L'ANGE DU BIZARRE.
Le romantisme noir de Goya à Max Ernst

Article publié dans la Lettre n° 352
du 25 mars 2013


L'ANGE DU BIZARRE. Le romantisme noir de Goya à Max Ernst. Paradoxalement c’est en réaction aux découvertes du siècle des lumières que des écrivains se sont intéressés aux sujets irrationnels à partir des années 1760-1770. Ils font la part belle aux mystères et aux émotions fortes, capables de faire frissonner le lecteur de peur comme de plaisir. Cette littérature a été qualifiée de « romantisme noir » par l’historien Mario Praz. Ces romans noirs, considérés comme un genre mineur, n’intéressèrent pas les artistes qui puisèrent leur inspiration dans la « grande » littérature comme La Divine Comédie de Dante, Le Paradis perdu de John Milton, le Faust de Goethe, voire des pièces de Shakespeare telle que Macbeth avec ses trois sorcières.
Il faudra attendre le début du XXe siècle pour que le cinéma s’empare de ces romans noirs et produise ces chefs-d’œuvre du cinéma fantastique que sont Nosferatu le vampire de Murnau (1922) d’après Dracula, le roman de Bram Stoker (1897), ou Frankenstein de James Whale (1931) d’après le roman de Mary Shelley (1818). La présente exposition rend d’ailleurs hommage à ce cinéma en projetant tout au long du parcours onze films dont les deux déjà cités, ainsi que, entre autres, La Sorcellerie à travers les âges de Christensen (1922), Faust, une légende allemande de Murnau (1926), La Charrette fantôme de Sjöström (1921), Les Trois Lumières de Fritz Lang (1921), La Chute de la maison Usher de Jean Epstein (1928), Dracula de Tod Browning (1931) ou encore Un chien andalou de Buñuel et Dali (1929). De quoi passer plusieurs jours dans cette exposition !
Néanmoins ce sont les quelques 200 œuvres, peintures, dessins, estampes et sculptures de la fin du XVIIIe siècle jusqu’à la fin du XXe siècle qui retiennent notre attention. Dès l’entrée, nous sommes confrontés aux représentations de Satan ou de cauchemars de Füssli (Satan s’échappant sous le coup de la lance d’Ithuriel, 1779 – Le Cauchemar, 1781 – Les Trois sorcières, 1783) ou à l’illustration par Bouguereau de Dante et Virgile aux Enfers (1850).
Après des scènes de sorcellerie et de Sabbat des sorcières, auquel se joint une esquisse du Radeau de la Méduse de Géricault (1816), toute une salle est réservée aux fameuses gravures de Goya, dont celles des cycles Les Caprices (1797-1799), Les Désastres de la guerre (1810-1815) et Les Proverbes (1816-1819), montrant que l’être humain est encore plus malfaisant que toutes les inventions littéraires.
Parmi les êtres maléfiques, la femme, qui incarne tour à tour, selon les peintres, la Vanité (Léon Frédéric, 1893), le Péché (Franz von Stuck, 1893), La Débauche (Gustave Moreau, 1893-1896) ou encore l’indolence, Femme assoupie sur un lit ou l’Indolente (Pierre Bonnard, 1899) est un sujet de prédilection tout autant que Méduse ou le Sphinx ! Les paysages avec des ruines ou des forêts sont d’autres sujets très appréciés de ces artistes. Dans tous les cas ces œuvres sont fascinantes par leur originalité, leur traitement et la beauté intemporelle des sujets.
Les dernières salles sont consacrées à des artistes du XXe siècle tels que Miró (Peinture, 1930), Brassaï (Sans Titre, 1933-1956), Magritte (Le Colloque sentimental, 1945), Dali (Demi-tasse géante volante avec annexe inexplicable de cinq mètres de longueur, 1944-1945), Ernst (Le Radeau, 1926), Klee (Fleurs de grotte, 1926), Masson (La Terre, 1939) qui, à la faveur du surréalisme, mettent en œuvre les forces motrices de l’inconscient, rejoignant ainsi l’esprit même du romantisme noir. Une exposition très originale avec une magnifique scénographie d’Hubert Le Gall. Musée d’Orsay 7e. Jusqu’au 9 juin 2013.
Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.musee-orsay.fr.


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