ALEXANDRA DAVID-NÉEL
Une aventurière au musée

Article publié dans la Lettre n° 422
du 10 avril 2017


 
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ALEXANDRA DAVID-NÉEL. Une aventurière au musée. Née en 1868 à Saint-Mandé, Alexandra est la fille unique de Louis David, un instituteur de souche huguenote, franc-maçon, militant républicain lors de la révolution de 1848, éditeur d’une revue républicaine, et d’Alexandrine Borghmans, une belge catholique d’origine scandinave et sibérienne. Ses parents s’étaient rencontrés en Belgique où Louis David s’était exilé lorsque Louis-Napoléon Bonaparte était devenu empereur. Alors que sa mère voulait élever Alexandra dans la foi catholique, son père l’a fait secrètement baptiser dans la foi protestante ! Avec de tels parents et la complicité de leurs amis, comme l’anarchiste Elisée Reclus, rien d’étonnant à ce qu’Alexandra fugue et tente de gagner l’Angleterre à l’âge de 15 ans, y renonce faute d’argent, participe aux mouvements féministes et entre en franc-maçonnerie à l’âge de 20 ans, atteignant le 30e degré.
En 1889, après la découverte du musée Guimet, inauguré cette année-là, elle se convertit au bouddhisme et part à Londres pour se perfectionner en anglais, langue indispensable à une carrière d’orientaliste. De retour en France elle s’inscrit à des cours de sanscrit et de tibétain au Collège de France.
Néanmoins, pour aider ses parents, elle suit des cours de chant et de piano au Conservatoire royal de Bruxelles et devient première chanteuse à l’Opéra de Hanoï de 1895 à 1897. Elle chante dans différentes villes, jusqu’à Tunis, où elle abandonne le chant en 1902. C’est là qu’elle rencontre un cousin éloigné, Philippe Néel de Saint-Sauveur qui devient son amant, puis son mari en 1904.
En 1911 elle décide de partir pour la troisième fois en Inde, promettant à son mari de revenir dans dix-huit mois. Elle ne rentrera que quatorze ans plus tard, en 1925 !
Le périple d’Alexandra David-Néel en Asie est exceptionnel. De l’Inde elle gagne le Sikkim, royaume alors indépendant. Là elle se lie d’amitié avec des membres de la famille royale, rencontre le 13e dalaï-lama qui lui promet de répondre par écrit à toutes ses questions, visite des monastères bouddhiques, fait la connaissance, dans l’un d’entre eux, du jeune lama Aphur Yongden, âgé de 15 ans, qui devient son compagnon de voyage et dont elle fera son fils adoptif en 1929, vit en anachorète pendant plusieurs années, apprend la technique du toumo, qui permet de mobiliser son énergie interne pour produire de la chaleur, et reçoit du gomchen de Lachen, le nom religieux de Yshé Tömé, « Lampe de Sagesse », qui lui vaut par la suite d'être reconnue par les autorités bouddhistes dans toute l’Asie.
En 1916, elle se rend, sans autorisation, au Tibet et rencontre le panchen-lama. De retour au Sikkim elle est expulsée par les autorités coloniales mais ne peut revenir en Europe alors en guerre. Elle part donc au Japon, en Corée, en Mongolie et enfin au Tibet où elle fait une pause de trois ans (1918-1921) au monastère de Kumbum. C’est là qu’Alexandra, aidée de Yongden, traduit la célèbre Prajnaparamita. Alexandra et Yongden, déguisés respectivement en mendiante et en moine, partent enfin pour Lhassa, la ville interdite, où ils entrent en 1924, se fondant dans la foule des pèlerins venus célébrer le Mönlam ou « fête de la Grande Prière ». Alexandra est ainsi la première européenne à atteindre la capitale du Tibet. Ils séjournent deux mois à Lhassa, visitant les grands monastères environnants et le palais du Potala auquel elle ne trouve « rien de très particulier », remarquant que la décoration intérieure est « entièrement de style chinois ». Démasquée, car elle se lavait tous les matins (!), elle part avant que le gouverneur intervienne et regagne l’Inde où elle embarque pour le Havre. Dès son arrivée, le 10 mai 1925, elle peut mesurer l’extraordinaire célébrité que lui vaut son audace. Elle fait la Une des journaux et son portrait s’étale dans les magazines. Le récit de son aventure fera l'objet d'un livre, Voyage d'une Parisienne à Lhassa.
La vie d’Alexandra David-Néel ne s’arrête pas là. Elle refera d’autres voyages en Europe et de nouveau en Asie, en 1937, faisant une retraite de cinq ans au Tibet. Elle rentrera en France, en 1946, à l’âge de 78 ans, pour régler la succession de son mari, mort en 1941, et enfin s’installer dans sa maison de Digne-les-Bains où elle écrira de nombreux ouvrages. Elle meurt en 1969, à presque 101 ans, léguant au musée Guimet des peintures, des objets personnels et 450 ouvrages qui viennent enrichir la bibliothèque.
La présente exposition présente quatre des huit peintures, les deux masques, les objets personnels (rosaire en os et ivoire, trompe en fémur, coupes crâniennes, tambour-sablier, bonnet et sac tibétains) et quelques-uns des 450 ouvrages manuscrits ou xylographiques.
L’ensemble est agrémenté de nombreuses photos provenant de la Maison Alexandra David-Néel de Digne, de cartes, de lettres d’Alexandra à son mari et d’une de ses tenues de cantatrice. Une exposition hommage à la plus grande aventurière du XXe siècle. Musée national des arts asiatiques - Guimet 16e. Jusqu’au 22 mai 2017. Lien : www.guimet.fr.


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