DESIRS & VOLUPTE
A L’EPOQUE VICTORIENNE

Article publié dans la Lettre n° 359
du 28 octobre 2013


DESIRS & VOLUPTE A L’EPOQUE VICTORIENNE. Avec « Une ballade d’amour et de mort » en 2011 au Musée d’Orsay, nous avions eu un aperçu, centré sur la photographie préraphaélite (1848-1875), de l’art britannique à cette époque (Lettre 325). La présente exposition nous permet d’apprécier les œuvres d’artistes peu connus à l’étranger et redécouverts il y a quelques années en Grande Bretagne. Leur art, qui célèbre le retour à l’Antiquité, les femmes dénudées, les compositions médiévales, les peintures décoratives somptueuses, contraste avec la rudesse de cette époque sous le long règne (1837-1901) de la reine Victoria, marqué par le puritanisme et la rigueur morale.
Les commissaires ont sélectionné une cinquantaine de toiles, toutes issues de la collection Pérez Simón qui, entre autres, s’intéresse beaucoup à cette période, dont il possède quelques-unes des œuvres les plus emblématiques. Le parcours de l’exposition réussit une subtile alchimie entre les thèmes abordés et les principaux artistes qui s’y sont intéressés. C’est ainsi que l’on commence par « Désirs d’antique » avec des toiles de Lawrence Alma-Tadema (1836-1912), néerlandais naturalisé anglais, qui avait ajouté Alma, le nom de son parrain, à son nom pour figurer en tête des catalogues ! C’est un artiste qui a voyagé à Pompéi, passionné d’égyptologie et connaissant bien Jean-Léon Gérôme, le spécialiste de la peinture « antique » (Lettre 320). Parmi les toiles exposées dans cette première salle, toutes de lui, sauf La Reine Esther (1878) d’Edwin L Long, on remarque Agrippine rendant visite aux cendres de Germanicus (1866), La Question (1877), Ses yeux reflètent ses pensées qui sont bien lointaines (1897) et surtout Les Roses d’Héliogabale (1888), d’après un épisode peu connu de l’histoire romaine.
La deuxième salle est consacrée aux « Beautés classiques » et là, c’est Frédéric Leighton (1830-1896) et Albert J. Moore (1841-1893) qui sont mis à l’honneur. Du premier on remarque Jeunes filles grecques ramassant des galets au bord de la mer (1871) et Antigone (1882). Du second Le Quatuor, hommage du peintre à l’art de la musique (1868) et Coquillages (1875). Mais dans cette salle c’est la toile de Frederick Goodall (1822-1904), Moïse sauvé des eaux (1885), qui attire tous les regards avec ces jeunes femmes dénudées dans un paysage surplombé par des temples égyptiens.
La troisième salle, « Muses et Modèles » met en exergue Burne-Jones (1833-1898) dont on voit plusieurs « portraits » et le célèbre Pygmalion. Les désirs du cœur (1871). La salle suivante, consacrée aux « Femmes fatales » présente en particulier deux tableaux de John W. Waterhouse (1849-1917), La Boule de cristal (1902) et Le Filtre d’amour (1907 ou 1914), très influencés par les thèmes des préraphaélites, tels les héroïnes littéraires ou les enchanteresses.
Dans un autre registre, la cinquième salle nous montre des tableaux inspirés du Moyen-Âge (légendes arthuriennes…) ou du théâtre shakespearien, également chers aux préraphaélites comme Sir John E. Millais (1829-1896) avec son célèbre La Couronne de l’amour (1875), Arthur Hughes ou John Strudwick (1849-1937) dont on peut admirer Chanson sans parole (1875) et Elaine (1891).
La salle suivante « L’Harmonie rêvée » est tout entière consacrée à ce dernier artiste aux compositions raffinées et poétiques, méticuleuses et détaillées. Son allégorie des âges de la vie, Les jours passent (1878), admirée par George Bernard Shaw, a une « résonance universelle, profondément symbolique ».
Dans la septième salle c’est le thème de « La Volupté du nu » qui est présenté. On retrouve des peintres vus dans les autres salles tels Leighton, mais aussi Gabriel Dante Rossetti (1828-1882), l’un des fondateurs du mouvement préraphaélite, avec Venus verticordia (1868), une allégorie de l’amour séducteur, et Edward John Poynter (1836-1919) avec Andromède (1869), entièrement nue, dans une pose étudiée, où l’on voit l’influence d’Ingres.
La dernière salle nous montre comment ces artistes, dont la femme incarnait l’idéal du Beau, la représentaient, dans un environnement de vêtements, de bijoux, de cadre de vie, qui ne pouvait que sublimer ses grâces et ses vertus. Tous les peintres déjà cités ont réalisé de telles toiles aux noms évocateurs : Courtiser sans amour, L’Absence fait grandir l’amour, Un Message de l’amour, Confidence importune, Un Nuage passe, etc. qui plaisaient beaucoup à la riche bourgeoisie.
Cette exposition est l’une des plus belles que l’on peut voir en ce moment en peinture. La scénographie de Hubert le Gall est, comme d’habitude, très réussie, avec des panneaux explicites et soignés et des cartels très lisibles, comme on aimerait en voir dans toutes les expositions. Musée Jacquemart-André 8e. Jusqu’au 20 janvier 2014.
Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.musee-jacquemart-andre.com.


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