CLAUDIA ANDUJAR
La lutte Yanomami

Article publié dans la Lettre n°506 du 22 juillet 2020



 
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CLAUDIA ANDUJAR. LA LUTTE YANOMAMI. Née en suisse en 1931 d’une mère protestante et d’un père juif, Claudine Haas grandit dans le nord de la Transylvanie. Lors de l’occupation militaire de cette région, son père, qui s’est séparé de sa mère lorsqu’elle avait neuf ans, et d’autres membres de sa famille sont envoyés à Auschwitz et à Dachau où ils meurent. Claudine se réfugie en Suisse avec sa mère puis part s’installer à New York où elle prend le prénom de Claudia. Là elle épouse un réfugié espagnol, Julio Andujar, dont elle se sépare peu après tout en gardant son nom. Elle commence à peindre, inspirée par l’expressionnisme abstrait, et travaille deux ans comme guide au siège de l’ONU. En 1955 elle rejoint sa mère au Brésil, à São Paulo, où elle vit aujourd’hui, et commence à s’intéresser à la photographie. Elle parcourt l’Amérique latine ainsi que l’Espagne, l’Italie et la France et collabore avec des magazines américains et brésiliens. En 1966 elle rejoint l’équipe de photographes du magazine Realidade qui marque le renouveau du journalisme et du photojournalisme au Brésil. Elle s’intéresse alors à la photographie sociale et documentaire. En 1968 elle épouse le photographe George Leary Love avec lequel elle publiera son premier livre, Amazónia, en 1978. En 1971 elle photographie pour la première fois une communauté Yanomami. Dès lors elle n’aura de cesse de s’intéresser intimement à ces indiens et de prendre leur défense en compagnie du missionnaire italien Carlo Zacquini, de l’anthropologue français Bruce Albert et du chaman et porte-parole des indiens Yanomami Davi Kopenawa. Depuis 1978, elle milite avec vigueur pour la défense des droits des indiens Yanomami.
La présente exposition, qui fait suite à d’autres expositions en ce même lieu relatives aux Yanomami, rend compte à la fois du travail d’artiste et de militante de Claudia Andujar, et de la culture des Yanomami et des difficultés qu’ils rencontrent.
Dans la première partie, au rez-de chaussée, nous voyons tout d’abord, sous le titre « L’attrait du Catrimani », du nom du fleuve qui traverse le territoire des Yanomami, de magnifiques photographies. Pour cela l'artiste a utilisé de nombreuses techniques : grand angle, pellicule infrarouge, filtres colorés, etc. qui imprègnent ses images d’une certaine surréalité. Il en est de même dans les sections suivantes où Claudia Andujar nous entraîne « dans l’intimité du foyer » et dans les rites et inventions. Sa manière de photographier les grands yano, ces maisons collectives qui abritent des dizaines de familles sous un toit commun, transcende la réalité et invite à une interprétation métaphysique. Elle va encore plus loin pour « Rite et invention » en utilisant des vitesses d’obturation lentes, des flashs, etc. obtenant des images brouillées ou superposées qui traduisent parfaitement cet événement majeur de la vie sociale Yanomami qu’est le reahu. Il s’agit d’une cérémonie d’alliance et de rite funéraire, qui réunit pendant plusieurs jours diverses communautés, au cours de laquelle les hommes absorbent une poudre hallucinogène, la yãkoana, qui les plongent en transe. Les photographies ainsi obtenues sont fascinantes.
La deuxième partie, à l’étage inférieur, rend compte cette fois du travail de militantisme de Claudia Andujar. Elle commence par une magnifique série de portraits en noir et blanc, sans artifice et par la présentation de son ouvrage collectif, Amazónia. L’artiste a également demandé à certains Yanomami de faire des dessins, leur fournissant tout le matériel nécessaire. Une trentaine sont exposés ici, révélant comment ces indiens voient leur entourage tant vivant que spirituel.
L’Amazonie, et tout particulièrement cette région à la frontière avec le Venezuela qu’occupent les Yanomami, suscite bien des envies et le Brésil ne veut pas que d’autres pays l’empêchent de faire ce qu’il veut dans cette zone. Ainsi, en 1973 le gouvernement militaire lance un vaste chantier pour ouvrir la Perimetral Norte, une route traversant d’est en ouest les réserves des Yanomami. Les milliers d’ouvriers qui arrivent alors apportent avec eux le paludisme (Claudia elle-même en est victime) et la rougeole. Ces maladies déciment 15% des indiens. Faute de financement, le chantier s’arrête mais le mal est fait. Les richesses - or, uranium, étain -  qu’abrite le sous-sol attisent les convoitises. Dans les années 80 ce sont quarante mille chercheurs d’or qui envahissent le territoire Yanomami, peuplé de quelque 36 000 personnes, Venezuela compris. Cette invasion recommence en 2018 avec la présence d’au moins 20 000 mineurs clandestins. Les intentions du nouveau président Jair Bolsonaro qui veut reprendre aux indiens les terres qu’ils occupent depuis toujours et qu’une loi a précisé en 1992, n’y sont pas étrangères. En créant avec d’autres des associations de défense des Yanomami, en participant à des campagnes de vaccination dans cette vaste contrée (94 000 km2 au Brésil), en faisant connaître au reste du monde le sort qui est réservé à ces indiens, Claudia Andujar a fait de sa vie un combat pour les droits des Yanomami. Ses photos rendent compte de cette lutte, de même que son installation audio-visuelle, « Génocide des Yanomami », que l’on voit à la fin de cette exposition, à tout point de vue passionnante. R.P.  Fondation Cartier pour l’art contemporain 14e. Jusqu’au 13 septembre 2020. Lien : www.fondation.cartier.com.


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