ALEXANDRE CHARPENTIER (1856-1909)
Naturalisme et Art Nouveau

Article publié dans la Lettre n° 280


ALEXANDRE CHARPENTIER (1856-1909). Naturalisme et Art Nouveau. Nous ne remercierons jamais assez le Musée d’Orsay de nous faire « découvrir » des artistes souvent méconnus, qu’ils soient français ou étrangers. C’est encore le cas avec Alexandre Charpentier. Moins célèbre que Gallé, Guimard et Gaudi, il a pourtant joué un rôle important dans l’émergence de l’Art Nouveau et l’avènement du Design. L’exposition est organisée par thèmes, depuis celui des maternités, qui coïncide avec la première œuvre qui le fit connaître, « jeune mère allaitant », 1983, sorte de Vierge à l’Enfant moderne, jusqu’aux ensembles de mobiliers monumentaux encore visibles aujourd’hui.
Charpentier était un artiste complet, sorte de touche à tout, utilisant toute sorte de matériaux : bois, pierre, terre, plâtre, bronze, or, argent, papier gaufré, cuir gaufré et toutes les techniques. Pour lui il n’y a pas d’arts « majeurs » (la peinture et la sculpture) ni d’arts « mineurs » (les arts décoratifs). Chaque objet doit être beau et accessible à tous. C’est pour cela qu’il multiplie les reproductions dans des tailles et des matières différentes. La première salle est ainsi consacrée aux maternités et aux multiples. A partir du bas-relief en plâtre, Jeune mère allaitant son enfant, qui lui valut une mention honorable au salon de 1883 et la commande d’un exemplaire en marbre par l’Etat, il fit de nombreuses répliques en bronze, argent, étain, grès cérame, biscuit, et cela dans des dimensions allant de 8 cm à 1, 50 m de haut. Nous pouvons voir un grand nombre de celles-ci, qui multiplient son œuvre la plus célèbre et la plus répandue. Fait remarquable, dans toutes les tailles la qualité plastique du sujet n’est pas altérée. Dix ans plus tard, alors qu’il créait son premier meuble, une armoire à layette, c’est encore ce sujet qu’il insère dans l’une des portes ! Le public est séduit par tant de simplicité et d’originalité.
Nous avons déjà dit que Charpentier était un artiste complet, mais c’était aussi un homme qui aimait les autres arts tels que la musique, évoquée plus loin, et le théâtre. Il participa ainsi au développement du fameux Théâtre-Libre d’Antoine, faisant des médaillons à l’effigie des protagonistes de cette nouvelle forme de théâtre : Antoine et sa famille, les architectes, les auteurs, les comédiens, etc., et dessinant des programmes. Nous pouvons voir une série complète de ces médaillons en bronze et des programmes auprès desquels ceux d’aujourd’hui, quand il y en a, font pâle figure !
Mettant à profit l’éclatement du monopole du Salon officiel et l’émergence du système des galeries tel que nous le connaissons aujourd’hui, Charpentier en profite pour exposer avec des amis dans des salons dissidents. Il se fait ainsi connaître en Belgique qui conserve aujourd’hui un grand nombre de ses œuvres. Grâce à la collaboration d’autres artistes, il peut traduire ses créations dans des matériaux divers et fabriquer des objets composites comme cette pendule ou ces reliures exposées ici.
Une petite section nous montre tout l’intérêt que Charpentier portait aux artisans. C’est ainsi qu’il a réalisé des affiches et autres objets représentant des ouvriers spécialisés au travail, œuvres naturalistes et d’observation. Cela correspondait bien à ses convictions politiques et sociales. D’ailleurs, en 1894, il est surveillé par la police pour ses convictions anarchistes !
Le thème suivant est celui de l’eau qui l’a fasciné tout au long de sa vie. Sont exposées des baigneuses, des lithographies qu’il fit au cours d’un voyage en bateau, avec sa famille, en Zélande et surtout une fontaine-lavabo, achetée par la Ville de Paris, le Poème de l’eau, qui fourmille de personnages. Plus étonnant est sa passion pour la musique. Lui-même jouait du violoncelle - son instrument est présenté ici - tandis que sa première et sa seconde épouse jouaient du piano. Il était l’ami intime de Debussy, qui lui a dédié une œuvre. Il aime la représentation des musiciens et des danseuses. Mais son œuvre la plus étonnante est un meuble destiné à ranger les instruments du quatuor à cordes, avec des pupitres aux pieds ondulés, emblématiques d’un certain Art Nouveau !
La dernière salle de l’exposition temporaire accueille un ensemble exceptionnel, le mobilier de la salle de billard de la villa « La Sapinière » à Evian, commandé par Joseph Raphaël Vitta (1860-1942) et classé monument historique en 1983. C’est la première fois qu’il est prêté à une exposition. Alexandre Charpentier a conçu le billard, le porte-queues, les sièges et la table tandis que d’autres artistes faisaient la peinture et la décoration de la salle. Le billard est orné aux quatre angles de danseuses qui réceptionnent les boules dans les plis de leurs vêtements ! Cet ensemble bénéficia d’une publicité extraordinaire en 1902, grâce au critique Roger Marx.
Le parcours se termine dans une salle où a été reconstitué, dès l’ouverture du musée en 1986, la salle à manger commandée par Adrien Bernard pour sa maison de Champrosay et mise en place en 1901. Président du conseil d’administration de la Compagnie du Métropolitain, c’est lui qui, en 1899, suggère le nom d’Hector Guimard pour habiller les entrées du métro parisien. Charpentier réalisa pour lui une salle à manger monumentale, mettant à profit deux colonnes et une poutre métallique soutenant la pièce par le milieu, en habillant l’ensemble de bois d’où jaillissent des courbes, telles des plantes. Le reste est à l’avenant, magnifique. Musée d’Orsay 7e (01.40.49.48.00) jusqu’au 13 avril. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.musee-orsay.fr.


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