Parcours en images de l'exposition

LA COLLECTION MOROZOV
Icônes de l'art moderne

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°539 du 19 janvier 2022



 

Fondation Louis Vuitton
Panneau à l'entrée de l'exposition


1 - LA COLLECTION MOROZOV

Entrée de l'exposition avec le haut-relief La Vague [1902-1903] d'Anna S. Goloubkina.
Galerie Trétiakov/Musée-Atelier Anna-Goloubkina, Moscou
LA COLLECTION MOROZOV

L'exposition veut rendre hommage à Mikhaïl et Ivan Morozov, grands collectionneurs moscovites d'art moderne français et russe. Le diptyque formé par les deux expositions du cycle « Icônes de l'art moderne », successivement consacrées à Sergueï Chtchoukine et aux frères Morozov, a pour objectif de retracer l'histoire de ces industriels philanthropes et de comprendre l'étrange et impérieux « art de collectionner » dont ils partagèrent la passion.

Mikhaïl et Ivan Morozov (nés respectivement en 1870 et en 1871) sont issus d'une famille d'origine serve, engagée dans la foi schismatique de la Vieille Croyance orthodoxe. Leur puissant intérêt pour l'art en train de s'inventer sur la scène parisienne, leur volonté de créer des collections représentatives des mouvements modernistes, comme leur souhait de faire donation de leurs collections à la Galerie municipale Trétiakov (créée en 1892 par les frères Sergueï et Pavel Trétiakov) constituent le cadre commun à leur action.

Les frères Morozov fréquentent durant leur adolescence les peintres russes les plus influents de leur temps, bénéficient d'un apprentissage artistique et vont s'entourer de conseillers, tels les peintres Konstantine Korovine ou Valentin Sérov, pour construire leurs collections.

Dès la fin des années 1890, Mikhaïl Morozov entreprend de réunir une collection où voisinent Manet, Corot, Monet, Toulouse-Lautrec, Degas ainsi que Bonnard, Denis, Gauguin et Van Gogh, qu'il sera le premier à faire connaître en Russie. Sa collection comptera à sa mort en 1903 - il est âgé de trente-trois ans - 39 œuvres françaises et 44 œuvres russes. Selon son vœu, son épouse Margarita Kirillovna Morozova en fera don à la Galerie Trétiakov en 1910, où une salle est alors consacrée à ce grand collectionneur novateur.

Ivan reprend à son compte le projet de son frère de créer une collection exemplaire d'art moderne français. Il commence à s'intéresser aux impressionnistes dès la fin de 1903 mais c'est à partir de 1907, avec la découverte de l'œuvre de Cézanne, qu'il s'engage plus résolument dans l’art de collectionner.

 

L'achèvement des décorations monumentales du Salon de musique (Maurice Denis) et de l'escalier d'honneur (Pierre Bonnard) de son hôtel moscovite confère dès 1912 à ses galeries de peinture le caractère d'un accomplissement. La revue Apollon leur consacre alors un numéro spécial publié en russe et en français.

Le 19 décembre 1918 paraît le décret de nationalisation des collections d’Ivan Morozov. Sa collection d'art français compte alors 240 œuvres et sa collection d'art russe, commencée dans sa vingtième année en 1890, en compte 430. Fuyant Moscou, le collectionneur s'installe à Pétrograd (Saint-Pétersbourg) puis passe clandestinement la frontière avec la Finlande, accompagné de sa famille, afin d'émigrer en Europe. Ivan Morozov décédera le 22 juillet 1921 à Carlsbad, à l'âge de quarante-neuf ans.

Formant entre 1919 et 1923 le « Second département » du Musée de la nouvelle peinture occidentale (le Premier département étant formé par la collection de Sergueï Chtchoukine également nationalisée en 1918), puis entre 1923 et 1928, le « Second département » du Musée d'art moderne occidental, pour enfin être réunie en 1928 aux collections de Chtchoukine, la collection d'Ivan Morozov connaîtra bien des vicissitudes : décrochage partiel en raison de l'attribution des espaces du musée à d'autres utilisateurs ; tentative de vente sur le marché international (Le Café de nuit, 1888, de Van Gogh, et le Portrait de Madame Cézanne dans la serre [1891-1892] de Cézanne seront alors vendus aux États-Unis) ; dès 1938, interdictions successives de présentation de certaines œuvres pour des raisons idéologiques par les tenants de la future doctrine du réalisme-socialiste de Jdanov ; déménagement temporaire à Novossibirsk durant la Seconde Guerre mondiale ; enfin en 1948, sur décret de Staline, liquidation du Musée d'art moderne occidental et répartition de ses collections entre le Musée des beaux-arts Pouchkine à Moscou et le Musée de l’Ermitage à Leningrad (Saint-Pétersbourg). Il faudra attendre la politique du Dégel dans les années 1950 pour que les œuvres impressionnistes, puis les avant-gardes fauves et cubistes soient à nouveau progressivement présentées au public.


Texte du panneau didactique.


2 - PEINTRES ET MÉCÈNES - FACE À FACE

Scénographie
PEINTRES ET MÉCÈNES - FACE À FACE

La galerie des portraits du cercle des Morozov gravite autour des figures de Mikhaïl et Ivan Morozov. Elle rassemble une vingtaine de tableaux peints par des artistes parmi les plus influents de l'école russe des années 1890-1910: Ilia Répine, Mikhaïl Vroubel, Valentin Sérov, Konstantine Korovine ou Alexandre Golovine.

Ami de la famille Morozov, Valentin Sérov est l’auteur des tableaux consacrés à Timofeï Savvitch et Maria Fiodorovna, les grand-oncle et grand-tante des collectionneurs, Alexeï Morozov, leur oncle, ainsi qu’à Mikhaïl Morozov, à son épouse Margarita Kirillovna et à leur fils Mika, enfin à Ivan Morozov et à son épouse Yevdokiya Serguéievna. On compte également un grand portrait mondain de Varvara Alexéievna Morozova, la mère de Mikhaïl et Ivan, par Konstantine Makovski ainsi qu'un portrait «express» d'Ivan Morozov peint « en deux heures » par Konstantine Korovine.

Quelques-uns des portraits des artistes qui furent leurs proches sont placés ici aux côtés des collectionneurs : le peintre Konstantine Korovine peint par Sérov, le chanteur lyrique Fiodor Chaliapine peint par Korovine, ainsi qu'un autoportrait du peintre et décorateur de théâtre Alexandre Golovine.

Dans cette galerie de portraits prennent place également les grands industriels alliés à la famille Morozov qui partagèrent leurs préoccupations philanthropiques et mirent en œuvre, à leurs côtés, les principes d’un nouveau mécénat culturel: Pavel Trétiakov par Ilia Répine, Savva Mamontov par Mikhaïl Vroubel, Ilia Ostrooukhov par Sérov et Sergueï Chtchoukine par Dmitri Melnikov.

Protagonistes du « siècle d'argent », peintres et mécènes formèrent une « cordée » initiée à Moscou par Sergueï et Pavel Trétiakov, puis poursuivie simultanément par Sergueï Chtchoukine et les frères Morozov. Ensemble, ils vont conférer à l'art de collectionner une portée inédite, fixant à la peinture le rôle théorique et esthétique de fonder le langage d'un monde absolument nouveau.

 
Texte du panneau didactique.
 
Valentin Sérov (1865-1911). Portrait de Mikhaïl Abramovitch Morozov. Moscou, 1902. Huile sur toile, 216 × 81,5 cm. Coll. Mikhaïl Morozov, 1902. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
 
Valentin Sérov (1865-1911). Portrait de Yevdokiya Serguéïevna Morozova. Moscou, 1908. Huile sur toile, 116,2 × 77,5 cm. Coll. Ivan Morozov. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
 
Konstantin Makovski (1839-1915). Portrait de Varvara Alexéïevna Morozova, née Khloudova. Moscou, 1884. Huile sur toile, 212 × 137 cm. Coll. Mikhaïl Morozov, avant 1903. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
 
Valentin Sérov (1865-1911). Portrait de Maria Fiodorovna Morozova. Moscou, 1897. Huile sur toile. Coll. M. F. Morozova. Musée national russe, Saint-Pétersbourg.
 
Ilia Répine (1844-1930). Portrait de Pavel Mikhaïlovitch Trétiakov. Moscou, Saint-Pétersbourg, 1883. Huile sur toile. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
Scénographie
 
Alexandre Golovine (1863-1930). Autoportrait. Saint-Pétersbourg, 1912. Tempera sur papier marouflé sur carton. Coll. Ivan Morozov, 1915. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Valentin Sérov (1865-1911). Portrait de l’artiste Konstantine Korovine. Moscou, 1891. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1906. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Valentin Sérov (1865-1911). Portrait de Margarita Kitillovna Morozova. Moscou, 1910. Huile sur toile, 143 × 84 cm. Coll. Margarita Morozova, 1910. Dnipropetrovsk State Art Museum, Ukraine. Courtesy Dnipropetrovsk State Art Museum, Ukraine.
 
Valentin Sérov (1865-1911). Portrait de Mika Morozov. Moscou, 1901. Huile sur toile, 62,8 × 71 cm. Coll. Mikhaïl Morozov, 1901. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
Scénographie
 
Valentin Sérov (1865-1911). Portrait d’Alexeï Vikoulovitch Morozov. Moscou, 1909. Aquarelle, sanguine, crayon de couleur sur papier. Coll. A. V. Morozov. Musée des beaux-arts de Biélorussie, Minsk.
 
Dmitri Melnikov (1889-1966). Portrait de Sergueï Chtchoukine. Moscou, 1914. Huile sur toile. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Mikhaïl Vroubel (1856-1910). Portrait de Savva Ivanovitch Mamontov. Moscou, 1897. Huile sur toile. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Konstantine Korovine (1861-1939). Portrait de Fiodor Ivanovitch Chaliapine. Région de Iaroslavl, 1905. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.


3 - LES GALERIES DE PEINTURES
DE L'HÔTEL PARTICULIER D'IVAN MOROZOV.
PHOTOGRAPHIES 1909-1941

Scénographie
LES GALERIES DE PEINTURES DE L'HÔTEL PARTICULIER D'IVAN MOROZOV.
PHOTOGRAPHIES 1909-1941

Les photographies réunies ici témoignent des différents accrochages, effectués entre 1909 et 1941, des galeries de peintures de l'hôtel particulier d'Ivan Morozov, au 21 rue Pretchistenka à Moscou.

Les plus anciennes datent de 1909 et sont dues à Maurice Denis. Séjournant à Moscou, le peintre découvre les cinq panneaux monumentaux de L'Histoire de Psyché qui lui avait été commandés par Ivan Morozov pour son Salon de musique au printemps 1907. Il note dans son Journal: « Ma grande décoration est un peu isolée dans une grande salle froide, gris pierre avec des meubles gris souris.» Denis obtient alors d'Ivan Morozov de compléter cet ensemble par huit panneaux décoratifs, sept vases peints à fond lapis-lazuli, et quatre sculptures d'Aristide Maillol. Le Salon de musique sera photographié fin 1911-début 1912 et reproduit en 1912 dans un hors-série de la revue Apollon.

Les autres photographies présentées ici sont postérieures à la nationalisation de la collection en 1918. Jusqu'en 1928, l'accrochage des toiles du Second département du Musée national d'art moderne occidental reste en grande partie inchangé et présente l'installation improvisée par lvan Morozov en 1918, lorsqu'il réaménage sa collection sur un seul niveau après réquisition du rez-de-chaussée par la Conscription militaire. Après la fusion des collections d'Ivan Morozov et de Sergueï Chtchoukine en 1928, dans le cadre du Musée d'art moderne occidental, des modifications importantes seront entreprises. L’accrochage monographique et par mouvements artistiques associe désormais étroitement les deux collections qui forment le cœur du nouveau musée. On peut suivre dans cette séquence les visées idéologiques du régime soviétique qui conduiront notamment à recouvrir les panneaux de Denis jugés « bourgeois » par les peintures plus « modernistes » de Matisse, puis à décrocher celles-ci, désormais taxées de « formalistes ».

 
Anonyme. Musée d’art moderne occidental, vue de la Salle Cézanne, avec les toiles des collections Morozov et Chtchoukine dominées par le Paysage bleu [1904-1906] de Paul Cézanne, ancien hôtel particulier d'Ivan Morozov, 21, rue Pretchistenka, Moscou, [1931- 1932], épreuve gélatino-argentique. Archives du Musée Pouchkine, Moscou. Droits réservés.

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Texte du panneau didactique.
 
Anonyme. Musée d’art moderne occidental, vue de la Salle des impressionnistes, avec, à gauche, le mur des Monet et Sisley autour d’Une meule près de Giverny [1884-1889] et, à droite, L’Étang à Montgeron (1876) de Claude Monet ; devant la porte du Salon de musique, les deux sculptures d’Aristide Maillol, Pomone (1910) et L’Été [1911-1912], ancien hôtel particulier d'Ivan Morozov, 21 rue Pretchistenka, Moscou, [1923-1928], épreuve gélatino-argentique. Archives du Musée Pouchkine, Moscou. Droits réservé.

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De haut en bas et de gauche à droite :

- Anonyme (1931-1932). Musée d’art moderne occidental. Vue de la Salle Matisse et Denis avec le panneau I du cycle décoratif de l’Histoire de Psyché (1908-1909) de Maurice Denis.
- I. N. Alexandrov (1911-1912). L’hôtel particulier d’Ivan Morozov, vue du Salon de musique avec les panneaux II, III et IV du cycle décoratif de l’Histoire de Psyché (1908-1909) de Maurice Denis.
- I. N. Alexandrov (1911-1912). L’hôtel particulier d’Ivan Morozov, vue du Salon de musique avec les panneaux I, VI et VII du cycle décoratif de l’Histoire de Psyché (1908-1909) de Maurice Denis.

- Anonyme (1928-1932). Musée d’art moderne occidental, vue de l’accrochage des Denis et Matisse dans le salon de musique avec, au centre, La Danse (1909-1910) d’Henri Matisse et, à droite, le panneau V du cycle décoratif de l’Histoire de Psyché (1908-1909) de Maurice Denis.
- I. N. Alexandrov (1911-1912). L’hôtel particulier d’Ivan Morozov, vue du Salon de musique avec le panneau VI du cycle décoratif de l’Histoire de Psyché (1908-1909) de Maurice Denis.
- I. N. Alexandrov (1911-1912). L’hôtel particulier d’Ivan Morozov, vue du Salon de musique avec les panneaux V et VII du cycle décoratif de l’Histoire de Psyché (1908-1909) de Maurice Denis.

- Anonyme (1941). Vue de l’escalier principal avec le mur où le triptyque La Méditerranée (1911) de Pierre Bonnard avait été placé avant l’évacuation des collections au début de la Grande Guerre patriotique.
- Anonyme (1923-1928). Vue de l’escalier principal avec des toiles de Pierre Bonnard, Maurice de Vlaminck et André Derain.

- Anonyme (1937-1940). Vue du vestibule avec, sur le palier, le panneau central du triptyque La Méditerranée (1911) de Pierre Bonnard.
- I. N. Alexandrov (1916). Vue de l’escalier principal avec le triptyque La Méditerranée (1911) et à droite, L’Automne, La Cueillette des fruits (1912) de Pierre Bonnard.

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4 - L'INVENTION D'UN REGARD

Scénographie
L'INVENTION D'UN REGARD

Aux prémices du XXe siècle, les tableaux réunis dans cette salle introductive manifestent l'originalité du regard porté par les frères Morozov sur la scène parisienne. Électriques par leurs coloris acidulés et iconoclastes par leurs sujets ou compositions, ces œuvres de Manet, Cézanne, Renoir, Toulouse-Lautrec et Picasso acquises tout au long de la décennie 1900-1913, décrivent les espaces théâtralisés de la nuit, du cabaret ou du boudoir. En Russie, leur répond la Jeune Choriste de Korovine qui revendique précocement l'influence de l'impressionnisme et l'on peut mesurer ce qu'il doit aux couleurs subtiles et changeantes de La Femme à l'éventail ou de L'enfant au fouet d'Auguste Renoir.

De Scène d'intérieur de Paul Cézanne, qui recopie une gravure de La Mode illustrée mimant les postures canoniques des Trois Grâces à Rêverie et Portrait de Mademoiselle Samary de Renoir - une paire d'études contrastées de la jeune actrice Jeanne Samary, adulée du Tout-Paris -, en passant par Yvette Guilbert interprétée par Toulouse-Lautrec, la collection passe en revue les Muses modernes sur le mode de la désublimation ironique.
Des toiles se focalisent sur l'univers ambigu du café : Le Bouchon d'Édouard Manet (premier tableau de Manet à entrer en Russie, acquis par Mikhaïl Morozov en 1900), et Les Saltimbanques de Pablo Picasso (premier tableau de Picasso à entrer en Russie en 1908 grâce à Ivan Morozov). Peints à l’intervalle de deux décennies, ils constituent d'importantes charnières picturales de l'avènement de l’art moderne. Manet, initiateur de la modernité, et Picasso, représentant de la nouvelle génération postimpressionniste et des avant-gardes émergentes. Chacun instaure ses personnages sur des fonds plats. L'unité thématique, spatiale et chromatique de ces œuvres souligne la communauté de goût partagée par Mikhaïl et Ivan Morozov, tous deux formés artistiquement par Korovine à l'École des beaux-arts de Moscou, et l'audace visionnaire de leur collection future.

 
Texte du panneau didactique.
 
Pierre-Auguste Renoir (1841-1919). Portrait de Mademoiselle Jeanne Samary. Paris, 1878. Huile sur toile, 174 × 101,5 cm. Coll. Mikhaïl Morozov, 28 mai 1902. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. Date de prise de vue : 28 janvier 2014.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Les Deux Saltimbanques. Paris, 1901. Huile sur toile, 73 × 60 cm. Coll. Ivan Morozov, 29 avril 1908. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.  Courtesy Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Édouard Manet (1832-1883). Le Bouchon (La Guinguette). Paris, 1878. Huile sur toile, 72,4 × 92 cm. Coll. Mikhaïl Morozov, 6 mars 1900. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.  Courtesy Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
Scénographie
 
Paul Cézanne (1839-1906). Scène d’intérieur. Paris, 1870. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1er février 1913. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Pierre-Auguste Renoir (1841-1919). Portrait de Jeanne Samary. Rêverie. Paris, 1877. Huile sur toile, 56 × 47 cm. Coll. Ivan Morozov, 26 novembre 1904. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.  Courtesy Musée d'État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Konstantine Korovine (1861-1939). Portrait d’une choriste. Kharkov, 1887. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901). Yvette Guilbert chantant « Linger, Longer, Loo ». Paris, 1894. Huile sur carton. Coll. Mikhaïl Morozov, 8 mai 1903. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.


5 - LES QUATRE SAISONS
PIERRE BONNARD

Scénographie
LES QUATRE SAISONS
PIERRE BONNARD

C'est à Mikhaïl Morozov que revient en Russie, dès 1902, le rôle de découvreur de l'œuvre de Pierre Bonnard. À sa suite, Ivan acquiert successivement, entre 1905 et 1913, huit tableaux de Bonnard et lui commandera, en 1910-1912, cinq panneaux monumentaux.

Ivan Morozov s'intéresse précocement aux artistes du groupe nabi (« prophètes » en hébreu) créé dans la mouvance de Paul Gauguin et qui réunit Pierre Bonnard, Maurice Denis, Paul Sérusier, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel. Leurs recherches sont centrées sur la couleur, plus symbolique qu'objective. Ivan Morozov acquiert des œuvres de chacun de ces peintres, conférant ainsi aux nabis un rôle significatif dans sa collection d'art moderne.

Cependant, c'est à l'œuvre de Bonnard qu'il accorde une place prépondérante. En lui confiant la décoration du grand escalier de son hôtel particulier, Ivan Morozov soumet l'accès à sa galerie de peintures à la contemplation et à l'expérience visuelle, par le visiteur, du large continuum polychrome que constitue cet ensemble pictural explicitement dédié aux quatre saisons de l'année solaire.

Au centre, le triptyque La Méditerranée dont les trois panneaux forment le motif d'un jardin en terrasse écrasé de soleil et largement déployé en balcon sur la mer. Une arche végétale en relie les différents fragments picturaux séparés par une colonnade à chapiteaux doriques. De part et d'autre, Ivan Morozov accroche les deux grands panneaux carrés Le Printemps et L'Automne. La Cueillette des fruits qui, offrant une palette décolorée et assourdie tempèrent la perception de ce dispositif décoratif. Le grand escalier réunit également différents paysages de Bonnard illustrant ce thème ainsi que le diptyque à caractère mythologique de Ker-Xavier Roussel dédié aux Fêtes champêtres, tiré des études du rideau d'avant-scène du Théâtre des Champs-Élysées, Paris, 1913.

 
Texte du panneau didactique.
 
Pierre Bonnard (1867-1947). L’Automne. La Cueillette des fruits, 1912. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1912. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Pierre Bonnard (1867-1947). Premier Printemps (Petits Faunes). Vernouillet, 1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 22 janvier 1912. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Pierre Bonnard (1867-1947). L’Été en Normandie. Vernon, 1912. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 22 octobre 1913. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
Pierre Bonnard (1867-1947). La Méditerranée. Triptyque. Étude à Saint-Tropez, 1911. Huile sur toile, 407x152 ; 407x152 ; 407x149 cm.
Coll. Ivan Morozov, 1911, commandé en janvier 1910. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
Scénographie
 
Ker-Xavier Roussel (1867-1944). Triomphe de Bacchus. Fête champêtre. Diptyque. Paris, 1911-1913. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1er février 1913. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Ker-Xavier Roussel (1867-1944). Le Triomphe de Cérès. Fête champêtre. Diptyque. Paris, 1911-1913. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1er février 1913. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Pierre Bonnard (1867-1947). Le Matin à Paris. Paris, 1911. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, commandé en janvier 1910. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Pierre Bonnard (1867-1947). Le Soir à Paris. Paris, 1911. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, commandé en janvier 1910. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.


6 - DE LA NATURE DES CHOSES

Scénographie
DE LA NATURE DES CHOSES

En avril 1874 s'ouvre chez le célèbre photographe Nadar la première exposition impressionniste. Elle sera fustigée dans Le Charivari par Louis Leroy qui baptise alors le mouvement: «...En voilà de l'impression ou je ne m'y connais pas... Pif ! paf ! vli ! vlan ! C'est inouï, effroyable ! »

Fascinés par la vitalité du regard novateur et la manière claire de ces peintres, Mikhaïl et Ivan Morozov acquièrent à partir de 1902 de nombreuses toiles d'Alfred Sisley, Camille Pissarro, Auguste Renoir ou Claude Monet. Leurs collections paraissent une évocation directe de la tumultueuse exposition de 1874 où, sous les yeux du public, se réinventa non seulement la peinture mais la nature. Car c'est un tout nouveau monde qui émerge ici, prosaïque et changeant. Le grand enjeu de l’impressionnisme est en effet d'oser voir la nature telle qu'elle est et d'en formuler une vision filtrée par la sensibilité du peintre.

Grands amateurs de paysage, les frères Morozov ont été formés précocement à la peinture sur le motif par leurs maîtres, adeptes de l’impressionnisme. Ils ont ainsi eux-mêmes éprouvé les difficultés et les vertiges de ce vis-à-vis incertain entre le peintre et la nature.

L'amplitude de leur intérêt pour ce genre, dans ses manifestations les plus diverses, est illustrée ici par la juxtaposition de toiles des impressionnistes français (Monet, Renoir, Pissarro, Sisley), et de paysagistes russes (Vroubel, Korovine) ou finlandais (Gallen-Kallela). Qu'il soit impressionniste, panthéiste, théosophique, symboliste ou réaliste, le paysage occupe la première place au sein de leurs collections d'art occidental et d'art russe.

 
Texte du panneau didactique.
 
Konstantine Korovine (1861-1939). En barque. Région de Moscou, 1888. Huile sur toile, 53,5 × 42,5 cm. Coll. Mikhaïl Morozov, 1903. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
 
Pierre-Auguste Renoir (1841-1919). Dans le jardin. Sous la tonnelle du Moulin de la Galette. Montmartre, 1875. Huile sur toile, 81 × 65 cm. Coll. Ivan Morozov, 4 mars 1907. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou. Courtesy Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875). L’Étang à la Ville-d’Avray. La Ville-d’Avray, 1871-1874. Huile sur toile. Coll. Mikhaïl Morozov, février 1901. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Claude Monet (1840-1926). Le Boulevard des Capucines. Paris, 1873. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 2 octobre 1907. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Claude Monet (1840-1926). Une meule près de Giverny. Giverny, 1884-1889. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 14 mai 1907. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Claude Monet (1840-1926). Un coin de jardin à Montgeron. Montgeron, 1876. Huile sur toile, 175 × 194 cm. Coll. Ivan Morozov, 14 mai 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
 
Claude Monet (1840-1926). L’Étang à Montgeron. Montgeron, 1876. Huile sur toile, 174 × 194 cm. Coll. Ivan Morozov, 28 septembre 1908. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
Scénographie
 
Mikhaïl Vroubel (1856-1910). Lilas. Russie, province de Tchernigov, village d’Ivanovo, 1901. Huile sur toile, 214 × 342 cm. Coll. Ivan Morozov, 1908. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
 
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931). Le Lac Ruovesi (Fleuve). Finlande, 1896. Huile sur toile. Coll. Mikhaïl Morozov, janvier 1899. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Pierre Bonnard (1867-1947). Le Train et les Chalands. Vernouillet, 1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 14 novembre 1910. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Konstantine Korovine (1861-1939). Un café à Paris. Paris, années 1890. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Camille Pissarro (1830-1903). Terres labourées. Pontoise, 1874. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 10 octobre 1904. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Konstantine Korovine (1861-1939). Un café à Paris. Paris, années 1890. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Alfred Sisley (1839-1899). La Berge à Saint-Mammès. Paysage. Saint-Mammès, 1884. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1er octobre 1908. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Alfred Sisley (1839-1899). La Campagne de Veneux. Le Printemps. Veneux, Île-de-France, 1882. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 5 octobre 1905. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.


7 - UNE JOURNÉE EN POLYNÉSIE
PAUL GAUGUIN

Scénographie
UNE JOURNÉE EN POLYNÉSIE
PAUL GAUGUIN

Les toutes premières toiles de Paul Gauguin à entrer en Russie sont acquises dès 1900-1901 par Mikhaïl Morozov. À son tour, Ivan réunit entre 1907 et 1910 onze tableaux majeurs de l'artiste. Les treize œuvres ainsi réunies par les Morozov portent sur la période tahitienne (à l'exception du Café à Arles, 1888, acquis par Ivan et également présenté dans cette salle) ce qui dénote leur vif intérêt pour sa thématique exotique et arcadienne.

À Tahiti, Gauguin va pousser à l'extrême ses expérimentations « synthétistes » antérieures. Il y poursuit trois objectifs : respecter l'apparence extérieure des formes naturelles, exprimer les sentiments qu'il éprouve à leur sujet, atteindre à la pureté esthétique de la ligne, de la couleur et de la forme. L'aplat, le cerne, la couleur pure définissent un univers plastique qui lui est propre et qui influencera les nabis et les fauves.

La collection Morozov témoigne de la pérégrination culturelle et picturale de l'artiste dans le monde énigmatique des tropiques. Gauguin, l'ancien marin, rêve d'horizons lointains, d'un voyage vers un état « sauvage », aux confins de la civilisation européenne. Parvenu à Papeete, il se donne pour mission de répertorier par sa peinture les rituels indigènes. L'ouvrage de Jacques-Antoine Moerenhout, Voyages aux îles du Grand Océan (1837), sera son guide dans cette quête comme pour la rédaction de Noa Noa (1901). En apprenti ethnographe, Gauguin s'attache à consigner dans ses textes et tableaux les grands récits mythiques continuant à animer de leur souffle les coutumes locales. De toile en toile se déclinent les formes inédites d'un monde archaïque où les scènes de la vie des Polynésiens révèlent l'Éden primitif tahitien.

 
Texte du panneau didactique.
 
Paul Gauguin (1848-1903). Le Grand Bouddha. Tahiti, 1899. Huile sur toile, 134 × 95 cm. Coll. Ivan Morozov, 10 octobre 1908. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou. Courtesy Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
Scénographie
 
Paul Gauguin (1848-1903). Matamoe (La Mort). Le Paysage aux paons. Tahiti, 1892. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 15 mai 1907. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Paul Gauguin (1848-1903). Eu haere ia oe (Où vas-tu ?). Tahiti, 1893. Huile sur toile, 92,5 × 73,5 cm. Coll. Ivan Morozov, 29 avril 1908. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
 
Paul Gauguin (1848-1903). Les Parau Parau (Conversation ou les potins). Tahiti, 1891. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 4 mai 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Paul Gauguin (1848-1903). Nave Nave Moe (Eau délicieuse). Tahiti, 1894. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 5 octobre 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
Scénographie
 
Paul Gauguin (1848-1903). Café à Arles. Arles, 1888. Huile sur toile, 72 × 92 cm. Coll. Ivan Morozov, 10 octobre 1908. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou. Courtesy Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Paul Gauguin (1848-1903). Te Tiare Farani (Les Fleurs de France). Tahiti, 1891. Huile sur toile, 72 × 92 cm. Coll. Ivan Morozov, 29 avril 1908. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou. Courtesy Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Paul Gauguin (1848-1903). Oiseaux morts. Nature morte aux perroquets. Atuona, Îles Marquises, 1902. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, avril-mai 1910. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Paul Gauguin (1848-1903). Fatata te Mouà (La montagne est proche). Tahiti, 1892. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 29 avril 1908. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.


8 - LES AMATEURS D'ORAGE

Scénographie
LES AMATEURS D'ORAGE

Le goût exacerbé du paysage de Mikhaïl et Ivan Morozov, dû à leur formation artistique initiale, constitua un puissant motif pour acquérir de nombreux tableaux contemporains visant à la réinvention de ce genre pictural.

Leurs collections sont représentatives des recherches menées par les écoles modernistes occidentales et russes contemporaines: nabis ou fauves, Pierre Bonnard, André Derain, Maurice Vlaminck, Louis Valtat, André Marquet se revendiquent d'une filiation explicite avec le synthétisme de Paul Gauguin. Expressionnistes, Vincent Van Gogh et Edvard Munch incarnent la rupture avec les représentations académiques de la nature. Au croisement de ces champs de force, les artistes des avant-gardes russes émergentes, Natalia Gontcharova, Piotr Outkine ou Martiros Sarian puisent aux sources des cultures visuelles slaves et orientales. Tous instaurent les principes disrupteurs d’une lecture ultra-sensorielle du paysage.

Leurs thématiques s'opposent pourtant. Pour les uns, les eaux septentrionales ou méditerranéennes sont le sujet de prédilection de toiles où dominent les rives des fleuves, les côtes rocheuses creusées par la mer, la périphérie des terres, les confins. Pour les autres, l'évocation d'un monde continental prosaïque, coupé des métropoles, avec ses bourgades provinciales et ses traditions agricoles. Pour tous, la couleur pure est le signe et le moyen d'une expression artistique apte à exposer l’unicité de leurs sensations.

Leurs paysages condensent une nouvelle conscience de la culture, de la nature et leurs tableaux manifestent le même suspens, face à l'attente de phénomènes naturels instables, extrêmes. Il règne dans leur peinture la prémonition d'un état de déchaînement, de précipitation, de déliquescence. Leurs couchers de soleil ont un caractère de catastrophe solaire, la mer, les eaux enflent démesurément, l'orage et la tempête font rage, la nuit conduit à la disparition. Ces bouleversements projetés par la peinture dans la nature prophétisent l'émergence d'un nouveau monde.

 
Texte du panneau didactique.
 
Edvard Munch (1863-1944). Nuit Blanche. Osgarstrand (Filles sur le pont). Osgarstrand, 1903. Huile sur toile, 86 × 75,8 cm. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.  Courtesy Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Martiros Sarian (1880-1972). La Rue. Constantinople. Constantinople (Istanbul), 1910. Tempera sur carton, 60,2 × 63,8 cm.  Coll. Ivan Morozov, 1911. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
 
Pierre Bonnard (1867-1947). Coin de Paris. Paris, 1905. Huile sur carton contrecollé sur bois. Coll. Ivan Morozov, 4 mai 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Maurice de Vlaminck (1876-1958).  Vue de la Seine. Nanterre, Île-de-France, 1906. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 29 avril 1908. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
André Derain (1880-1954). Le Séchage des voiles. Collioure, 1905. Huile sur toile, 82 × 101 cm. Coll. Ivan Morozov, 5 octobre 1907. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.  Courtesy Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
Scénographie
 
Piotr Outkine (1877-1934). Les Amateurs d’orage. Ville de Saratov, 1904-1908. Tempera sur toile.  Coll. Ivan Morozov, 1908. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
André Derain (1880-1954). Route en montagne. Cassis. Cassis, 1907. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1908. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Martiros Sarian (1880-1972). Devant le Grenadier. Moscou, 1907. Tempera sur carton. Coll. Ivan Morozov, 1908. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Natalia Gontcharova (1881-1962). Verger en automne. Région de Kalouga, 1909. Huile sur toile, 71,8 × 103,3 cm. Coll. Ivan Morozov, automne 1913. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
 
Louis Valtat (1869-1952). Soleil sous les arbres. La Massif de l’Esterel, 1908-1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 30 septembre 1909. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Louis Valtat (1869-1952). Les Falaises violettes. Anthéor, 1900. Huile sur toile. Coll. Mikhaïl Morozov, 1901. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
Scénographie
 
Albert Marquet (1875-1947). Vue de la Seine et du monument à Henri IV. Paris, 1906. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1908. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Albert Marquet (1875-1947). Quai du Louvre, vue sur le Pont-Neuf. Paris, 1906. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Albert Marquet (1875-1947). La Baie de Naples. Naples, 1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 3 janvier 1913. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Vincent Van Gogh (1853-1890). La Mer aux Saintes-Maries. Saintes-Maries-de-la-Mer, 1888. Huile sur toile, 44,5 x 54,5 cm. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.  Courtesy Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.


9 - LES PAYSAGES ILLIMITÉS
PAUL CÉZANNE

Scénographie
LES PAYSAGES ILLIMITÉS
PAUL CÉZANNE

Subjugué par l'originalité des peintures de Paul Cézanne, lors de l'hommage posthume que lui rend le Salon d’'automne de 1907, Ivan Morozov acquiert ses premiers tableaux du maître d'Aix. Entre 1907 et 1913, il réunira dix-huit toiles représentatives de l’œuvre du peintre, depuis sa période noire, romantique, « couillarde » (Scène d'intérieur [1870]) jusqu'à son ultime paysage abstractisant (Paysage bleu [1904-1906]).

Ce sont principalement les paysages de Cézanne qui vont fasciner Ivan. Il acquiert notamment deux variantes de la montagne Sainte-Victoire, motif de prédilection du peintre. Dans ses tableaux, Cézanne cherche à consigner le caractère mutique et permanent de cette masse minérale levant sa lame indentée vers les cieux. Sur elle butent la courbe solaire, le souffle de la Tramontane, les tempêtes de l'arrière-saison. La montagne constitue, pour lui, un modèle absolu.

C'est avec la même acuité qu'il s'attachera à regarder et pénétrer l'essence de quelques-uns des totems du paysage local : séculaires pins maritimes, rochers archaïques de la carrière de Bibémus, rivière de l'Arc, baie méditerranéenne de l'Estaque. Ces rares sujets, inlassablement répétés, résonnent encore de ses découvertes adolescentes, avec ses amis Émile Zola et Jean-Baptistin Baille, du paradis perdu de la jeunesse.

Le travail de Cézanne sur ses tableaux est infini, aucun ne saurait être achevé puisqu'il se transforme avec la quête de l'artiste, la capture de la « sensation » face à l'avènement du réel. Le tableau est pour le peintre une ascèse méditative, qui peut trouver parfois, par la couleur, sa juste transposition. Les paysages de Cézanne sont ainsi la trace à la fois maîtrisée et hasardeuse de ce qu'un homme voit, perçoit, comprend, découvre continûment dans son égarement transi face à la nature : le tableau est l'accumulation d’un savoir voir illimité.

 
Texte du panneau didactique.
 
Paul Cézanne (1839-1906). Étude de fleurs (d’après Bouquet de fleurs d’Eugène Delacroix). Aix-en-Provence, 1902-1904. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 14 septembre 1909. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Paul Cézanne (1839-1906). Baigneurs. Aix-en-Provence, 1892-1894. Huile sur toile, 26 × 40 cm. Coll. Ivan Morozov, 5 octobre 1909. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.  Courtesy Musée d'État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Chronologie relative à Mikhaïl et Ivan Morozov.

Cliquer ici ou sur l'image pour voir un agrandissement de la chronologie

 
Paul Cézanne (1839-1906). La Montagne Sainte-Victoire vue du chemin de Valcros. Aix-en-Provence, 1878-1879. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 5 octobre 1907. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Paul Cézanne (1839-1906). Paysage. Montagne Sainte-Victoire. Aix-en-Provence, 1896-1898. Huile sur toile, 78,5 x 98,5 cm. Coll. Ivan Morozov, 9 octobre 1909. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
Scénographie
 
Paul Cézanne (1839-1906). Paysage à Pontoise (Clos des Mathurins). Pontoise, 1875-1877. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 23 octobre 1909. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Paul Cézanne (1839-1906). Le Pont sur la Marne à Créteil. Île-de-France, 1894. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 22 janvier 1912. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Paul Cézanne (1839-1906). Le Grand Pin. Aix-en-Provence, 1895-1897. Huile sur toile, 72 × 91 cm. Coll. Ivan Morozov, 29 septembre 1908. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
 
Paul Cézanne (1839-1906). Le Jas de Bouffan. Jas-de-Bouffan, Aix-en-Provence, 1886. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 5 juin 1911. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.


10 - PORTRAITS GÉNÉRIQUES
CÉZANNE & LES « CÉZANNISTES »

Scénographie
PORTRAITS GÉNÉRIQUES
CÉZANNE & LES « CÉZANNISTES »

En 1909, Ivan Morozov acquiert deux portraits masculins de Paul Cézanne, Autoportrait à la casquette [1873] et Le Fumeur. Homme à la pipe [1891-1892]. Dès leur acquisition, ces exceptionnels portraits furent accessibles aux peintres du large cercle artistique gravitant autour du collectionneur. Durant les années 1900-1914, ceux-ci purent contempler et examiner dans sa galerie de peintures chaque nouveau lot de toiles en provenance des ateliers parisiens.

Fin 1910, se tient à Moscou la première exposition de l'association Le Valet de carreau, où les mouvements russes cézanniste, primitiviste, expressionniste vont pour la première fois exposer en force à Moscou. Piotr Kontchalovski et Ilia Machkov, deux artistes considérés par Ivan Morozov parmi les plus prometteurs de l'école russe contemporaine, se déclarent alors « cézannistes ».

Le mouvement « cézanniste » constitue une cheville artistique originale de la révolution accomplie entre 1910 et 1917 par les avant-gardes russes. Elles empruntent à Cézanne exagérations et simplifications pictographiques, pastiches, détournement des catégories de l'imagerie populaire ou académique. Il en ressort une peinture d'emblèmes s'approchant de l'art des enseignes commerciales des loubok, par ses sujets vernaculaires et pittoresques.

Regarder ensemble les portraits masculins de Cézanne et ceux de Picasso ou Malévitch, à côté de l’impressionnante galerie d'hommes en gris de Machkov et Kontchalovski, c'est traverser les deux décennies qui virent, en France et en Russie, l'avènement de l'art moderne dans ses manifestations les plus inédites et souvent les plus radicales.

 
Texte du panneau didactique.
 
Mikhaïl Vroubel (1856-1910). Portrait du poète Valéri Brioussov. Moscou, 1906. Fusain, sanguine, craie, pastel sur papier. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Paul Cézanne (1839-1906). Le Fumeur. Homme à la pipe. Aix-en-Provence, 1891-1892. Huile sur toile, 92,5 × 73,5 cm. Coll. Ivan Morozov, 2 septembre 1909. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
 
Piotr Kontchalovski (1876-1956). Portrait de l’artiste Guéorgui Iakoulov. Moscou, 1910. Huile sur toile. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Ilia Machkov (1881-1944). Portrait d’un poète (Sémione Yakovlévitch Roubanovitch). Moscou, 1910. Huile sur toile. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Ilia Machkov (1881-1944). Autoportrait. Moscou, 1911. Huile sur toile, 137 × 107 cm. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
Scénographie
 
Piotr Kontchalovski (1876-1956). Autoportrait, 1910. Huile sur toile. Fondation particulière Ekaterina et Vladimir Semenikhine, Moscou.
 
Piotr Kontchalovski (1876-1956). Autoportrait. Moscou, 1912. Huile sur toile. Collection particulière Petr Ave.
 
Piotr Kontchalovski (1876-1956). Autoportrait en gris. Abramtsevo, Région de Moscou, 1911. Huile sur toile, 143 × 113,5 cm. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
 
Paul Cézanne (1839-1906). Autoportrait à la casquette. Auvers, 1873. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 14 septembre 1909. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Kazimir Malévitch (1878-1935). Portrait de Mikhaïl Matiouchine. Saint-Pétersbourg, 1913-1914. Huile sur toile, 106,6 × 107,3 cm. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
 
Pablo Picasso (1881-1973). Portrait d’Ambroise Vollard. Paris, 1910. Huile sur toile, 93 × 66 cm. Coll. Ivan Morozov, 22 janvier 1912. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou. Courtesy Musée d'Etat des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.


11 - MODERNITE POST-CÉZANNIENNE

Scénographie
MODERNITE POST-CÉZANNIENNE

Important chef-d'œuvre d'llia Machkov, l'autoportrait où il figure aux côtés de Piotr Kontchalovski s'affirme comme le manifeste du « cézannisme » russe. La représentation des deux peintres en culotte et chaussons de lutte, exhibant musculatures et regards teigneux est une citation directe de la légende des cubistes Pablo Picasso et Georges Braque, amateurs de boxe anglaise et théoriciens pugilistes.

Toutefois, la scène n'est pas située sur un ring mais dans un salon petit-bourgeois avec sa décoration florale et son piano droit. Sur le piano, des ouvrages portent les titres «Cézanne, Arts, Égypte-Grèce-Italie, La Bible», décrivant un programme artistique où arts archaïques, bibliques et classiques se trouvent synthétisés dans la modernité post-cézannienne.

La référence à la toile de Cézanne Jeune Fille au piano. (L'ouverture de "Tannhauser")[1869-1870], entrée en 1908 dans la collection d'Ivan Morozov, est ici explicite. L'atmosphère raréfiée d'une vie provinciale, faite de conventions, de règles et d’usages, où chacun est reclus mais néanmoins surexposé, connu et jugé, forme le sujet du tableau.

Le dispositif citationnel de l’autoportrait de Machkov évoque autrement l'Acrobate à la boule de Picasso (1905), acquis par lvan Morozov en octobre 1913 mais jusqu'alors accroché aux cimaises de la collection de Gertrude Stein à Paris. Picasso expose au premier plan le dos et la nuque musculeuse du modèle masculin. La contrainte se lit dans cette composition retournée, celle de l'effort physique, de la domination, du dressage, de l’abus. Au-delà de son contenu manifeste, le tableau est une métaphore du propos théorique de Cézanne « traiter la nature par le cylindre, la sphère, le cône, le tout mis en perspective...» dont témoignent ici tant la boule où se tient l'acrobate en équilibre instable que le cube sur lequel est campé le lutteur.

 
Texte du panneau didactique.
 
Pablo Picasso (1881-1973).  Acrobate à la boule, Paris, 1905. Huile sur toile, 147 × 95 cm. Coll. Ivan Morozov, 25 octobre 1913. Courtesy Musée d'État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Ilia Machkov (1881-1944). Autoportrait et portrait de Piotr Kontchalovski, 1910. Huile sur toile, 208 × 270 cm. Musée national russe, Saint-Pétersbourg. © Musée national russe, Saint-Pétersbourg.
 
Ilia Machkov (1881-1944). Nature morte. Plateau de fruits. Moscou, 1910. Huile sur toile, 80,7 × 116,2 cm. Coll. Ivan Morozov, 1910. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.


12 - NATURES MORTES,
DE PREMIERE NÉCESSITÉ

Scénographie
NATURES MORTES,
DE PREMIERE NÉCESSITÉ

La collection d'Ivan Morozov compte peu de natures mortes. Il réunit cependant avec science et patience trois toiles représentatives de la passion de Cézanne pour ce genre : Nature morte. Pêches et Poires [1890], Nature morte à la draperie [1892-1894] et Étude de fleurs (d’après Bouquet de fleurs d'Eugène Delacroix) [1902-1904]. Traversant les deux dernières décennies de l'œuvre du peintre, on peut voir dans ces toiles sa facture se transformer pour tendre vers une dématérialisation du faire pictural.

Ce serait par nécessité que le peintre, manquant de modèles, se serait rabattu sur le genre de la nature morte dont il peignit quelque cent quatre-vingt-six toiles. Là encore, inlassablement, Cézanne reprend ses tableaux, laissés des mois ou des années en suspens dans l'atelier. Et tandis qu'il observe et capte obsessionnellement les lueurs reflétées par les fleurs gelées et vernissées des vaisselles, ou les ramages tissés de ces motifs floraux, les pommes - ces boules qui font converger la lumière en un point incandescent - pourrissent lentement, parfumant l'atelier de leur aigreur automnale.

Quand llia Machkov tire des natures mortes cézanniennes le seul motif des fruits sur une assiette de faïence c'est pour s’en approcher très près, dans un gros plan haptique, quasi-cyclopéen. Calée dans les plis du torchon, la composition, naïvement arrangée avec sa double couronne de prunes et de pêches autour d'une grosse orange piquée juste au centre de l'image, évoque les enseignes peintes des marchands de quatre saisons et des épiceries du monde rural russe.

 
Texte du panneau didactique.
 
Mikhaïl Larionov (1881-1964). La Fenêtre. Tiraspol. Tiraspol, 1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1909-1911. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Paul Cézanne (1839-1906). Nature morte à la draperie, 1892-1894. Huile sur toile, 55 × 74 cm. Coll. Ivan Morozov, 5 octobre 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
 
Paul Cézanne (1839-1906). Nature morte. Pêches et Poires. Aix-en-Provence, 1890. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 22 janvier 1912. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.


13 - LE PRISONNIER
VINCENT VAN GOGH

LE PRISONNIER
VINCENT VAN GOGH

Durant des mois, Vincent Van Gogh s'efforce de fuir l'asile psychiatrique de Saint-Rémy-de-Provence où il avait été volontairement interné au mois de mai 1889. Il ne parviendra à le quitter qu'en mai 1890 pour trouver refuge auprès du Dr. Gachet, à Auvers-sur-Oise. Il y trouvera la mort deux mois plus tard, le 29 juillet 1890, à l'âge de trente-sept ans.

C'est durant ces longs mois d'attente à Saint-Rémy que Van Gogh peint La Ronde des prisonniers (1890) tirée du dessin de Gustave Doré, Newgate. La Cour d'exercice (1872), qui montre une file de prisonniers dans la cour de la tristement célèbre prison londonienne.

La Ronde des prisonniers se réfère à l'enfermement subi par le peintre, et ses personnages évoquent le cercle d'aliénés solitaires qui l'entourent. Privé de ses marches picturales à travers le paysage provençal, en manque de modèles, pauvre en papier, toile et couleurs, Van Gogh se tourne vers la copie de photographies ou de gravures en noir et blanc que lui envoie son frère Théo. Il conçoit d'ailleurs ses copies comme des «interprétations » de l'œuvre originale, au même titre que celle donnée, grâce à la partition, par le chanteur ou l'instrumentiste.

Ainsi, loin de reproduire littéralement son modèle, le peintre introduit de subtiles distorsions du point de vue, du cadrage, de la facture, pour transformer la gravure en un tableau où bleus et jaunes incarnent le noir et le blanc, l'ombre et la lumière.
Dans cet aquarium verdâtre on reconnaît l'univers de l'asile d'aliénés de Saint-Rémy. Quant à l'homme aux bras ballants, au centre de la ronde, il s'affirme comme un autoportrait du peintre endossant les traits et le destin du condamné à mort.

Par sa charge émotionnelle et symbolique ce tableau occupe une place à part dans l'œuvre ultime de Van Gogh. Ivan Morozov achètera l'œuvre en octobre 1909 afin de parachever sa collection de toiles de l’artiste, appartenant toutes à la période arlésienne où culmine l'art de Van Gogh.

 
Texte du panneau didactique.
 
Vincent van Gogh (1853-1890). La Ronde des prisonniers. Saint-Rémy, 1890. Huile sur toile, 80 × 64 cm. Coll. Ivan Morozov, 23 octobre 1909. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou. Courtesy Musée d'État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.


14 - ENTRE LES MONDES / HENRI MATISSE

Scénographie
ENTRE LES MONDES / HENRI MATISSE

Dans la galerie de peintures de la rue Pretchistenka, enchâssées dans leurs cadres d'or sculptés ou peints en gris à la colle, dix natures mortes incarnent le goût commun d'Henri Matisse et d'Ivan Morozov pour la contemplation rêveuse de ces univers clos, composés d'objets rares au coloris saturé et savamment mis en scène. Cet ensemble, qui restitue l'arc créatif du peintre pour la période 1896-1913, dessine une ligne tonale conférant toute sa cohérence esthétique à son œuvre dans la collection Morozov.

La succession de ces toiles, acquises entre 1907 et 1913, frappe par la transformation rapide de l’art matissien au tournant du siècle. Depuis La Bouteille de Schiedam (1896), dans laquelle les qualités picturales de Matisse s'inscrivent encore dans la grande tradition française (Chardin) ou hollandaise (Jan Davidsz de Heem), on assiste avec Pot bleu et Citron [1897] ou Fruits et Cafetière [1901] à l'intrusion violente de la couleur dans sa palette. Nature morte à la cruche bleue [1898] ou Bouquet (Vase aux deux anses) [1907] marquent la précoce prédominance de la référence à Cézanne dans sa recherche.

Peu après avoir acquis son premier Matisse en 1907, Ivan Morozov rencontre l'artiste par l'entremise de Chtchoukine et lui commande deux toiles, Nature morte à La Danse [1909] et Fruits et Bronze (1910) qui enregistrent l’évolution du peintre vers un art toujours plus complexe dominé par la couleur pure. En 1911, il lui fait une nouvelle commande de deux natures mortes et d'un paysage qui conduira le peintre à la réalisation de l'un des chefs-d'œuvre de cette période, le Triptyque marocain.

Cet énigmatique montage des genres entrelaçant paysage, nature-morte et portrait, est peint à l'hiver 1912-1913 lors du second voyage du peintre à Tanger.

Matisse affirme résolument le caractère concerté de la trilogie du Triptyque marocain et en définit précisément l'ordre de lecture, traçant ici une nouvelle perspective pour son futur œuvre monumental.

 
Texte du panneau didactique.
 
Valentin Sérov (1865-1911). Portrait d’Ivan Abramovitch Morozov. Moscou, 1910. Tempera sur carton, 63,5 × 77 cm. Coll. Ivan Morozov, 1910. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Henri Matisse (1869-1954). Nature morte à la danse, 1909. Huile sur toile, 89,5 × 117,5 cm. Coll. Ivan Morozov, commandé le 12 mai 1909. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
 
Henri Matisse (1869-1954). Fruits et Bronze. Issy-les-Moulineaux, 1910. Huile sur toile, 91 × 118,3 cm. Coll. Ivan Morozov, commandé le 12 mai 1909. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou. Courtesy Musée d'État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
Henri Matisse (1869-1954). Triptyque marocain : la Vue de la fenêtre ; Zorah sur la terrasse ; La Porte de la Casbah.
Tanger, 1912-1913. Huile sur toile, 115 × 80 cm ; 115 × 100 cm ; 115 × 80 cm. 
Coll. Ivan Morozov, 1913. Commandé au printemps 1911. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
Courtesy Musée d'État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Henri Matisse (1869-1954). Triptyque marocain : la Vue de la fenêtre. Tanger, 1912-1913. Huile sur toile.  Coll. Ivan Morozov, 1913. Commandé au printemps 1911. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou. Courtesy Musée d'État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Henri Matisse (1869-1954). Triptyque marocain : La Porte de la Casbah. Tanger, 1912-1913. Huile sur toile.  Coll. Ivan Morozov, 1913. Commandé au printemps 1911. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou. Courtesy Musée d'État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Henri Matisse (1869-1954). Triptyque marocain : Zorah sur la terrasse. Tanger, 1912-1913. Huile sur toile.  Coll. Ivan Morozov, 1913. Commandé au printemps 1911. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou. Courtesy Musée d'État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.
 
Henri Matisse (1869-1954). Bouquet (Vase aux deux anses), 1907. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1er octobre 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.


15 - DES NUS DANS L'ATELIER

Scénographie
DES NUS DANS L'ATELIER

Fait rarissime pour la Russie de l'époque, les collections de Mikhaïl et d'Ivan Morozov consacrent au genre du nu de nombreux dessins, sculptures et peintures. Leur position est atypique au regard des réserves embarrassées sur le sujet, prises communément par le cercle des grands industriels moscovites issus de la vieille-croyance schismatique restant alors confinés dans les valeurs orthodoxes d'une stricte moralité.

Le genre du nu dépasse sensiblement la question de la reproduction du corps dénudé, il renvoie aux codes, aux dogmes, à l’interdit. Il expose l'état d'esprit d’une société. L'art moderne lui confère de plus un rôle métaphorique de son combat pour se libérer des règles et des poncifs académiques. Ainsi, la reconstruction du corps humain, considéré dans sa nudité native, primitive, archaïque, optique, à travers les idiomes stylistiques les plus contrastés, qu'ils s'expriment par la ligne, la couleur ou le volume, constitue un enjeu majeur pour les avant-gardes.

Montrer le nu et émanciper la peinture du précepte mimétique forment les deux faces d'une seule et même problématique.

Ainsi, les œuvres réunies par les Morozov dialoguent sur tous les tons avec ce principe : déesse ou démon, le nu y reste l'objet des évocations passionnelles, fantasmatiques ou désublimantes de l'« Éternel féminin ». Que ce soit avec les pastels de Degas, les sculptures de Rodin et Claudel, ou à travers la séquence de peintures de Renoir, Denis, Matisse, Friesz, Manzana-Pissarro, Manguin, Guérin ou Puy, ces œuvres de la collection Morozov participent d'une tentative de saisie du mouvement dans les suspens, torsions et tensions extrêmes des poses observées, ou de l'énigme de ces figures à la fois surexposées et détournées, cachées, tronquées. On y perçoit le tabou de la nudité féminine et les enjeux de son dévoilement.

 
Texte du panneau didactique.
 
Auguste Rodin (1840-1917). Le Baiser (Paolo et Francesca). Paris, fonderie Barbedienne, 1886-1898. Bronze. Coll. Ivan Morozov, 1909. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Auguste Rodin (1840-1917). Fugit Amor. Paris, fonderie Barbedienne, 1889. Bronze. Coll. Ivan Morozov, 3 février 1913. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Camille Claudel (1864-1943). L’Implorante. Paris, 1900-1904. Bronze.  Coll. Ivan Morozov, 11 novembre 1913. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Camille Claudel (1864-1943). L’Abandon. Paris, 1905. Bronze patiné. Coll. Ivan Morozov, 11 novembre 1913. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Auguste Rodin (1840-1917). L’Éternel Printemps. Paris, fonderie Barbedienne, 1884. Bronze. Coll. Ivan Morozov, 1909. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
Scénographie. Au premier plan, Auguste Rodin (1840-1917) : Ève. Paris, 1881. Marbre.
Coll. Mikhaïl Morozov, 21 novembre 1899. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Charles Guérin (1875-1939). Le Modèle. Paris, 1910. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1910. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Henri Charles Manguin (1874-1949). La Baigneuse. Près de Saint-Tropez, 1906. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1906. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
Jean Puy (1876-1960). Scène d’atelier. Roanne, 1912. Huile sur toile.
Coll. Ivan Morozov, 1er février 1913. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Émile Othon Friesz (1879-1949). Tentation, 1910. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 28 avril 1911. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Georges Manzana-Pissarro (1871-1961). Zèbres à la source. Paris, 1906. Gouache, aquarelle et or sur papier. Coll. Ivan Morozov, 2 mai 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
Scénographie avec, sur le mur, de Maurice Denis (1870-1973) : Plage à Perros-Guirec. La Plage verte. Perros-guirec, 1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 3 janvier 1910. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Edgar Degas (1834-1917). La Toilette (Femme s’essuyant). Paris, 1884. Pastel sur papier brun. Coll. Mikhaïl Morozov, 1898. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Edgar Degas (1834-1917). Après le bain. Paris, 1895. Pastel, tempera, gouache, fusain sur papier brun contrecollé sur carton, 81,5 × 71,8 cm. Coll. Ivan Morozov, 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
 
Henri Matisse (1869-1954). Jeanne nue, 1908. Huile sur toile, 81 × 52,5 cm. Coll. Ivan Morozov, 3 octobre 1908. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
 
Pierre Bonnard (1867-1947). La Glace du cabinet de toilette. Paris, 1908. Huile sur toile.  Coll. Ivan Morozov, 3 octobre 1908. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.


16 - TROIS NUS

Scénographie
TROIS NUS

Démontrant un grand courage dans ses choix artistiques, lvan Morozov porta un intérêt continu au genre du nu et réunit une collection de sculptures occidentales et russes qui lui est dédiée. Longtemps, la monstration de la nudité fut en effet dévolue par le dogme académique à la seule sculpture, où la pétrification et l’abstraction inhérentes au transfert technique permettent de révéler la forme humaine en alliant idéalisation et précision anatomique.

On compte dans la collection russe d'Ivan Morozov un important ensemble de nus de Sergueï Konenkov (1874-1971), sculpteur à la légende sulfureuse dont la première œuvre fut jugée si provocatrice qu'elle fut littéralement détruite « à coups de marteau » par ses furieux professeurs de l'École de peinture, sculpture et architecture de Moscou. Surnommé à Moscou « le Rodin russe », il deviendra au début des années vingt l’un des artistes officiels du régime soviétique.

Sont présentées ici trois œuvres issues de la collection Morozov pour la période 1913-1916. Ces bustes tronqués et tors, saisissant les nus à l'acmé de leurs sensations, sont prêts à choir ou à basculer. L'aspect poli du bois sculpté leur confère une qualité tactile, anthropomorphique, renforcée par une couleur ambrée, charnelle, que le marbre ou le bronze ne sauraient incarner. En les confrontant aux grands nus classicisants d'Aristide Maillol, rendus également « à l'échelle humaine » et antérieurs de quelques années à peine, on peut mesurer l'étendue de l'intérêt d'Ivan Morozov pour ces manifestations antagoniques de la statuaire contemporaine française et russe.

 
Texte du panneau didactique.
 
Sergueï Konenkov (1874-1971). Figure ailée. Moscou, 1914. Bois teinté, 119 × 57 × 72 cm. Coll. Ivan Morozov, 1914-1916. Galerie nationale Trétiakov, Moscou. Courtesy Galerie nationale Tretiakov, Moscou.
 
Sergueï Konenkov (1874-1971). À genoux. Moscou, 1916. Bois teinté. Coll. Ivan Morozov, 1914-1916. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.
 
Sergueï Konenkov (1874-1971). Jeune Fille. Moscou, 1914. Bois teinté. Coll. Ivan Morozov, 1914-1916. Galerie nationale Trétiakov, Moscou.


17 - L'HISTOIRE DE PSYCHÉ
MAURICE DENIS - ARISTIDE MAILLOL

Scénographie
L'HISTOIRE DE PSYCHÉ
MAURICE DENIS - ARISTIDE MAILLOL

Ivan Morozov rencontre Maurice Denis en 1907, au moment de l'acquisition des tableaux Polyphème, 1906-1907, et Bacchus et Ariane, 1906-1907, superposant références mythologiques et hédonisme prosaïque. Ils enthousiasment le collectionneur qui commande alors au peintre un grand ensemble décoratif pour son Salon de musique.

Denis propose pour sujet « l’histoire de Psyché [...] à cause de son caractère idyllique et mystérieux » et compose «cinq scènes, fort différentes de celles de Raffael à la Farnésine [...]. Je n'ai d'ailleurs pas la prétention ridicule même de loin, d'imiter Raffael ; mais je serais heureux de tenter une traduction moderne de cette vieille légende si belle et si plastique...» (lettre du 21 juillet 1907, Archives Morozov).

Après une année de pérégrinations en Italie où il revoit les décorations monumentales sur le thème de Psyché de Raphaël (Villa Farnésine, Rome) ou de Giulio Romano (Palais du Te, Mantoue) et séjourne sur le Lac Majeur dont les jardins formeront le cadre de ses compositions, Denis présente fin d'avril 1908 à Ivan Morozov trois de ses panneaux « préparés » et deux autres « esquissés ». Exposé au Salon d'automne, le cycle de L'Histoire de Psyché déclenche la polémique entre tenants du modernisme et du « néo-traditionalisme ». Denis s'exclame : « C'est en effet très Raphaël, très Jules Romain, très réactionnaire et humaniste, très italien aussi, je crois assez voluptueux » (lettres à Mme de La Laurencie du 15 août 1908, Archives Denis).

Ivan Morozov se déclare fort satisfait des tableaux qu'il considère dès lors comme les « perles de sa collection ». Les toiles seront installées à Moscou fin 1908. En janvier 1909, séjournant à Moscou, Denis note : « Ma grande décoration est un peu isolée dans une grande salle froide, gris pierre avec des meubles gris souris. Il faudrait quelque chose pour lier. Mais cet aspect n'est pas sans grandeur.» (Journal, janvier 1909, p. 100). Il décide d'en aviver les couleurs en retouchant significativement les cinq œuvres. Il convainc également Ivan Morozov de lui commander un ensemble de panneaux complémentaires dont son carnet de croquis moscovite consigne les esquisses. Enfin, Ivan Morozov le charge de superviser la commande à Aristide Maillol d'un groupe de quatre sculptures en bronze et de réaliser de grands vases pour agrémenter le Salon de musique.

 
Ces huit nouveaux panneaux ainsi que les sept vases à fond lapis-lazuli seront acheminés à Moscou fin 1909, mais il faudra à Maillol près de deux années pour que les sculptures en bronze doré patiné Pomone, Flore, L'Été et Le Printemps soient achevées.

En avril 1912, la revue Apollon consacre un numéro spécial à la collection d'art moderne français d’Ivan Morozov, accompagné de photographies parmi lesquelles deux clichés du Salon de musique montrant la décoration récemment achevée.

Après la nationalisation de la collection en 1918, la Salle de Psyché fut conservée dans son intégralité jusqu'en 1928. Puis une partie des panneaux de Denis seront recouverts par les Matisse de la collection Chtchoukine lors de la fusion des deux collections au sein du Musée national d'art moderne occidental (GMNZI). En 1938, les Matisse jugés «formalistes» seront décrochés et L'Histoire de Psyché réhabilitée par les tenants du Jdanovisme.

Durant la guerre, en 1941, les panneaux seront déménagés avec le reste des collections à Novossibirsk. À leur retour à Moscou, ils resteront en réserve durant plusieurs années.

En 1948, lors de la répartition des collections du Musée national d'art moderne occidental (GMNZ1), le musée de l'Ermitage à Leningrad (Saint-Pétersbourg) se voit attribuer cet ensemble décoratif. Les bronzes de Maillol entreront dans les collections du musée Pouchkine à Moscou et les vases seront partagés entre les deux institutions.

En juin 2019, le Salon de musique d'Ivan Morozov, avec son décor et son mobilier, est recréé dans le parcours des collections permanentes du musée de l'Ermitage. Cette importante opération de restitution patrimoniale incluant les 13 peintures originales, a été réalisée grâce au mécénat du groupe français LVMH.

Aujourd'hui, l'exposition « La Collection Morozov. Icônes de l'art moderne », permet pour la toute première fois depuis 1918 de contempler ensemble la totalité des panneaux de Maurice Denis, deux de ses grands vases et le groupe des sculptures en bronze « à l'échelle humaine » d'Aristide Maillol.

Texte du panneau didactique.
 
Aristide Maillol (1861-1944). Pomone. Paris, 1910. Bronze. Coll. Ivan Morozov, commandé en janvier 1909. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Aristide Maillol (1861-1944). Flore. Paris, 1910. Bronze. Coll. Ivan Morozov, commandé en janvier 1909. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Maurice Denis (1870-1943). L’Histoire de Psyché. Panneau I. L’Amour s’éprend de la beauté de Psyché, objet innocent de culte des mortels et de la jalousie de Vénus. Paris, 1908. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1908, commandé en juin 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Maurice Denis (1870-1943). L’Histoire de Psyché. Panneau II. Le Zéphyr sur ordre de l’Amour transporte Psyché dans une île de délices. Paris, 1908. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1908, commandé en juin 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
Scénographie avec les Panneaux X, III et XI de L'Histoire de Psyché de Maurice Denis.
 
Maurice Denis (1870-1943). L’Histoire de Psyché. Panneau III. Psyché découvre que son mystérieux amant est l’Amour. Paris, 1908. Huile sur toile, 395 × 274,5 cm. Coll. Ivan Morozov, 1908, commandé en juin 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
 
Maurice Denis (1870-1943). L’Histoire de Psyché. Panneau IV. Soumise par Vénus aux plus dures épreuves, Psyché, pour son malheur, cède une seconde fois à la curiosité : dans cette extrémité, elle est secourue par l’Amour. Paris, 1908. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1908, commandé en juin 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Maurice Denis (1870-1943). L’Histoire de Psyché. Panneau V. Jupiter, en présence des Dieux, accorde à Psyché l’Apothéose et célèbre son hymen avec l’Amour. Paris, 1908. Huile sur toile, 396,5 × 272 cm. Coll. Ivan Morozov, 1908, commandé en juin 1907. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. © The State Hermitage Museum, 2021.
 
Scénographie avec L'Histoire de Psyché, panneau VII (ci-dessous) et les deux vases de Maurice Denis (voir plus bas).
 
Maurice Denis (1870-1943). L’Histoire de Psyché. Panneau VI. Ses parents abandonnent Psyché au sommet de la montagne. Paris, 1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1909, commandé en janvier 1909. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Maurice Denis (1870-1943). L’Histoire de Psyché. Panneau VII. L’Amour emporte Psyché au ciel. Paris, 1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1909, commandé en janvier 1909. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Maurice Denis (1870-1943). L’Histoire de Psyché. Panneau VIII. Paris, 1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1909, commandé en janvier 1909. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Maurice Denis (1870-1943). L’Histoire de Psyché. Panneau IX. Paris, 1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1909, commandé en janvier 1909. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Maurice Denis (1870-1943). L’Histoire de Psyché. Panneau X. Paris, 1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1909, commandé en janvier 1909. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Maurice Denis (1870-1943). L’Histoire de Psyché. Panneau XI. Paris, 1909. Huile sur toile. Coll. Ivan Morozov, 1909, commandé en janvier 1909. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
Scénographie
 
Aristide Maillol (1861-1944). L’Été. Paris, 1911-1912. Bronze. Coll. Ivan Morozov, commandé en janvier 1909. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Aristide Maillol (1861-1944). Le Printemps. Paris, 1911-1912. Bronze. Coll. Ivan Morozov, commandé en janvier 1909. Musée d’État des beaux-arts Pouchkine, Moscou.
 
Maurice Denis (1870-1943). Vase décoratif avec deux médaillons. Femme nue ; Femme et Enfant. Asnières, atelier d’André Metthey, 1909. Faïence, peinture sous glaçure. Coll. Ivan Morozov, 1910. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.
 
Maurice Denis (1870-1943). Vase décoratif avec deux médaillons représentant des nus féminins. Asnières, atelier d’André Metthey, 1909. Faïence, peinture sous glaçure. Coll. Ivan Morozov, 1910. Musée d’État de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.


18 - BIANCA BONDI

Bianca Biondi. The Daydream, 2021 (détail).
Technique mixte (eau de pluie, sel, amarantes, coquillages, os d'oiseaux...), dimensions variables. Bande son : 32 minutes.
BIANCA BONDI

Née en 1986 à Johannesburg, Afrique du Sud, vit et travaille à Paris.

Éphémères, poétiques, en perpétuelle métamorphose, les œuvres hybrides de Bianca Bondi naissent de la rencontre d'objets et de matières organiques et inorganiques, choisies aussi pour leur aura symbolique. À l'occasion d'Open Space #8, Bianca Bondi transforme la galerie en un paysage artificiel composé à partir d'éléments naturels. Inspiré des sources sacrées notamment des cénotes mexicains, ce jardin d'intérieur propose une expérience multisensorielle. Au centre, un puits comme source d'énergie dont les alvéoles contiennent des solutions salines colorées diffusant un accord olfactif aux notes minérales. Ici et là, des îlots de végétation et une branche recouverte de lianes. Sur les murs se propage une brume de couleur pourpre. Les fleurs sont stabilisées, le sel se cristallise, le son s'étire, le temps est suspendu. Influencée par les rites d'offrandes ainsi que par certaines pratiques occultes, Bianca Bondi convoque ici la pratique du « scrying » ou l’art ancien de la divination nous connectant au monde invisible. Lieu de méditation propice au recueillement et à la rêverie éveillée, The Daydream invite, selon l'artiste, à une « expérience irréelle ancrée dans le réel ».

 
Texte du panneau didactique.
 
Bianca Biondi. The Daydream, 2021. Technique mixte (eau de pluie, sel, amarantes, coquillages, os d'oiseaux...), dimensions variables. Bande son : 32 minutes.