accepté qu’à partir de 1861. C’est à cette époque qu’il fait des séjours en Angleterre où ses natures mortes remportent un très grand succès. Il en a fait plus de 500. Nous en voyons une dizaine ici, surtout de magnifiques compositions florales d’un rendu tout à fait réaliste. La plus célèbre est la Nature morte dite « de fiançailles » (1869) qu’il offrit pour ses fiançailles à Victoria Dubourg, peintre rencontrée en 1866, au Louvre, où elle copiait elle-aussi des tableaux et qu’il épousa enfin en 1876 ! C’est elle qui offrit les œuvres de son mari en sa possession après sa mort à divers musées français afin que celles-ci soient en sûreté.
Nous arrivons ensuite, avec « Ambitions et innovations (1864-1872) » à ces fameux portraits de groupes, très originaux tant sur la forme que sur le fond, à l’opposé de l’impressionnisme naissant auquel Fantin-Latour était hostile tout en connaissant Renoir, Monet et Bazille. Son premier tableau est l’Hommage à Delacroix (1864), mort l’année précédente, où l’on voit, parmi les dix personnages, outre Fantin-Latour, Legros, Whistler, Manet et Baudelaire. Suivent dans la salle suivante Un atelier aux Batignolles (1870), qui sera acquis par l’Etat en 1892, et Un coin de table (1872) où l’on reconnait Verlaine et Rimbaud. Les commissaires nous présentent aussi les travaux préparatoires d’un autre tableau de groupe, Le Toast, présenté au salon de 1865, où il reçut un accueil mitigé. Fantin-Latour décida alors de le détruire et il ne reste que des esquisses !
La section suivante, « Nature et vérité (1870-1890) », présente encore des natures mortes à base de bouquets de fleurs, toujours aussi somptueuses et délicates, et un ensemble de portraits à contre-courant des œuvres de commande que Fantin-Latour détestait. L’artiste préfère peindre sa famille et ses amis, gardant malgré tout une certaine distance vis-à-vis de ses personnages et les représentant dans des attitudes tout à fait naturelles. A propos du Portrait de Léon Maître (1886), un critique écrivait « C’est le contraire de l’art. Ce monsieur n’a pas l’air de soupçonner qu’on le portraiture ; il va, il se promène, il fait ce qu’il fait. Et le voilà sur la toile, c’est lui ! Non, l’art ne saurait aller plus loin. » Ces toiles de grandes dimensions sont d’un naturel confondant.
Avant de passer au dernier thème traité dans cette rétrospective, nous sommes invités à étudier le travail de Fantin-Latour dans deux petites salles.  Dans la première, à côté de quelques toiles de nue comme Etude de femme nue (1872) ; Au bord de la mer (1903) ou Le Réveil (1904), sont exposées des dizaines de photographies de nus lui ayant appartenu. Ce fond considérable en nombre de clichés, légué par sa veuve à la Ville de Grenoble, où Fantin-Latour est né, servait aussi de modèles à l’artiste comme on le voit avec les petites toiles exposées. Il semble que c’était plus simple pour Fantin-Latour de travailler à partir de photographies qu’avec des modèles vivants.
L’autre petite salle nous montre comment le peintre s’y est pris pour réaliser une œuvre ambitieuse, L’Anniversaire (1876) intitulée aussi Hommage à Berlioz, où il utilise la lithographie au même titre qu’un dessin préparatoire et où il tente de concilier deux aspects apparemment antagonistes de la peinture, le réalisme et l’imagination.
Cela nous amène assez naturellement au dernier thème « Fééries (1854-1904) » qui est le préféré de Fantin-Latour, et cela, dès ses débuts. A travers ses premières compositions d’imagination, il rend hommage aux musiciens qu’il aime et qu’il est parmi les premiers à défendre comme Richard Wagner (Les Filles du Rhin, 1876 ; Finale de la Walkyrie, 1877 ; Prélude de Lohengrin, 1892), Robert Schumann ou Hector Berlioz. De nouveau il réalise un dernier portrait de groupe, Autour du piano, 1885, où il réunit un ensemble de personnalités du monde musical comme Emmanuel Chabrier, Vincent d’Indy ou le critique musical Adolphe Jullien.
L’exposition se termine sur les toiles qu’aimait peindre Fantin-Latour qui s’écria en 1899 « Je ne fais plus de fleurs. Je puis, grâce au ciel, faire ce qui me plaît ». Nous avons ainsi une dizaine de nus à sujets mythologiques comme La Nuit, 1897 ; Le Lever, 1898 ; Ariane abandonnée, 1899 ; La Toilette de Vénus (Le Jugement de Pâris), 1901, ou religieux avec La Tentation de saint Antoine, 1897. Une très belle rétrospective, la première depuis celle de 1982 au Grand Palais. R.P. Musée du Luxembourg 6e. Jusqu’au 12 février 2017. Lien : www.museeduluxembourg.fr.


Pour vous abonner gratuitement à la Newsletter cliquez ici

Index des expositions

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » utiliser la flèche « retour » de votre navigateur