Parcours en images de l'exposition

LES CONTES ÉTRANGES DE
NIELS HANSEN JACOBSEN

avec des visuels mis à la disposition de la presse,
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°499 du 18 mars 2020




Entrée de l'exposition
LES CONTES ÉTRANGES DE NIELS HANSEN JACOBSEN

Cette première exposition en France consacrée a Niels Hansen Jacobsen (1861-1940) invite à une plongée onirique dans l'univers du sculpteur et céramiste danois, contemporain d'Antoine Bourdelle (1861-1929).

Son œuvre est fortement marquée par un goût pour l'étrange, l'ambigu, voire le macabre - une « inquiétante étrangeté » pour reprendre la formule que Sigmund Freud inventera quelques années plus tard. Ses sculptures renouent avec la mythologie nordique et les légendes scandinaves, avec l'oralité du folklore et le fantastique des contes d' H. C. Andersen.

De 1892 à 1902, Hansen Jacobsen s'établit à Paris. Son atelier du 65, boulevard Arago est le rendez-vous d'un groupe de Danois francophiles, au sein d’une cité d'artistes qui réunit notamment le céramiste Jean Carries et l'illustrateur Eugène Grasset.

Cette communauté d'artistes est en lien avec les cercles symbolistes des années 1880 à 1900, ce courant littéraire et artistique cherche à transcrire l'Indicible par un jeu de correspondances à la fois poétiques et plastiques.

Parallèles quoique singulières, les trajectoires de Hansen Jacobsen et de Bourdelle participent toutes deux au rayonnement de l'esprit symboliste, dans le sillage de Gustave Moreau et de Paul Gauguin. Elles s'inscrivent aussi dans la modernité de l'Art nouveau, mouvement international né à la toute fin du siècle qui trouve dans la nature un nouveau répertoire ornemental.

Ce faisant, l'exposition rend à Niels Hansen Jacobsen la place - essentielle - qui lui revient dans le laboratoire des inventions formelles du Paris des années 1890-1900, quand chaque œuvre semble parler « à l'âme en secret sa douce langue natale » (Charles Baudelaire, « L'Invitation au voyage », Les Fleurs du mal, 1857).


 
Texte du panneau didactique.
 
Axel Hou (1860-1948). Portrait du sculpteur Niels Hansen Jacobsen, 1892. Huile sur toile. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Legs Niels Hansen Jacobsen, 1941.


65, BOULEVARD ARAGO,
UN CERCLE SYMBOLISTE DANOIS À PARIS

Scénographie
65, BOULEVARD ARAGO,
UN CERCLE SYMBOLISTE DANOIS À PARIS

Niels Hansen Jacobsen, fils d’agriculteur, naît à Vejen, petite ville industrielle du Jutland au Danemark, et se forme à l’Académie royale des beaux-arts de Copenhague dans la tradition du célèbre sculpteur Berthel Thorvaldsen, imprégnée des modèles de la statuaire antique. Une bourse de voyage distingue son talent et le mène de l’Allemagne à l’Italie puis à Paris, considérée alors comme la « capitale des arts », où il s’installe en 1892 pour dix ans.

De Montmartre à Montparnasse, on voit surgir de terre des cités d’artistes, comme l’actuel musée Bourdelle. Au 65, Boulevard Arago, un entrepreneur avisé dispose des pavillons, reliques de l’Exposition universelle de 1878, autour d’un jardin; c’est dans « cette espèce de couvent artistique » pour reprendre les termes du critique d’art Arsène Alexandre qui le fréquente – lieu préservé aujourd’hui sous le nom de « Cité Fleurie » – que Jacobsen et son épouse, la peintre Anna Gabriele Rohde, s’établissent. Ils y rejoignent une communauté de sculpteurs nordiques et nord-américains. Bientôt ils attirent leurs amis danois – les peintres Axel Hou, Jens Lund, Henriette Hahn, Johannes Holbeck, le sculpteur Rudolph Tegner. L’émulation est d’autant plus vive qu’ils y côtoient des acteurs majeurs du symbolisme : le sculpteur et potier Jean Carriès, Eugène Grasset l’illustrateur, Paul Jeanneney qui collectionne les céramiques japonaises.

De son éloignement du Danemark, de ce creuset d’artistes rassemblés à Paris, Jacobsen tire l’alchimie d’une oeuvre éminemment originale, entre identité nordique, obsessions symbolistes, esthétique art nouveau et expérimentations techniques radicales.


 
Texte du panneau didactique.
 
Paul Albert Steck (1866-1924). Ophélie, 1894-1895. Huile sur toile. Paris, Petit Palais – musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Achat, 1925.
 
Axel Hou (1860-1948). Portrait du sculpteur Niels Hansen Jacobsen, 1899. Eau forte. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Legs testamentaire P. Hauge, 1948.
 
Henriette Hahn-Brinckmann (1862-1934). Portrait de la première femme de l’artiste, Anna Gabriele Hansen Jacobsen, 1894. Huile sur toile. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Achat à un parent de Niels Hansen Jacobsen, 1993.
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Buste de Berthe, vers 1896-1903. Grès émaillé et support en bois. 24, 4 x 35 x 16 cm. Vejen, Vejen Kunstmuseum, achat, 1998, Danemark. Photo : © Pernille Klemp.
 
Henriette Hahn-Brinckmann (1862-1934). Crépuscule : portrait du sculpteur Niels Hansen Jacobsen, vers 1900-1904. Gravure sur bois à six couleurs. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Photo : Pernille Klemp.


LA PETITE SIRÈNE (1901)

Scénographie
LA PETITE SIRÈNE (1901)

Achevant la rédaction de La Petite Sirène (1837), Hans Christian Andersen confesse : « c’est le seul de mes travaux qui m’ait ému moi-même tandis que je l’écrivais ». La fille des mers de l’écrivain danois appartient à l’immense courant des figures de nymphes, de jeunes femmes associées à la nature, qui ne cessent de refaire surface – des rêveries du romantisme aux mystères du symbolisme, aux volutes de l’Art nouveau.

La transposition en ronde-bosse que Niels Hansen Jacobsen donne de La Petite Sirène en 1901 inscrit le corps serpentin de l’ondine dans une dynamique tournoyante. Les prouesses ornementales des compositions de Jens Lund – compatriote de Hansen Jacobsen à la Cité fleurie – ressortissent aussi à la logique de l’arabesque. L’ambivalence de ce rythme plastique induit des images de désir et de mort qui affleurent dans l’eau fuyante des aquarelles de Gustave Moreau, dans les songes océaniques du Danois Henry Brokman ou dans le flux ténébreux des lithographies d’Odilon Redon.

La céramique organique de Jean Carriès et de Hansen Jacobsen, les teintes écumeuses et la matière vitreuse des pâtes de verres de François Décorchemont et de Georges Despret invitent à une méditation sur l’imagination de la matière, à une rêverie sur « l’eau féminine », selon l’expression de Gaston Bachelard (L’eau et les rêves, 1941). L’opalescence irisée de la pièce du verrier américain Louis-Comfort Tiffany évoque irrésistiblement « l’ombrelle vivante » de la méduse aux « fins cheveux qui sont ses organes pour respirer, absorber et même aimer » (Jules Michelet, La Mer, 1875).
 
Texte du panneau didactique.
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). La Petite Sirène, 1901. Plâtre. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Photo : © Pernille Klemp.
 
Antoine Bourdelle (1861-1929). Vase haut avec femme nue en forme d’anse, 1892. Grès flammé réalisé par Alexandre Bigot. Paris, musée Bourdelle. Legs Rhodia Dufet-Bourdelle, 2002.
 
Gustave Moreau. Ulysse et les sirènes. Aquarelle, 42 x 30 cm. Paris, Musée Gustave Moreau. © Photo : RMN-Grand Palais / René-Gabriel Ojéda.
Scénographie
 
Georges Despret (1862-1952) d’après un modèle d’Yvonne Serruys-Mille (1873-1953). Poisson bondissant, avant 1906. Pâte de verre. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Don de l’artiste, 1912.
 
Jens Lund (1871-1924). La Gloire du Seigneur, 1899-1900. Huile sur toile partiellement recouverte de feuille d’or. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. © photo : Lars Bay.
Jean Carriès (1855-1894). Porte monumentale, fragments de la voussure de droite: Carreaux étoilés, 1891-1894. Grès émaillé.
Paris, Petit Palais – musée des Beaux-Arts de la ville de Paris, donation Jean Soustiel, 1967.
 
Jean Carriès (1855-1894). Grenouille faisant le gros dos, 1889-1892. Grès émaillé. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Donation Georges Hoentschel, 1904.
 
Louis-Comfort Tiffany (1848-1933). Plat rosace ton or, vers 1897. Verre, 2 x 37 cm. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la ville de Paris, achat, 1897. Photo : © Eric Emo / Petit Palais / Roger-Viollet.


L’ALCHIMIE DE LA CÉRAMIQUE


Scénographie
L’ALCHIMIE DE LA CÉRAMIQUE

La terre est la matière première d’un sculpteur mais l’achèvement de son œuvre en bronze requiert l’intervention de fondeurs, ou en marbre celle de praticiens. En revanche le grès émaillé permet de se réapproprier la totalité du geste créateur : modelage, émaillage puis cuisson, les hasards du feu faisant de chaque objet une pièce unique.

La découverte des pots en grès du Japon à l’Exposition Universelle de 1878 est une révolution artistique. Formes végétales, construction asymétrique, terres irrégulières, émaux luisants ou mats, coulures et surépaisseurs – ces grès japonais sont ardemment recherchés des collectionneurs comme des sculpteurs devenus potiers.

Au Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1892, tous les grands noms de la céramique d’avant-garde se côtoient : Chaplet, Dalpayrat, Dammouse, Deck, Delaherche, Gauguin, Lachenal, puis Bigot, Jeanneney… et Carriès, le voisin du 65 Boulevard Arago, l’un des plus audacieux.

Hansen Jacobsen se met au grès dès 1894 – peut-être sous l’influence du céramiste Carriès ? Sa production, exposée à Paris entre 1898 et 1903, se distingue par son côté plus fruste, plus expérimentale : des pots aux formes ambigües, des couvertes coulant comme des humeurs corporelles, des agrégats de matières brutes, des cloisons de métal chantournées… De retour au Danemark, l'artiste poursuivra ses recherches alchimiques jusqu’à sa mort, veillant à ce que ses recettes d’émaillage disparaissent avec lui.
 
Texte du panneau didactique.
 
Jens Lund (1871-1924). « Mon âme voltige sur les parfums… » (C. Baudelaire), 1901. Encre de chine et aquarelle sur papier, 63, 7 x 47, 5 cm. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Photo : © Pernille Klemp.
 
Odilon Redon (1840-1916). Naissance de Vénus, vers 1912. Pastel sur papier collé sur carton. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, donation Jacques-Michel Zoubaloff, 1916. Photo © Petit Palais – musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris / Roger-Viollet.
 
Antoine Bourdelle (1861-1929). Buste de Jane Avril, 1900. Biscuit en porcelaine réalisé par Théodore Haviland à Limoges en 1899. Paris, musée Bourdelle. Donation Manufacture Haviland, 1969.
Scénographie
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Pot. Vers 1896-1903. Grès émaillé. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark.
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Vase. Vers 1896-1903. Grès émaillé. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark.
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Ensemble de coupes, vases, pots, vers 1896-1903. Grès émaillé.
Vejen, Vejen Kunstmuseum. Photo © Pernille Klemp.


LE GRÈS ÉMAILLÉ


Scénographie

LE GRÈS ÉMAILLÉ

Une fois cuite, la terre devient céramique. On distingue deux types de céramique : les pâtes poreuses, rendues imperméables par une couverte – terre vernissée, faïence ; les pâtes vitrifiées dans la masse – porcelaine, grès.

Le grès est découvert en Chine au XVe siècle avant notre ère, son processus de cuisson à haute température (1150° à 1350°) n'est maîtrisé que dix siècles plus tard. En France, des gisements de terre à grès sont exploités depuis le Moyen Âge pour produire des objets utilitaires, étanches et qui ne se fendent pas sous l’effet du gel.

Parallèlement aux productions de type industriel, la pratique du grès artistique se développe à la fin du XIXe siècle: la gamme subtile de ses couleurs naturelles est révélée par la cuisson au bois puis au gaz, avec plus ou moins d’oxygène ; des couvertes appliquées, qui fondent et se vitrifient à la cuisson, offrent d’autres effets de couleurs et de matières.

Toutes ces combinaisons possibles sont laissées à l’appréciation du potier devenu alchimiste : à lui d’anticiper l’effet que donneront tel mélange de terre, telle superposition d’émaux, placés à tel endroit du four, cuits à telle température et de telle manière…

Si Hansen Jacobsen maîtrise le processus et se délecte à jouer des marges de hasard qu’il offre, Bourdelle préfère confier à Alexandre Bigot, céramiste et chimiste expérimenté, le soin de mettre en couleurs ses sculptures. Les deux exposeront leurs céramiques dans les Salons et les Expositions universelles.


 
Texte du panneau didactique.
 
Nuancier pour recherche chromatique. Trente-cinq tuiles d’émaux modernes, conçus par la céramiste Bettina Beylerian pour son usage, cuisson en four électrique. Prêt de l’artiste.
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Palette d’émaux, après 1902. Grès émaillé.
Vejen, Vejen Kunstmuseum. Photo © Pernille Klemp.
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Ensemble de carreaux, rebuts de cuisson, et divers outillages de céramique, issus de fouilles archéologiques à Vejen, été 2019. Après 1902. Terre cuite, grès émaillé. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark.
 
Bols montrant les étapes de la réalisation d'un bol en grès émaillé.


TROLL QUI FLAIRE LA CHAIR DE CHRÉTIENS (1896).
SAUVAGERIE DE LA FORÊT PSYCHIQUE


Scénographie
TROLL QUI FLAIRE LA CHAIR DE CHRÉTIENS (1896). SAUVAGERIE DE LA FORÊT PSYCHIQUE

Conçu par Niels Hansen Jacobsen au cours d’un séjour au Danemark en 1896, Troll qui flaire la chair de chrétiens s’inspire d’une figure immémoriale du folklore scandinave. Une queue, des cornes, des serres en forme de pince à trois doigts – déni diabolique de la Trinité du christianisme ? Aux aguets dans la forêt des origines, la créature bestiale renvoie aux pulsions premières et dévoratrices. La logique formelle du Troll naît d’un riche humus de références vernaculaires et plastiques.

Le processus dynamique de l’hybridation est directement inspiré de Paul Gauguin, des pots anthropomorphes et zoomorphes du céramiste qui joue avec le feu pour célébrer l’ensauvagement de l’artiste. À l’instar de ceux de Gauguin, les grès émaillés de Carriès et de Hansen Jacobsen font surgir de la « fournaise intérieure » (Paul Gauguin) les monstres de l'avidité primitive, tout à la fois pour les invoquer et les conjurer.

Rien de plus pertinent que de coupler le symbolisme, sun-bolos -le signe de ce qui unit l’esprit au monde - à son contraire : le diabolisme, dia-bolos - le signe de ce qui divise, qui sépare, qui oppose. La faim éperdue de l’unité primordiale se double de la hantise de dislocation, de l’angoisse d’être dévoré en retour. Une angoisse qui trouve son expression symbolique et plastique dans les figures de sorcières, de louves qui ressurgissent dans l’aquarelle d’Eugène Grasset, Trois femmes et trois loups (vers 1900), dans l’huile incandescente de Paul Ranson, La Sorcière au Chat noir (1893).


 
Texte du panneau didactique.
 
Eugène Grasset. Trois femmes et trois loups, vers 1892. Crayon, aquarelle, encre de Chine et rehauts d’or sur papier, 35,3 x 27,3 cm. Paris, Musée des Arts décoratifs. Photo © MAD, Paris.
 
Niels Hansen Jacobsen. Troll qui flaire la chair des Chrétiens. Bronze, 1896, 157 x 198 x 85 cm. Dans l’exposition : Valby, Jesuskirken, Danemark.
 
Niels Hansen Jacobsen. Troll qui flaire la chair des Chrétiens. Bronze, 1896, 157 x 198 x 85 cm. Exemplaire photographié ici : Ny Carlsberg Glyptothek, Copenhague. Photo : © Pernille Klemp.
 
Jean Carriès (1855-1894). Grenouille aux oreilles de lapin, 1891-1892. Grès émaillé. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Donation Georges Hoentschel, 1904.
 
Paul-Élie Ranson (1861-1909). La Sorcière et le Chat, dit aussi Les Corbeaux ou La Sorcière au chat noir, 1893. Huile sur toile. Paris, musée d’Orsay, achat, 2012.
Scénographie
 
Anonyme. Notre-Dame de Paris, détail des gargouilles, 1905. Contretype. Photo © Archives Alinari, Florence.
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Tête de chat, vers 1896-1903. Grès émaillé, socle en bois. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Achat à un marchand d’art à Copenhague, 1971.
 
Jean Carriès (1855-1894). Porte monumentale, fragment de l’arcade supérieure, côté droit : Carreau Lune grimaçante, 1891-1894. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Achat en vente publique sur les arrérages du legs Dutuit, 1992.
 
Paul Gauguin (1848-1903). Vase à deux embouchures, entre 1887 et 1888. Grès peint et émaillé, décors d’engobes colorés et glaçures partielles. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Donation Henry-Thomas, 1984.
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Paysage de montagne stylisé, vers 1896-1903. Grès émaillé, alliage d’étain-plomb, 17,1 x 12,5 x 14,3 cm. Signé « NHJ ». Vejen, Vejen Kunstmuseum, donation Niels Hansen Jacobsen. Photo : © Pernille Klemp.
 
Jean Carriès (1855-1894). Porte monumentale, fragment de moulure du pied droit : Tête de mort, 1891-1894. Grès émaillé. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Donation Georges Hoentschel, 1904.


MASQUES ET MÉDUSE.
AFFRONTER LA GORGONE


Scénographie
MASQUES ET MÉDUSE.
AFFRONTER LA GORGONE


Parce qu’il résume l’être à sa simple face, parce qu’il en est l’abrégé saisissant, le masque est une forme largement plébiscitée par les artistes de la fin du XIXe siècle, en quête d’expressions synthétiques et de symboles puissants. À ce titre, le Japon et ses masques du théâtre de Nô, dont Bourdelle conservait un exemplaire, fut un réservoir majeur, riche de mille et une variations.

Tandis que certaines de ses céramiques ressortissent au genre du portrait naturaliste, Hansen Jacobsen présente à l’Exposition universelle de 1900 une allégorie proprement cauchemardesque avec son Masque de l’Automne.

Le masque, qui fige le vivant au point de le pétrifier, est moins un « décor suborneur » que l’apparition de « la véritable tête et la sincère face » (Charles Baudelaire, « Le Masque », Les Fleurs du Mal, 1861). Avec ses plis et ses viscosités, avec ses yeux énucléés ou sa langue caressant un serpent, le masque fixe la mort à l’œuvre, et dévoile la sexualité la plus archaïque.

Le masque, cette tête décapitée de Jean-Baptiste que contemple la Salomé au jardin (1871) de Gustave Moreau, renvoie inexorablement à Méduse, cette gorgone mortelle dont Persée parvint à trancher la tête maléfique. À cet égard, Antoine Bourdelle, Pierre-Amédée Marcel-Berroneau et surtout Arnold Böcklin, avec sa Méduse effrayée (1897), ont livré des images d’autant plus médusantes qu’elles réunissent, sur une même face, Eros et Thanatos, l’amour et la mort.


 
Texte du panneau didactique.
 
Carlos Schwabe (1866-1926). La Méduse ou Le Tonneau de la haine, dessin pour Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire, après 1899. Aquarelle sur papier, dessin au crayon, encre noire, graphite et lavis d’encre. Paris, musée d’Orsay. Achat, 2014.
 
Antoine Bourdelle (1861-1929). La Comédie, étude pour le Théâtre des Champs-Élysées, vers 1912. Plume et lavis d’encre brune sur papier vélin. Paris, musée Bourdelle. Donation Cléopâtre Bourdelle et Rhodia Dufet-Bourdelle, 1949.
 
Gustave Moreau (1826-1898). Salomé au jardin, 1871. Plume et encre brune sur traits à la mine de plomb sur calque. Paris, collection Lucile Audouy.
 
Jean Carriès (1855-1894). Masques accolés, 1888-1894. Grès émaillé. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Donation Georges Hoentschel, 1904.
 
Arnold Böcklin. Bouclier avec le visage de Méduse ou Tête de Méduse, 1897. Relief en papier mâché peint et doré. Paris, Musée d’Orsay, achat, 2007. © Photo : RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.
Scénographie
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Masque de la Nuit, 1895-1901. Métal. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Don Ejnar Nielsen, s.d.
 
Jean Carriès (1855-1894). Masque dit Race jaune, 1888-1892. Grès émaillé. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Donation Georges Hoentschel, 1904.
 
Jean Carriès (1855-1894). Porte monumentale, fragment du revers : Carreau, Masque grotesque au serpent, 1991-1994. Grès émaillé, 36 x 31 x 18 cm. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, donation Georges Hoentschel, 1904. Photo © Philippe Ladet / Petit Palais – musée des Beaux-Arts de Paris / Roger-Viollet.
 
Antoine Bourdelle (1861-1929). Masque de la Chilienne, 1925. Plâtre polychrome, 20,4 x 16,9 x 13,2 cm. Paris, musée Bourdelle, donation Cléopâtre Bourdelle et Rhodia Dufet-Bourdelle, 1949. Photo : © Rémi Briant / Musée Bourdelle/Roger-Viollet.
 
Antoine Bourdelle (1861-1929). Grand masque tragique de Beethoven, 1901. Bronze. Paris, musée Bourdelle. Legs Rhodia Dufet-Bourdelle, 2002.
 
Jens Lund (1871-1924). Sakuntala, 1900. Crayon, encre et aquarelle sur papier. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Legs de la sœur et de la veuve de Jens Lund, s.d.
 
Antoine Bourdelle (1861-1929). Marteau de porte, Tête de Méduse, 1925. Plâtre. Paris, musée Bourdelle, legs Rhodia Dufet-Bourdelle, 2002. © Photo : Studio Sebert.
 
Jean Carriès (1855-1894). Masque aux lèvres serrées dit aussi Masque de Carriès faisant la moue, vers 1887. Grès émaillé. Paris, Petit Palais – musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, donation Georges Hoentschel, 1904. Photo © Philippe Ladet / Petit Palais – musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris / Roger-Viollet.
 
Jean Carriès (1855-1894). Grand vase avec têtes barbues, 1888-1894. Grès émaillé, 38 x 34,2 cm. Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, donation Georges Hoentschel, 1904. Photo : © Philippe Ladet / Petit-Palais / Roger-Viollet.
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Masque de l’Automne, vers 1896-1903. Grès émaillé, 26 x 33,5 x 10 cm. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Photo : © Pernille Klemp.


LA PART DE L’OMBRE


Scénographie avec, sur le sol, de Niels Hansen Jacobsen (1861 - 1941), L’Ombre, 1897. Bronze.
LA PART DE L’OMBRE

Insaisissable par nature, l’ombre est une figure de l’impermanence, de l’incertitude, voire de la mort. Elle est aussi « signature du réel », pour reprendre les termes de Clément Rosset (2004), car seul un corps tangible peut projeter une ombre. De cette noirceur équivoque, les symbolistes tirent un surcroît de sens : l’ombre agit comme révélateur de l’irrationnel, de la part incontrôlée mais nécessaire de soi-même. Son royaume est celui des bêtes hybrides et nocturnes qui hantent les céramiques de Hansen Jacobsen, la gravure de Frantisek Kupka, la photographie de Brassaï et La Nuit (1894) de Victor Prouvé. Mais ce chef-d’oeuvre symboliste renvoie aussi aux travaux - contemporains de ceux de Hansen Jacobsen - sur l’exploration des rêves, aux recherches sur le sommeil et l’hypnose de l’École psychiatrique de Nancy.

Des contrées obscures du psychisme surgissent les apparitions cauchemardesques du Chopin de Boleslas Biegas, les visions fantomatiques des plaques de verre de Bourdelle. Les arabesques ténébreuses de Jens Lund laissent émerger d’inavouables désirs qui assaillent, comme autant de doubles menaçants, la figure masculine du marbre de Bourdelle ou le masque aux yeux clos de la broche de Grasset : « Je est un autre », selon la formule d’Arthur Rimbaud...

Transcription plastique du conte éponyme d’Hans Christian Andersen (1847) où le savant qui a donné congé à son ombre en devient la victime, L’Ombre (1897) de Hansen Jacobsen renvoie à on ne sait quelle évidence sinistre : ce « long haillon » se plie, se déplie et se dilate comme la draperie d’une vague qui aurait englouti le corps dont elle était la projection.


 
Texte du panneau didactique.
 
Boleslas Biegas (1877-1954). Chopin, 1902. Bronze. Paris, collection Lucile Audouy.
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Pot à lézard, 1898 (?). Grès émaillé mat. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Legs Niels Hansen Jacobsen, 1941.
 
Antoine Bourdelle (1861-1929). La Nuit de face, première composition, 1904. Bronze, 59 x 50 x 23 cm. Paris, musée Bourdelle, legs Rhodia Dufet-Bourdelle, 2002. Photo © Eric Emo / Musée Bourdelle / Roger-Viollet.
Niels Hansen Jacobsen (1861 - 1941). L’Ombre, 1897. Bronze.
Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Photo : © Pernille Klemp.
 
Eugène Grasset. Apparitions, 1900. Broche en or repoussé, émail cloisonné translucide et opaque, ivoire, topazes en cabochons, 6,2 x 3,9 x 1,3 cm. Paris, Musée d’Orsay. © Photo : RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Jean Schormans.
 
Victor Prouvé (1858-1943). La Nuit, 1894. Bronze patiné. Nancy, musée de l’École de Nancy.
Scénographie
 
Jens Lund (1871-1924). Sakuntala, vers 1900. Encre et aquarelle sur papier. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Achat, 2015.
 
Antoine Bourdelle (1861-1929). Le Jour et la Nuit, 1904. Marbre. Paris, musée Bourdelle, legs Rhodia Dufet Bourdelle, 2002. © Photo : Ph Cochennec / E. EMo / Musée Bourdelle / Roger-Viollet.


LA MORT ET LA MÈRE (1893). L’ARABESQUE DU FÉMININ


Scénographie
LA MORT ET LA MÈRE (1893). L’ARABESQUE DU FÉMININ

Plus sombre encore que le conte de La Petite Sirène (1837), L’Histoire d’une mère (1847) renvoie à l’impossibilité de départager, comme l’écrit H.C. Andersen, « la fleur du malheur » de celle de « la bénédiction ». La chute du texte d’Andersen inspire à Niels Hansen Jacobsen la transposition plastique de La Mort et la mère, présentée au Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1893. Enroulement, volute, spirale... du mouvement giratoire de la Mort à la fluidité de la robe et des cheveux flottants, le féminin ouvre un espace ondulatoire où l’on peut sombrer.

L’érotisme serpentin de l’arabesque prend une charge mortifiante avec La Vitrioleuse (1894) d’Eugène Grasset, La Femme au chapeau noir (vers 1898-1900) de Georges de Feure. Par quel maléfice les grâces florales de l’Art nouveau
s’inversent-elles si aisément en figures de la castration – Méduse, stryge , sirène ou succube ? La goule aux filets captateurs imprime toute sa noirceur aux lithographies d’Edvard Munch ou d’Eugène Carrière.

Fleurs du Mal (1890) d’Odilon Redon, Fleur putain, Fleur de nuit (1898) de Jens Lund, Féminiflores ornementales et fatales de Georges de Feure... Entre exorcisme et fascination, le masque méduséen ressurgit sans cesse sous l’icône de la femme-fleur – image énigmatique, déchiffrée par Sigmund Freud comme représentation horrifiante de la puissance sexuelle de la Mère.




 
Texte du panneau didactique.
 
Georges van Sluijters, dit, Georges de Feure. La Poterie, 1900, huile sur toile, 2.768 x 1.024 m. Paris, musée d’Orsay. © Photo : Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). La Mort et la Mère, 1892. Bronze. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark.
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). La Mort et la Mère, 1892. Bronze. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. © photo : Pernille Klemp.
 
Jens Lund (1871-1924). Fleur de la nuit, 1898. Huile sur toile, 101,5 x 74,5 cm. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Photo : © Lars Bay.
 
Jens Lund (1871-1924). Fleur du jour, 1898. Huile sur toile, 101,5 x 74,5 cm. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Photo : © Lars Bay.
 
Edvard Munch (1863-1944). Madonna, 1895. Estampe, épreuve. Lithographie sur carte verte. Centre Pompidou, Paris, Musée national d’Art moderne / Centre de création industrielle, donation Utenriksministeren / Ministère des affaires étrangères de Norvège, 1964. © Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian.
 
Eugène Grasset (1845-1917). Vitrioleuse, 1894. Lithographie coloriée et pochoir. Paris, Beaux-Arts de Paris.
 
Odilon Redon (1840-1916). L’Araignée, 1887. Lithographie. Paris, Bibliothèque nationale de France.
 
Boleslas Biegas (1877-1954). Le Sphinx, vers 1902. Plâtre. Paris, musée d’Orsay. Achat, 1987.
 
Ville Vallgren (1855-1940). Douleur, vers 1893. Terre cuite polychrome. Paris, collection Lucile Audouy.
 
Niels Hansen Jacobsen (1861-1941). Le Militarisme, buste, 1898-1899. Grès émaillé et socle en bois, 29,3 x 30,7 x 26,5 cm avec socle. Vejen, Vejen Kunstmuseum, Danemark. Photo : © Pernille Klemp.