COURBET

Article publié dans la Lettre n° 276


COURBET. C’est la première grande monographie depuis 1977 consacrée à cet artiste (1819-1877), le plus célèbre de son temps, après la mort de Ingres, qui transgressa toutes les règles artistiques avec assurance et habileté. Nous avons la chance de voir 120 peintures, y compris les grandes compositions du musée d’Orsay, une trentaine d’oeuvres graphiques et environ 60 photographies. L’ensemble sera ensuite exposé à New York puis, cet été, à Montpellier.
Dès l’entrée, nous sommes subjugués par ses autoportraits, pour la plupart œuvres de jeunesse où il se représente dans diverses circonstances (blessé, désespéré, en violoncelliste, avec son chien, en prison à Sainte-Pélagie, etc.) afin d’affirmer son statut de peintre. Plus tard, il se représentera dans de grandes compositions, très symboliques de son immense ego, telles que La Rencontre ou Bonjour Monsieur Courbet (1854) ou L’Atelier du peintre (1855). La deuxième partie nous montre le peintre fidèle à ses racines franches comtoises, représentant sa famille, en particulier ses trois soeurs cadettes (Les Demoiselles de village, 1852), ses amis, quelques habitants d’Ornans, sa ville natale. Ses personnages sont la plupart du temps représentés en situation : Une après-dînée à Ornans (1848-1849), Les Paysans de Flagey revenant de la foire (1850-1855). Sortant des sentiers battus, Courbet peint des gens de tous les jours, surtout ceux qu’il connaît le mieux tels que les paysans de sa région. Cela n’est pas sans frapper et même choquer les esprits à tel point qu’un caricaturiste (Courbet fut le peintre le plus caricaturé de son temps, ce qui lui plaisait beaucoup car cela accroissait sa notoriété !) imagine qu’il a fait école et que tout le salon de 1852 n’est consacré qu’à « des tableaux représentant des paysans » !
Cela nous conduit à la troisième partie, consacrée à ses toiles les plus célèbres : L’Enterrement à Ornans (1849-1850), où l’on a pu identifier presque tous les personnages et L’Atelier du peintre (1854-1855), ainsi qu’à divers portraits plus traditionnels. Viennent ensuite des paysages, en particulier deux belles séries consacrées aux grottes de la Loue (La Source de la Loue, 1864), dans lesquelles certains voient un prélude à L’Origine du monde (voir plus loin) et aux vagues normandes (La Vague dite aussi La Mer orageuse, 1870).
La cinquième section nous montre un Courbet stimulé par la génération montante de la Nouvelle peinture et des débuts de l’Impressionnisme, pour laquelle il est une référence essentielle. Dans cette section on remarque en particulier Les Demoiselles des bords de Seine (1856-1857), Les Lévriers du Comte de Choiseul (1866), véritables portraits en bord de mer, et Jo, la belle Irlandaise (1866), des sujets contemporains très éloignés de ses œuvres antérieures, mais dans lesquels Courbet continue à imposer sa personnalité.
Nous arrivons dans la section consacrée au nu où là aussi Courbet transgresse la tradition tout en s’en inspirant. C’est en particulier le cas de ses Baigneuses (1853) où, reprenant le thème classique de la source, il peint une femme d’âge mur, à la chair marquée par les années et l’embonpoint, ce qui choquera les visiteurs du salon de 1853. D’autres nus sont plus « plaisants » et conformes au goût de son époque (La femme au perroquet, 1866 - Le Sommeil, 1866). Mais sa toile la plus étonnante, exposée depuis seulement douze ans au Musée d’Orsay est bien L’Origine du monde (1866), peinte pour rester dans le cabinet privé d’un diplomate ottoman et représentant un sexe féminin comme on pouvait en voir sur des photos obscènes de son époque, également exposées.
La section suivante nous montre un aspect méconnu de Courbet, chasseur passionné, qui revenait chaque automne dans sa Franche Comté natale pour traquer le cerf et d’autres gibiers. Parmi les toiles exposées Le Combat de cerfs (1861) et L’Hallali du cerf (1866) sont impressionnantes, tant par leur sujet mélancolique que par leurs dimensions.
L’exposition se termine par la tragédie qui contraignit Courbet à la prison puis à l’exil en Suisse à partir de 1873 et mit un terme à son art, la Commune de 1870. Au cours de celle-ci il devint président de la Fédération des Artistes et fit abattre la colonne Vendôme. De cette triste période, nous n’avons que des natures mortes sombres et la présentation rare des trois tableaux consacrés aux Truites de la Loue, métaphore de l’artiste et de son destin douloureux. En conclusion, c’est l’une des plus belles expositions que l’on puisse voir en ce moment à Paris. Grand Palais 8e, jusqu’au 28 janvier 2008, puis à Montpellier du 13 juin au 28 septembre 2008.
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