DALOU (1838-1902)
Le sculpteur de la République

Article publié exclusivement sur le site Internet, avec la Lettre n° 356
du 17 juin 2013


DALOU (1838-1902). Le sculpteur de la République. Moins connu que les autres sculpteurs français du XIXe siècle, tels que Rude, Carpeaux ou Rodin, Aimé-Jules Dalou était célèbre en son temps pour ses monuments publics et ses admirables portraits. La Ville de Paris a acquis en 1905 le fonds d'atelier de l'artiste, ce qui nous permet de voir aujourd'hui cette première exposition monographique, avec près de quatre cents œuvres, provenant pour la plupart du Petit Palais ainsi que de collections publiques et privées françaises et étrangères.
Le parcours de l'exposition se déroule en huit sections allant de son portrait jusqu'à son œuvre post-mortem. Issu d'un milieu ouvrier, Dalou est un travailleur modeste, infatigable et exigeant. La multitude de dessins et de modèles en terre à différentes échelles pour la réalisation d'un monument, que l'on a la chance de voir ici, est tout à fait impressionnante et révélatrice de sa méthode de travail. Encouragé par Carpeaux, Dalou a suivi divers enseignements, jusqu'à l'École des Beaux-Arts, sans toutefois réussir à remporter le prix de Rome. Après la réalisation de sujets conventionnels tirés de l'Antiquité et de la mythologie (Bacchante, Ève), il se tourne vers des sujets réalistes que lui inspire son environnement quotidien et familial. Il expose ainsi au salon de 1870 une Brodeuse qui sera achetée par l'État.
Engagé en 1871 aux côtés des Communards, membre de la Fédération des artistes créée par Gustave Courbet, Dalou est contraint de s'exiler à Londres lorsque la répression s'abat sur ceux-ci. Il y restera avec sa famille jusqu'en 1879, obtenant de nombreuses commandes privées ainsi que deux commandes publiques, La Charité, groupe représentant une mère allaitant un nourrisson et protégeant un jeune enfant, qui surmonte une fontaine de la City, et un monument funéraire à la mémoire de cinq petits-enfants de la reine Victoria, morts en bas âge, pour la chapelle privée de Windsor.
A son retour en France, Dalou continue à faire des portraits, aussi bien de ses amis que pour des commandes. Plusieurs sont visibles dans l'exposition. Mais le sculpteur profite de cet âge d'or pour la statuaire monumentale, qu'est la fin du XIXe siècle en France. Il va ainsi réaliser, entre autres, Mirabeau répondant à Dreux-Brézé (1883, Palais Bourbon), le Monument funéraire d'Auguste Blanqui (1885, cimetière du Père-Lachaise), le Monument à Eugène Delacroix (1890, Jardin du Luxembourg), le Monument funéraire de Victor Noir (1891, cimetière du Père-Lachaise), Le Progrès entraînant le Commerce et l'Industrie (1895, fronton des Grands Magasins Dufayet, 26 rue de Clignancourt), le Monument à Scheurer-Kestner (1908, Jardin du Luxembourg), etc. Mais son œuvre majeure, qui l'occupera pendant vingt ans est Le Triomphe de la République (1899), qui orne la place de la Nation à Paris. Il s'agit d'un monument gigantesque (12 mètres de haut, 22 de long, 12 de large) dont les figures mesurent 4,50 mètre de haut. Cette représentation très éloignée de l'imagerie officielle enthousiasme les critiques.
L'exposition montre avec beaucoup de détails la « fabrique d'un monument ». Dalou puise dans ses dessins et modèles déjà réalisés, les sujets qui orneront l'œuvre en création. Ce sont des figures allégoriques (Apollon, le Temps, la Gloire) pour le Monument à Eugène Delacroix, ou réelles (des ouvriers) pour le Monument à Jean-Charles Alphand (1899, avenue Foch). Justement l'avant dernière section est consacrée à un monument inachevé, le Monument aux ouvriers. Seuls ses compagnons d'atelier étaient au courant de ce projet grandiose, sans commande officielle, auquel travaillait le sculpteur durant ses temps libres. Le Petit Palais possède une centaine d'esquisses et de maquettes ainsi que Le Grand Paysan (exposé au Musée d'Orsay), unique figure achevée, présenté en 1902, après sa mort.
Parmi les œuvres achevées présentes dans l'exposition nous pouvons voir une statue conjuguant mythologie et œuvre monumentale, Le Triomphe de Silène (1885), déplacée ici depuis le Jardin du Luxembourg où elle est installée. Trente-cinq autres sculptures (terres cuites, plâtres et bronzes), provenant du Petit Palais et du Musée Carnavalet, sont également présentées au Musée Cognacq-Jay parmi les collections permanentes, montrant ainsi, comme on l'a vu plus haut, comment un artiste républicain pouvait aussi puiser son inspiration dans le siècle des Lumières.
La dernière section « Dalou après Dalou » nous montre des œuvres réalisées après sa mort, avec l'accord de ses exécuteurs testamentaires et en particulier de son ami et praticien Auguste Becker. Nous avons là des bronzes et des céramiques réalisés à partir des modèles de Dalou. Une très belle exposition, qui remet à la place qu'il mérite ce très grand sculpteur. Petit Palais 8e. Jusqu'au 13 juillet 2013. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien: www.petitpalais.paris.fr.


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