Parcours en images de l'exposition

CHARLES RAY
Centre Pompidou

avec des visuels mis à la disposition de la presse
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°546 du 27 avril 2022




 
CHARLES RAY

Né en 1953 à Chicago et vivant aujourd'hui à Los Angeles, Charles Ray compte parmi les quelques artistes de sa génération qui ont infléchi durablement l'histoire de l'art récent. Très diverse, bien que restreinte en quantité, Son œuvre procède dès l'origine, sans a priori aucun, de cette question : « Qu'est-ce qu'une sculpture ? » Informé par une profonde connaissance de son art depuis les statues archaïques grecques jusqu'aux inventions de certains de ses contemporains, Charles Ray propose une large gamme de réponses. Paradoxe : l'immédiateté qui caractérise la rencontre avec ses œuvres n'a d'égale que la complexité de la conception et de la production de celles-ci.
Selon une perspective inédite, la présente exposition offre un éclairage sur près de cinquante ans de carrière, depuis les débuts de l'artiste/performer en tant que sculpture vivante jusqu'à ses tout derniers travaux. L'exposition est marquée par divers moments culminants de ce qui constitue en définitive une refondation de l'art sculptural (ainsi Hinoki, 2007, montré pour la première fois en dehors du musée américain qui le conserve).

Affiche de l'exposition.
 
Texte du panneau didactique.


PREMIER GROUPE

Scénographie
 
Charles Ray. Self-Portrait, 1990. Fibre de verre peinte, vêtements, lunettes, cheveux, verre et métal, 190,5 x 66 x 50,8 cm. Orange County Museum of Art, California, achat du Musée. © Charles Ray Courtesy Matthew Marks Gallery. Photographie Reto Pedrini.


« Au cours de mes études, j'ai travaillé quelque temps comme gardien de nuit dans un grand magasin ; j'y étais environné de mannequins à la présence insistante. À l'exception d'une poignée d'employés disséminés dans tout le magasin, il n'y avait personne. Les mannequins étaient partout. Leur inquiétante étrangeté les rendait inintéressants à mes yeux. Mon idée initiale n'était que cela, une blague, un point de départ, une sorte de figuration bon marché - une zone intermédiaire entre réalité et fiction. Des mannequins qui prennent vie après la fermeture, qui sortent en ville et doivent rentrer au point du jour. Des vampires sans le sang. Des vampires de la culture. Je m'en suis servi comme d'une donnée culturelle, une base pour édifier ma sculpture. ».
 
Charles Ray.Huck and Jim, 2014. Fibre de verre peinte. D’après Mark Twain’s The Adventures of Huckleberry Finn, 283,2 × 137 × 137 cm. Photographie Bertrand Prévost.


« Huck and Jim fut conçu à l’origine comme une fontaine pour les nouveaux bâtiments du Whitney Museum, à New York. Avec Les Aventures de Huckleberry Finn, qui rapporte l’épopée d’une descente du Mississippi, Mark Twain a donné son grand roman à l’Amérique. Twain est notre Homère et Huck Finn notre Ulysse. Mon point de départ est une sculpture figurative de Huck et de son compagnon Jim, l’esclave fugitif. Comment rendre ces personnages dans une sculpture ? Comment éviter les pièges littéralistes avec une mise en scène ou des accessoires illustratifs ? Pas de canne à pêche ou de radeau ? Un garçon blanc nu quatorze ans et un homme noir, également nu, de vingt-huit ans. Le spectateur peut-il négocier la politique sexuelle ? Peut-on voir davantage que les batailles culturelles topiques dans cet espace chargé ? » .
Charles Ray. Portrait of the Artist's Mother, 2021. Papier fait main et gouache, 132 × 305 × 117 cm.
L'artiste, courtesy Matthew Marks Gallery. © Charles Ray courtesy Matthew Marks Gallery. Photograph by Josh White.

Sculpture qui se caractérise par l’utilisation d’un matériau nouveau et peu courant pour des objets de grande taille : le papier. Ce nu féminin plus grand que nature s'inscrit dans la tradition des Vénus allongées de la Renaissance et, plus près de nous, de l'Olympia de Manet (1863, Musée d'Orsay). « Je suis sculpteur de métier, mais la nuit je dessine des fleurs afin de laisser libre cours à mon amour de la couleur. Comme des fleurs sauvages dans un pré, ces dessins viennent d'eux-mêmes », écrit Charles Ray. Les larges fleurs peintes à la gouache évoquent le Flower Power de la fin des années 1960. Les deux registres - peinture et sculpture - fonctionnent comme indépendamment.

 
Charles Ray. Clothes Pile, 2020. Aluminum peint, 15 × 87,3 × 82,5 cm. L'artiste, courtesy Matthew Marks Galiery.

L'intérêt de Charles Ray pour le thème du vêtement se manifeste dès ses débuts. Plusieurs de ses mannequins en témoignent également, ainsi que l'installation cinématographique Fashions (1996) qui montre un modèle féminin sur un socle rotatif. Chaque rotation s'accompagne d'un changement de tenue, lesquelles ont été confectionnées par l'artiste lui-même. Important tout au long de l'histoire de la sculpture par les effets auxquels il donne lieu (drapés, plicatures), le vêtement est cependant très rarement traité de manière isolée. Clothes Pile l'envisage sur un mode résolument contemporain et quotidien : diverses pièces de costume abandonnées à même le sol et révélant encore l'empreinte du corps qui les a portées.

 
Charles Ray. Eggs, 2006-2007.
Chicken, 2007. Acier inoxydable peint et porcelaine, 4 × 6 × 4 cm.
L'artiste, courtesy Matthew Marks Gallery (à gauche).
- Handheld Bird, 2006. Acier inoxydable peint, 5 ×10 × 8 cm.
Matthew Marks Gallery (en haut).
- Hand Holding Egg, 2007. Porcelaine, 8 × 20 ×10 cm.
Matthew Marks Gallery (en bas).

« Chicken oppose deux forces. Celle du spectateur curieux qui regarde à l'intérieur est confrontée à l'énergie du poussin sortant de l'œuf. Et je pense que cela répond enfin à la question : qui est venu en premier, l'œuf ou la poule ? ».

Scénographie avec Clothes Pile, Unpainted Sculpture et Plank Piece I and II (sur le mur du fond)
Charles Ray. Unpainted Sculpture, 1997. Fibre de verre peinte. D'après une voiture Pontiac Grand AM accidentée, 152,4 x 198 x 434 cm.
Walker Art Center, Minneapolis. Don de Bruce et Martha Atwater, Ann et Barrie Birks, Dolly Fiterman, Erwin et Miriam Kelen, Larry Perlman et Linda Peterson Perlman, Harriet et Edson Spencer avec le fonds complémentaire du T. B. Walker Acquisition Fund, 1998.

« Unpainted sculpture est née d'une recherche sur la nature des fantômes. J'ai étudié de nombreuses automobiles qui ont été impliquées dans des collisions mortelles. J'ai fini par choisir une voiture qui, selon moi, portait la présence de son conducteur décédé. Mon idée était de reproduire toutes les bosses, tous les froissements et tous les aspects de la destruction de la voiture en prenant des moules pièce par pièce.» Une fois la voiture parfaitement reproduite, le drame auquel elle est liée s'estompe. La pureté de la forme met à distance le chaos.

Charles Ray. Unpainted Sculpture, 1997. Fibre de verre peinte. D'après une voiture Pontiac Grand AM accidentée.
 
Charles Ray. Plank Piece I and Il, 1973. Deux photographies en noir et blanc montées sur carton 100 × 69 cm chacune.
Glenstone Museum, Potomac (Maryland). © Charles Ray courtesy Matthew Marks Gallery.

« Certaines des sculptures-performances qui utilisent mon corps, comme Plank Piece l and II, me sont venues à l'esprit parce que j'étais pleinement impliqué dans la fabrication de mes sculptures. J'ai simplement évacué toute distance et laissé mon corps entrer dans les sculptures. Aussi imagées qu'elles puissent paraître rétrospectivement, je les voyais à l'époque comme très formelles, une relation entre un corps, un mur et une planche. »

 
Scénographie avec Self-Portrait, Fall '91, Portrait of the Artist's Mother, Unpainted Sculpture et Shoe Tie. Photographie Bertrand Prévost.
 
Charles Ray. Fall '91, 1992. Fibre de verre peinte, cheveux, vêtements, bijoux, verre et métal. 243,84 x 66,04 x 91,44 cm. The Broad Art Foundation.

« Ce n'est pas une médiocre sculpture de femme, mais une grande sculpture de mannequin ! Lorsqu'elle est bien installée, il peut se passer deux choses à l'approche du spectateur : ou le mannequin grandit, ou le spectateur rapetisse. La sculpture respecte toutes les proportions normales d'un mannequin. La seule convention modifiée, c'est l'échelle : la sculpture est 30% plus grande qu'un mannequin de magasin. À une certaine distance, la sculpture semble avoir la bonne taille. La sculpture n'est pas posée dans l'espace, elle est faite d'espace, celui-ci étant une dynamique fluide dans laquelle baigne notre existence même. »

 
Charles Ray. Shoe Tie, 2012. Acier inoxydable, 73 x 74 x 60 cm. Collection particulière. Photographie Bertrand Prévost.

« Un matin, sur le chemin, alors que je refaisais mes lacets dans l'obscurité, je me disais que si un fantôme devait lacer sa chaussure, il n'aurait pas besoin d’avoir une chaussure. Je ne crois pas aux fantômes, mais la logique de cette idée m'est restée. Finalement, j'ai perçu ce geste comme une sculpture. »

 
Charles Ray. Future Fragment on a Solid Base, 2011. Aluminium. 210 x 122 x 91 cm. Glenn and Amanda Fuhrman, New York, courtesy the FLAG Art Foundation. © Charles Ray Courtesy Matthew Marks Gallery. Photographie Josh White.

À l'origine de cette œuvre, une figurine de guerrier trouvée par terre est reproduite par l'artiste à très grande échelle. La figurine lui est apparue alors avec une musculature totalement fantasmée et féminisée. Il choisit de n'en garder qu'un membre, la jambe, qui contient à elle seule l'esprit général de tout le corps. Placé sur son piédestal, le fragment se fait trouvaille archéologique que des générations futures auraient découverte et érigée comme témoin de notre civilisation.
 
Charles Ray. Yes, 1990. Photographie en couleurs sur mur convexe et cadre de l'artiste, 135 x 112 x 6,5 cm.
Pinault Collection. © Charles Ray Courtesy Matthew Marks Gallery. Photographie Reto Pedrini (image de droite).

« J'ai pris une dose de LSD et lorsque j'ai commencé à avoir des hallucinations et l'impression que la pièce respirait, j’ai demandé à un photographe de me prendre en photo. J'ai ensuite demandé à une entreprise de produire une grande feuille de verre incurvée. Un menuisier a construit un cadre incurvé et une équipe de construction a monté un mur dans la pièce où j'avais été photographié. Le portrait s'adapte parfaitement à la surface incurvée du mur. Lorsque vous entrez dans la pièce, le portrait et le mur paraissent droits, tandis que les deux murs latéraux donnent l'impression de se courber vers l'extérieur. »



DEUXIEME GROUPE

Scénographie avec Hinoki et Family Romance.
Charles Ray. Hinoki, 2007. Bois de cyprès. Dimensions totales : 173 x 970 x 610 cm.
The Art Institute, Chicago. Grâce au don de Mary et Leigh Block, M. et Mme. Joel Starrels, Mme Gilbert W. Chapman,
et M et Mme Roy I Friedman ; acheté arec les fonds fournis par Donna et Howard Stone.
Charles Ray. Family Romance, 1993. Fibre de verre peinte et cheveux, 135 × 216 × 28 cm. Pinault Collection. Photographie Bertrand Prévost.

Cette sculpture de groupe représente une famille en position frontale unifiée par les mains. Les quatre figures sont d'échelles différentes (agrandie pour les enfants et diminuée pour les parents) mais aux proportions correctes. La modification des tailles et la nudité introduisent une perturbation dans les rapports entre les membres de la famille type. Cette distorsion d'un modèle standard invite à de multiples spéculations, narratives, surréalistes, psychologiques, sociales, politiques, etc.

 
Charles Ray. School Play, 2014. Acier inoxydable, 193 × 58 × 39 cm. Glenn and Amanda Fuhrman, New York, courtesy the FLAG Art Foundation.

« School Play forme une trilogie fortuite avec The New Beetle et Boy With Frog (voir Charles Ray - Chambre de Commerce). Les sculptures tracent un parcours à travers les étapes de la vie d'un jeune garçon. Dans The New Beetle, il est absorbé dans le jeu tel que peut l'être un enfant. Boy With Frog le retrouve quelques années plus tard, plein de curiosité, confronté au concept d'altérité sous forme de grenouille. School Play montre sa capacité en tant qu'élève à prendre la pose et jouer un rôle pendant que nous, adultes, nous occupons du nœud de sa toge en papier de soie avant d'applaudir à la puissance de son épée en plastique. » Comme souvent, Charles Ray crée des ponts entre les époques, les âges, les rôles, les situations et les états psychologiques. C'est toute une histoire qui se tisse entre les adultes et ce jeune élève costumé.

 
Charles Ray. No, 1992. Photographie en couleurs et cadre de l'artiste, 96.5 x 76.2 cm. The Broad Art Foundation © Charles Ray Courtesy Matthew Marks Gallery. Photographie Reto Pedrini.

No est le pendant de Yes (voir ci-dessus à la fin du premier groupe). De même format mais présentée dans un cadre droit, cette photographie est celle d'un mannequin fabriqué à l'image de l'artiste. Tandis que No est très réaliste mais sans vie, Yes traduit un état subjectif, extériorisé jusque dans son environnement.

Charles Ray. All My Clothes, 1973. 16 photographies en couleurs, 23 × 152 cm. Glenstone Museum, Potomac (Maryland).

« All My Clothes est une série d'instantanés de toute ma garde-robe, telle qu'elle était en 1973. Les vêtements changent d'une image à l’autre et vous pouvez penser que je reste le même, mais je n’en suis pas si sûr. »

Charles Ray. All My Clothes, 1973 (détail). 16 photographies en couleurs. Glenstone Museum, Potomac (Maryland).
 
Charles Ray. Puzzle Bottle, 1995. Verre, bois peint, liège, 34 × 10 x 10 cm.
Whitney Museum of American Art, New York. Achat grâce aux fonds du Contemporary Painting and Sculpture Committee et Barbara et Eugene Schwartz.
© Charles Ray courtesy of the artist. Ph © 2020. Digital image Whitney Museum of American Art / Licensed by Scala (image de droite).
 
Charles Ray. How a Table Works, 1986. Acier, boîte en métal, thermos, gobelet en plastique, pot en terre cuite avec plante synthétique, pot métallique peint, 112 × 117 × 81 cm. The Museum of Contemporary Art, Los Angeles. Don de la Lannan Foundation.

« Chaque table a sa propre logique. Ce qui m'intéresse est la structure entre la table et les objets ou la relation entre la table et la nature morte. J'étais curieux de savoir comment les tables et les objets fonctionnent ensemble, alors j'ai clarifié la question en réalisant How a Table Works. » Par le choix minutieux des objets et le remplacement du plan de la table par des arêtes, Charles Ray cherche à créer une fluidité spatiale entre les objets et leur support.

 
Charles Ray. Mime, 2014. Bois de cyprès, 56 × 201 × 66 cm. Glenstone Museum, Potomac (Maryland).

« Comme la Femme endormie (voir Charles Ray - Bourse de Commerce), le personnage de Mime est également endormi, mais il dort dans un état plus léger. Son sommeil est délicat, et en tant qu'état d'être, il est similaire à l'acte de mimer. Mais son sommeil est-il une forme de mimétisme ou mime-t-il le sommeil ? » Pour Charles Ray, les sculptures donnent à voir l'espace non représenté, invisible mais palpitant de vie. Entre l'espace du spectateur et celui de la sculpture se dessine une zone de partage où se mêlent le champ gravitationnel et le champ social.