« CRUMB. De l'Underground à la Genèse »

Article publié exclusivement sur le site Internet, avec la Lettre n° 342
le 22 juin 2012


CRUMB. De l'Underground à la Genèse. Ce n'est que depuis les années 70 que la bande dessinée s'expose dans les musées. Bien sûr ce privilège n'est réservé qu'aux plus grands de cet art, comme Hugo Pratt l'année dernière à la Pinacothèque de Paris (Lettre 328) ou Robert Crumb cette année. Celui-ci, né à Philadelphie en 1943, commence à dessiner régulièrement dès l'âge de sept ans et n'a pas arrêté depuis. « Tant que je dessine, la vie a un sens en quelque sorte. Ma vie s'est construite autour du dessin ! » dit-il.
Crumb s'est fait connaître en publiant avec son frère aîné Charles le fanzine (magazine de bande dessinée d'amateur autoédité) Foo. A partir de 1965, avec le mouvement hippie, il découvre le LSD qui change sa perception du monde. En 1966 il invente nombre de personnages qu'il va mettre en scène dans les années suivantes. En 1968 il vend lui-même sa propre revue, Zap Comix, sur les trottoirs de San Francisco. Les comix (des comics pour adultes traitant de politique, du quotidien, de violence et de sexe) s'arrachent ses dessins et ses couvertures. Crumb devient le dessinateur de BD underground favori des américains. En France, c'est le magazine Actuel, revue phare de la contre-culture, qui le fait connaître en 1970.
Contrairement à beaucoup de dessinateurs de BD, Crumb ne s'attache pas à un ou deux personnages. Pour certains, il ne dessine que quelques planches. Pour d'autres, comme Fritz the Cat, inspiré du chat de son enfance, qu'il publie à partir de 1968, les aventures sont nombreuses. Devenu trop célèbre après l'adaptation cinématographique qui en est faite par Ralph Bakshi et Steve Krantz en 1972, dans laquelle Crumb ne le reconnaît pas, le trouvant trop cynique, il le fait tuer par une copine éconduite, dans une dernière histoire, en 1980 !
N'acceptant aucune limite, Crumb préfère des publications confidentielles, du moment qu'il n'est pas censuré. Ses audaces lui vaudront plusieurs procès. C'est ainsi qu'il publie à partir de 1980 le magazine Weirdo (cinglé), dingue et loufoque, qui lui vaut une avalanche de courrier haineux. Néanmoins 28 numéros sortiront, permettant à une centaine de jeunes dessinateurs d'être publiés. Sa femme, Aline Kominsky, elle-même dessinatrice, assurera la direction des derniers numéros de la revue.
Quand on voit cette profusion de dessins de « mauvais goût » on est donc étonné de le voir illustrer avec une très grande fidélité, après de nombreuses recherches iconographiques, les quatre livres de la Genèse. Les planches originales de cet ouvrage monumental, publié en 2009 après quatre années de travail et déjà traduit en 17 langues, sont exposées en intégralité dans une des salles de l'exposition.
A partir de 1991, la famille Crumb s'installe dans un village du sud de la France. Crumb qui publie en français et en anglais, participe aux actions locales comme le montrent ses dessins contre l'installation d'une décharge à ciel ouvert ou d'un supermarché !
Le parcours de l'exposition, chronologique, nous permet de suivre d'un bout à l'autre son œuvre en présentant, grâce à des centaines de dessins originaux, de magazines, de photos et d'un film, le travail de cet artiste hors du commun. C'est une illustration des obsessions de Crumb en matière d'amour, de haine, de peur, des femmes, du sexe, etc. qu'il évacue de son esprit en les dessinant. Notons que pour lui, ce qui compte, ce n'est pas le dessin original mais le dessin publié dans un magazine.
Une autre facette de cet artiste, tout aussi importante pour lui, est la musique. Il acquiert son premier instrument de musique, un ukulélé en plastique, à l'âge de treize ans. Il joue du banjo, de la mandoline et de la guitare et a même fait des enregistrements avec d'autres musiciens. Il est surtout passionné par la musique populaire, de tous les pays, des années 1920, 1930, et possède une collection de plus de 6000 disques 78 tours. Cet aspect de son personnage transparaît aussi dans ses dessins (portraits de musiciens, etc.).
Ayant beaucoup d'amis et n'hésitant pas à rendre service, rien d'étonnant à ce que ce soit lui qui dessine, à partir de 1976, les premiers albums d'American Splendor, écrit par son ami Harvey Pekar. Une exposition vraiment passionnante où l'on peut passer des heures à regarder et à lire tous ses dessins. Musée d'Art moderne de la Ville de Paris 16e. Jusqu'au 19 août 2012. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.mam.paris.fr.


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