ANGKOR. Naissance d’un mythe.
Louis Delaporte et le Cambodge

Article publié dans la Lettre n° 361
du 9 décembre 2013


ANGKOR. Naissance d’un mythe. Louis Delaporte et le Cambodge. Le Musée Guimet rend hommage à l’homme qui fit connaître la civilisation khmère et permet à ce musée de détenir la plus grande collection d’art khmer en dehors du Cambodge.
Au XIXe siècle, les temples d’Angkor ne sont pas oubliés par les habitants de la région et certains servent encore de sanctuaires, mais les visiteurs occidentaux, depuis l’arrivée des portugais, n’y prêtent guère attention et les regardent même avec condescendance, comme tout ce qui se trouve dans les colonies. C’est au cours d’une expédition ordonnée par Napoléon III le long du Mékong, pour voir si ce fleuve est navigable, que Louis Delaporte (1842-1925), marin et dessinateur, se rend à Angkor afin de recueillir des témoignages culturels et patrimoniaux. Pour lui c’est un choc et il n’a de cesse d’y retourner et de faire connaître ces vestiges inouïs qui n’intéressent personne. Il faut attendre la création de l’Ecole française d’Extrême-Orient dans les années 1920 pour que l’on prenne enfin conscience de la valeur de ce patrimoine, aujourd’hui classé par l’UNESCO.
S’il est un dessinateur hors pair comme le montrent les nombreux dessins aquarellés présentés à l’occasion de cette exposition, Louis Delaporte n’est ni archéologue, ni historien de l’art et ne connait pas la langue du pays, tant ancienne que moderne. Néanmoins il fait preuve d’une grande rigueur scientifique dans sa démarche pour faire des plans, des relevés et des dessins, parfois enjolivés, et surtout des moulages. Ce sont eux le sujet de cette exposition.
Delaporte réalise un très grand nombre de moulages de statues et de bas-reliefs, durant les trois séjours qu’il fait au Cambodge en 1866-1868, en 1873 et en 1881. Rapatrié d’urgence pour cause de maladie, il ne peut plus s’y rendre et fait faire des moulages par d’autres personnes. En effet son but est de constituer un grand musée khmer pour faire connaître cette civilisation au plus grand nombre. En dehors des moulages, il a également ramené des pièces originales, avec l’autorisation du roi du Cambodge, démarche dont s’exonèrera plus tard André Malraux en pillant le temple de Banteay Srei, en 1923. Ce sont ces originaux qui font aujourd’hui la gloire de la collection khmère du musée Guimet, également propriétaire des moulages.
Ces derniers, comme les originaux, connurent bien des vicissitudes. Envoyés au Louvre où Delaporte rêve d’un département d’art khmer à l’image du département d’art grec et romain, ils ne trouvent pas preneurs. A partir de 1878 ils sont conservés dans le musée indochinois du Trocadéro, jusqu’à sa fermeture en 1927. Régulièrement on les utilise pour les expositions universelles ou coloniales, jusqu’à celle de 1931 à Paris, où l’on reconstitue la partie centrale d’Angkor Vat. Ensuite ils sont entreposés dans divers lieux avant d’être quasiment oubliés dans les caves de l’abbaye de Saint-Riquier (Somme).
Ce n’est qu’en 2012 que l’on décide de restaurer ces 1200 moulages - que l’on devrait considérer comme de véritables œuvres d’art, au même titre que la photographie - et de les entreposer dans un lieu adéquat en région parisienne. Nous avons donc la chance de contempler, dans d’excellentes conditions, des plâtres patinés moulés sur des statues ou des bas-reliefs dont les originaux in situ ont parfois été détruits ou sont en très mauvais état. Cette exposition est aussi l’occasion de voir de tout près, sans aller au Cambodge, de nombreux exemples de la sculpture khmère, dont une reconstitution partielle d’une des tours du Bayon, le temple aux cent visages, ainsi que les originaux habituellement exposés dans ce musée. Une exposition exemplaire dans sa démarche et sa scénographie, qui nous permet de savoir comment Angkor a acquis une telle renommée. Musée Guimet 16e. Jusqu’au 13 janvier 2014.
Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici. Lien : www.museeguimet.fr.


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