BOTTICELLI
artiste & designer

Article publié dans la Lettre n°537 du 22 décembre 2021



 
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BOTTICELLI. Artiste & designer. Cette exposition nous présente, avec une quarantaine de tableaux, le travail d’un atelier d’artiste à la fin du Quattrocento. Le parcours est à la fois chronologique et thématique. Il commence par l’apprentissage d’Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510) dans l’atelier de Filippo Lippi (vers 1406-1469). On y voit plusieurs Vierges à l’Enfant. Ana Debenedetti, la commissaire, a disposé côte à côte un tableau de Lippi et sa « copie » par Botticelli, comme c’était l’usage à l’époque pour former les élèves. S’ils sont semblables, on voit néanmoins les changements apportés au modèle par Botticelli, dont la Vierge est plus mélancolique, devinant déjà le calvaire de l’Enfant qui est sur ses genoux. C’est vers 1465 que Botticelli ouvre son atelier au rez-de-chaussée de la demeure paternelle à Florence. Il n’en continue pas moins à s’inspirer de ses contemporains, en particulier d’Andrea del Verrocchio (vers 1435-1488). La Vierge à l’Enfant dite Madone Campana (vers 1467-1470), de Botticelli, évoque beaucoup la Vierge à l’Enfant avec deux anges (vers 1467-1469), de Verrocchio. Dans cette première salle, se trouve un chef-d’œuvre de Botticelli, la Madone à l’Enfant dite Madone au livre (vers 1482-1483), peinte à l’époque où l’artiste avait la pleine maîtrise de son art.
À côté des Madones qui avaient un usage de piété personnelle, les riches florentins aimaient orner leurs demeures de tableaux à sujets historiques ou mythologiques comme Le retour de Judith à Béthulie (1469-1470), Le Jugement de Pâris (vers 1482-1485) ou L'histoire d'Esther, que l’on retrouve, peinte sur les indications de Botticelli par Filippino Lippi (1457-1504), sur les panneaux d’un coffre, commandé à l’occasion d’un mariage. Remarquons que Botticelli avait recueilli Filippino Lippi, le fils de son maître Filippo Lippi, à la mort de celui-ci.
Botticelli n’était pas seulement un peintre remarquable. C’était aussi un habile entrepreneur faisant réaliser par des sculpteurs, ébénistes, tapissiers, etc. des œuvres de sa conception. Sont présentées ici une chasuble, une tapisserie (Minerve pacifique, vers 1491-1500) et la reproduction de la Porte de la salle des Anges du palais ducal d’Urbino. C’est à ce titre que l’on peut considérer cet artiste comme un designer.
Favori des Médicis, il peint des portraits de ceux-ci, comme celui de Julien de Médicis (vers 1478-1480), exposé ici. Mais le plus beau est cette Figure allégorique dite La Belle Simonetta (vers 1485), présenté à côté du dessin de son modèle à partir d’un portrait réel. Dans la même salle sont présentées trois Venus pudica. Deux sont de Botticelli (Berlin et Turin, vers 1485-1490), la troisième, plus massive (1490) est de Lorenzo di Credi (1459 ?-1537). C’est ce type de « belle femme nue » que l’on retrouve dans La Naissance de Vénus (1485), conservée à Florence.
Pour un peintre de cette époque, une façon d’accroître sa célébrité est le retable. Ces grands tableaux disposés au-dessus de l’autel sont vus par tous les fidèles. Botticelli et son atelier en réalisent un grand nombre. L’un d’entre eux, Le Couronnement de la Vierge (vers 1462), conservé à Miami, est montré ici avec sa prédelle, reconstituée pour l’occasion grâce aux prêts du Bargello (Florence) et du Vatican. Une autre spécialité de l’atelier de Botticelli est le tondi, un format circulaire et complexe, très prisé à Florence, qui se prête bien aux sujets religieux. L’artiste rationnalise sa production grâce à des livres et des cartons à l’échelle un, utilisés par ses assistants. Si aujourd’hui on considère qu’un tableau est un « original » quand il est de la main de l’artiste, à l’époque de Botticelli, c’était la conception de l’œuvre qui en faisait un tableau du maître.
Sans que l’on sache très bien comment Botticelli a perçu les sermons apocalyptiques du moine Savonarole (1452-1498), il semble que son œuvre en ait subi les conséquences comme le montre ce grand Crucifix (vers 1490-1495), avec un Christ apaisé, ou encore ces trois Vierge à l’Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste. Savonarole acceptait les peintures religieuses mais il ne fallait pas que la Vierge soit trop belle et excite les sens ! Ici, on a la chance de voir celle du Palazzo Pitti et sa réplique inversée qui vient d’être découverte dans la petite église de campagne de Saint-Félix de Champigny-en-Beauce. Après sa mort, Botticelli, éclipsé par Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël, tombe dans l’oubli. Ce n’est que dans la deuxième moitié du XIXe siècle qu’on s’intéresse de nouveau à lui et qu’il devient l’artiste le plus populaire du Quattrocento. Une exposition tout à fait passionnante. R.P. Musée Jacquemart- André 8e. Jusqu’au 24 janvier 2022. Lien : www.musee-jacquemart-andre.com.


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