CEZANNE ET PARIS

Article publié dans la Lettre n° 334
du 26 décembre 2011


CEZANNE ET PARIS. Après « Cézanne en Provence » au musée Granet d’Aix en Provence en 2006 (Lettre n°258, Exclusivité Internet), voici l’autre volet de l’abondante production (plus de 1000 tableaux répertoriés) du précurseur des peintres d’avant-garde, « notre père à tous » selon la formule de Picasso. Avec quelque quatre-vingts œuvres, nous avons un bon aperçu de la production « parisienne » de Cézanne. Celui-ci fait le voyage Aix - Paris plus de vingt fois et passe la moitié de son temps en Île de France, à partir du moment où il se consacre à la peinture, changeant fréquemment d’adresse (on lui en connaît plus de vingt !). Bien sûr les raisons de monter à Paris ne sont pas les mêmes en 1861 et en 1905. Dans le premier cas il rejoint son meilleur camarade du collège Bourbon d’Aix, Emile Zola, pour devenir « artiste ». Il fréquente alors l’académie Suisse, un atelier libre, sans professeur, où il fait la connaissance de Guillemet, de Pissarro et de Guillaumin. Dans le deuxième cas, c’est un artiste consacré qui vient voir les critiques, les collectionneurs, les marchands et les expositions de ses œuvres, comme celle du Salon d’automne au Grand Palais en 1904, où une salle entière lui est consacrée.
Le parcours de l’exposition s’inspire de sa vie et nous présente les œuvres en cinq parties (1). Dans la première nous voyons le jeune Cézanne s’appropriant les techniques anciennes et modernes, faisant des dessins d’après les grands maîtres de la peinture (Rembrandt, Poussin, Delacroix...) (Bethsabée d’après Rembrandt, 1874) ou de la sculpture (Michel Ange, Puget, dont il possède un plâtre, …) ou participant, sans y adhérer, au mouvement impressionniste. Paradoxalement Paris est peu présente dans son œuvre, seulement quelques vues faites depuis sa fenêtre ou de terrasses. La deuxième partie nous montre Cézanne travaillant la peinture de paysage, en plein air, « sur le motif », selon la tradition de Courbet, Corot et des peintres de Barbizon. Contrairement à ses amis Guillaumin et Pissarro, il veut faire « de l’impressionnisme une chose solide et durable comme l’art des musées » (Quartier du Four à Auvers-sur-Oise, 1873 ; La Maison du pendu à Auvers-sur-Oise, 1877 ; Le Pont de Maincy, 1880 ; L’Ermitage à Pontoise, 1881).
« La Tentation de Paris » est le titre de la troisième partie, consacrée au nu, l’une des préoccupations majeures de Cézanne. Ses premiers tableaux sont à caractère érotique (La Tentation de Saint Antoine, 1870 ; Une Moderne Olympia, 1874 ; La Lutte d’amour, 1880) puis, se rendant compte qu’il risque de s’enfermer dans une provocation stérile, ses nus deviennent « baigneuses » aux formes plantureuses (Trois Baigneuses, 1877 ; Femme nue (Léda II ?), 1886-1890).
La maîtrise de Cézanne s’exprime aussi dans ses natures mortes qui partagent avec les portraits la quatrième partie. Il peignit plus de 200 natures mortes, pour lui un motif comme un autre, tout aussi intéressant, qui se prête bien à des recherches sur l’espace, les volumes, les couleurs, les formes (Poterie, tasse et fruits sur une nappe blanche, 1877 ; Nature morte, 1890). Les portraits présentés ici, après ceux exposés dans la première partie (Emile Zola, 1864 ; Le Nègre Scipion, 1867) nous présentent, outre son épouse (Madame Cézanne cousant, 1877), son premier collectionneur (Portrait de Victor Chocquet assis, 1877) et son premier marchand, celui qui organisa ses premières expositions (Portrait d’Ambroise Vollard, 1899).
Enfin la cinquième partie, intitulée « Les voies du silence » illustre les quinze dernières années de la vie de Cézanne, mort en 1906, durant lesquelles il remontent huit fois en région parisienne, alors qu’il est connu et admiré et qu’il a tout sous la main à Aix. En fait ce n’est pas pour les mondanités, qu’il fuit, mais pour retrouver le silence et la solitude, à Chantilly ou sur les bords de la Marne (Paysage d’hiver (Giverny), 1894 ; La Route tournante, 1904 ; Bords d’une rivière, 1905). Signalons pour terminer l’excellente présentation de ces tableaux, dans des lieux rénovés et qui paraissent plus vastes qu’avant (!), avec des textes intéressants et des cartels très lisibles. Musée du Luxembourg 6e. Jusqu’au 26 février 2012. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.museeduluxembourg.fr.
(1) Les oeuvres mentionnées dans l'article sont reproduites sur la page de visuels.


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