DES JOUETS ET DES HOMMES

Article publié dans la Lettre n° 330
du 3 octobre 2011


DES JOUETS ET DES HOMMES. Le titre de cette exposition montre bien que le sujet n’est pas l’enfant. D’ailleurs est-ce que les enfants jouent dans la pénombre, comme celle dans laquelle sont plongés les quelque mille jouets qui nous sont présentés ? Passé cet instant de surprise, nous sommes fascinés par tous ces jouets, des plus humbles qui nous rappellent notre propre enfance, aux plus luxueux ayant appartenu à des enfants princiers, comme le Cheval mécanique du prince impérial (vers 1862-1865) ou, plus près de nous, la réplique de l’Aston martin de James Bond (1966), avec tous ses gadgets, réalisée pour le prince Andrew.
Le parcours est plutôt thématique. Nous avons, entre autres, les animaux, l’illusion de la vie (automates, jouets mécaniques), vocations d’un jour (pompier, infirmière, etc.), la guerre, les jouets dérivés des médias (Mickey, Superman, Buzz l’Eclair, etc.). Mais nous avons aussi des éléments nous permettant de comprendre l’histoire du jouet depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, avec une Poupée à bras et jambes articulés (Grèce, 350-325 av. J.-C.), des petits vases (chous), ornés de scènes de jeux enfantins qui étaient offerts aux enfants lors de la fête athénienne des Anthestéries, fête célébrant Dionysos, un Buffle sur roulettes (époque romaine), une Poupée articulée (Italie, IIIe siècle apr. J.-C.), une peinture sur bois du XVe siècle représentant la Présentation au temple où l’on voit, au premier plan, un enfant enfourchant un manche se terminant par une tête de cheval, ou encore le célèbre tableau de Chardin, L’Enfant au toton (1737). En revanche, tous ces jouets sont occidentaux, voire japonais pour les plus récents (jeux électroniques, robots). Nous ne saurons donc pas avec quoi jouaient les enfants habitant l’Afrique ou l’Amérique avant la colonisation.
La présentation est plutôt agréable et met bien en valeur tous ces objets. Pour un même sujet, par exemple l’ours, nous avons des ours de différentes époques, montrant comment ce sujet a évolué, depuis l’animal dangereux à muselière (Ours, Etats-Unis,1885) jusqu’au doudou actuel issu du Teddy’s Bear du président Roosevelt. Certaines vitrines sont l’objet de découvertes inattendues comme cette panoplie pour jouer au prêtre avec tous les accessoires de la messe, ou cette nurserie pleine de berceaux et d’infirmières.
La question des jouets pour les garçons et pour les filles est amplement débattue avec plusieurs panneaux sur le sujet. De tout temps les filles ont joué à la poupée et les garçons à des jeux rappelant les activités de leurs pères. Si aujourd’hui les filles jouent volontiers avec des jouets de garçons, l’inverse est rarement vrai. Les commissaires de l’exposition montrent que « La distribution des rôles n’a pas changé d’un iota : les filles sont nées pour être mères, les garçons pour conquérir le monde. »
Enfin l’abandon de ses jouets pour passer dans l’âge adulte est un sujet bien illustré. Chez les grecs qui, pas plus que les romains, ne connaissaient le mot « jouet », les petites filles, avant de se marier, devaient donner leur poupée à Vénus. Quant aux petits garçons romains ils devaient « prendre congé » des noix avec lesquelles ils jouaient, signifiant ainsi leur passage à l’âge adulte. Comme on le voit, cette exposition n’est pas qu’une sorte de vaste vide-grenier pour les enfants et les collectionneurs (elle sera d’ailleurs fermée le jour de Noël !) et montre bien la dimension sociale et culturelle du jouet. Grand Palais 8e. Jusqu’au 23 janvier. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.rmn.fr.


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