DE L'ALLEMAGNE 1800-1939. De Friedrich à Beckmann

Article publié exclusivement sur le site Internet, avec la Lettre n° 354
du 6 mai 2013


DE L'ALLEMAGNE 1800-1939. De Friedrich à Beckmann. Présentée en commémoration du cinquantième anniversaire du traité d'amitié franco-allemande, cette exposition inédite emprunte son titre au fameux « De l'Allemagne » de Madame de Staël, exilée dans ce pays, titre repris quelques années plus tard par un autre exilé, Heinrich Heine, depuis Paris.
De prime abord nous sommes plutôt déconcertés par les œuvres présentées, tant les sujets sont inattendus et les artistes pratiquement inconnus en France à l'exception des plus récents comme Paul Klee, dont on voit une dizaine de dessins et d'aquarelles, Otto Dix représenté par un ensemble de près de vingt dessins à l'encre représentant les atrocités de La Guerre (1924) ou encore Max Beckmann avec ses onze lithographies de L'Enfer (1919). D'autres sont bien connus également comme Lovis Corinth ou Arnold Böcklin, un suisse (!), à qui le musée d'Orsay avait rendu hommage (voir Lettres 284 et 194) ou encore Caspar David Friedrich, dont le Louvre possède l'impressionnant L'Arbre aux corbeaux (1822). A part cette œuvre, toutes les autres, environ deux cents, ont été prêtées par des musées et des collectionneurs européens et américains.
Le parcours de l'exposition est divisé en trois sections. La première « Apollon et Dionysos » nous montre comment les artistes allemands, à une époque où l'Allemagne n'était qu'un ensemble d'états indépendants plus ou moins grands et plus ou moins structurés, cherchaient un ailleurs temporel et géographique entre une Italie bien réelle et une Grèce rêvée et … allemande ! Placée sous les auspices de Goethe dont on voit le fameux tableau de Tischbein, Goethe dans la campagne romaine (1787), cette section nous présente des œuvres aux titres évocateurs tels Apollon parmi les bergers de Gottlieb Schick (1806-1808), Italia et Germania (Sulamith et Maria) de Johann Friedrich Overbeck (1812), Vierge à l'Enfant de von Carolsfeld (1820), Médée à l'urne d'Anselm Feuerbach (1873) et l'étonnant Combat pour une femme de Franz von Stuck (1905). De son côté Arnold Böcklin va des représentations de sa Villa au bord de la mer (1878), qui évoque la solitude et l'abattement, à celle plus réjouissante de ses Jeux de Néréides (1886). Beaucoup d'autres tableaux seraient à citer dans cette section qui montre bien que les artistes allemands cherchaient leur inspiration ailleurs que dans un pays qui n'existait pas encore, malgré « l'union » provoquée en réaction à la conquête de Napoléon et la recherche d'identité à travers la Kultur, les forces de l'esprit.
La deuxième section, « L'hypothèse de la nature », nous montre l'autre courant qui a parcouru les artistes allemands durant le XIXe siècle, le rapport singulier qu'ils entretiennent avec la nature. Comme l'écrivent en introduction les commissaires de l'exposition : « Ils ne tranchent pas entre expérimentation scientifique et méditation sur la finitude humaine, entre étude de la perception et vision d'un au-delà du visible ». Pour illustrer ce propos nous avons d'un côté la représentation minutieuse, comme le souhaitait Goethe, d'une montagne par Carl Gustav Carus (Haute Montagne, vers 1824) et de l'autre la conception subjective qu'en fait Friedrich dans Brume matinale dans les montagnes (1808), où le spectateur est invité à se faire sa propre représentation de cette montagne. L'exposition rassemble une vingtaine d'œuvres de Friedrich, sans doute l'un des artistes allemands les plus novateurs de son époque, comme le montrent des toiles telles son Arbre aux corbeaux, déjà cité, qui évoque à la fois la mort et les racines de la nation, et sa Femme dans le soleil du matin (vers 1818) dans laquelle la femme, de dos, « ouvre les mains dans une attitude de communion fervente avec les éléments ».
Après les horreurs vécues par les artistes allemands durant la première guerre mondiale et le traumatisme qui s'en est suivi, il n'est plus question de Grèce allemande ni de rapport avec la nature. « L'humanité de l'homme devient alors l'accès singulier que les artistes allemands ouvrent vers l'universel ». C'est le thème de la troisième et dernière section « Ecce Homo ». C'est le titre d'un tableau de Lovis Corinth de 1925, dans lequel le peintre, qui réalisait un autoportrait rituel tous les ans, s'est représenté sous les traits du Christ. C'est bien sûr dans cette section que se trouve l'œuvre d'Otto Dix La Guerre, déjà citée, et des tableaux déchirants comme Le Crieur, de Karl Hofer (1935) ou Le Prophète, de Jakob Steinhardt (1913). La plupart des œuvres de cette section figureront dans l'exposition de Munich de 1937 « Art dégénéré ».
Au final, cette exposition nous en apprend beaucoup sur la construction de l'Allemagne, unifiée une première fois sous Bismarck, puis tragiquement sous le nazisme. Musée du Louvre 1er. Jusqu'au 24 juin 2013. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.louvre.fr.


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