DEGAS ET LE NU

Article publié dans la Lettre n° 339
du 9 avril 2012


DEGAS ET LE NU. On connaissait Degas (1834-1917) pour des sujets tels que la danse, les courses de chevaux, les scènes de genre, le portrait mais pas vraiment pour le nu. La présente exposition nous fait donc découvrir une autre facette de cet artiste, tout aussi importante que les autres, complétant la grande rétrospective de 1988 au Grand Palais.
Le parcours de l’exposition, chronologique, met en évidence les ruptures et les continuités au cours de près de 50 ans d’activité artistique avec quelque 150 œuvres de Degas (peintures, sculptures, dessins, pastels, monotypes, fusain, gravures, etc.) auxquelles s’ajoute une vingtaine d’œuvres d’autres artistes. Parmi ceux-ci il y a les anciens qui l’ont inspiré comme Delacroix (La Mort de Sardanapale, 1844), Goya (Les Désastres de la guerre, publiés en 1863), Ingres (Roger délivrant Angélique, 1819), Torii Kiyonaga (Intérieur d’un bain public, 1787), les contemporains avec lesquels il est en relation étroite, tout en préservant l’intimité de son atelier, comme Puvis de Chavannes (La Guerre ; La Toilette), Toulouse-Lautrec (Rousse), Gervex (Rolla), Caillebotte (Homme au bain), Renoir (Femme nue dans un paysage), Manet (Le Tub), Gauguin (Hina Tefatou), Rodin (Danaïde) et enfin ceux qui s’en inspirèrent à leur début comme Bonnard (L’ Indolente, 1899), Matisse (Carmelina, 1903), Picasso (Nu sur fond rouge, 1906), montrant comment Degas a su relier la culture classique de son époque aux avant-gardes du XXe siècle.
A ses débuts Degas fait des « académies » en copiant des sculptures antiques ou en représentant des modèles vivants. Tout en se démarquant des « modèles », de son époque il peint en 1860 Petites filles spartiates provoquant des garçons, tableau qui relève du grand genre historique. Pour cela il réalise de nombreuses esquisses et tableaux préparatoires, tout comme il le fera en 1863 pour son célèbre Scène de guerre au Moyen Âge, pour lequel il multiplie l’étude des poses à intégrer dans la composition finale. Cette dernière peinture d’histoire marque un tournant dans la carrière de cet artiste, qui reprend les poses qu’il a étudiées pour cette peinture dans ses nouvelles œuvres, réalistes cette fois, comme Intérieur, dit aussi Le Viol (vers 1868), qui est, de cette époque, son plus important tableau de genre.
Au cours des années 1870, Degas réalise une série de scènes de maisons closes, où les corps des prostituées sont représentés loin des formes idéales des académies classiques. Ces images, quasiment inconnues de son vivant sont réalisées grâce à la technique du monotype, c’est-à-dire de l’impression sur papier d’un dessin préalablement réalisé sur une plaque de métal, un procédé peu utilisé, qu’il maîtrise à merveille, comme tant d’autres, montrant ainsi ses capacités dans un grand nombre de techniques, y compris la photographie.
Dans les années 1870-1880, il représente des femmes nues saisies dans une activité quotidienne (toilette, coiffure, bain), en utilisant ce procédé, dans de petits formats, qu’il rehausse parfois au pastel pour varier les effets (Une femme dans une baignoire s’épongeant la jambe, 1883). Degas commence une toile importante, Femme nue s’essuyant (Femme au tub), qu’il comptait présenter à la quatrième exposition des impressionnistes, en 1879, pour accroître sa notoriété. Finalement il n’y participera pas mais conseillera son ami Gervex pour sa monumentale Rolla (1878), un nu quasiment de grandeur nature comme plus tard l’Homme au bain (1884) de Caillebotte, tous deux présentés ici.
Au cours de la dernière exposition impressionniste, en 1886, Degas présente une suite de nus de femmes se baignant, se lavant, se séchant, s’essuyant, se peignant, à laquelle appartiennent Le Tub et Femme s’habillant, présentées ensemble ici pour la première fois depuis 1886. Degas exploite pour se faire les capacités expressives du pastel et fait grande impression sur ses contemporains qui en font une critique élogieuse. A la fin de sa carrière, Degas continue ses nus, s’intéressant tout particulièrement aux dos, comme pour se concentrer davantage sur la morphologie du modèle que sur sa personnalité. Il travaille le même sujet des dizaines de fois, suivant en cela ses propres recommandations. A l’image des baigneuses de Renoir il éprouve, vers la fin de sa vie, le besoin de quitter les intérieurs pour représenter des femmes en extérieur (Deux femmes au bain, 1895), comme il l’avait fait trente ans plus tôt avec Scène de guerre au Moyen Âge, bouclant ainsi son parcours artistique. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 1er juillet 2012. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.musee-orsay.fr.


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