Parcours en images de l'exposition

1940
LES PARISIENS DANS L'EXODE

avec des visuels mis à la disposition de la presse,
et nos propres prises de vue

Parcours accompagnant l'article publié dans la Lettre n°502 du 29 avril 2020



 

Pourquoi, entre le 3 et le 14 juin 1940, plus des deux tiers des Parisiens se jettent-ils sur les routes, rejoignant les milliers de réfugiés venus des pays et des régions du Nord ? La contagion des départs s'explique par le souvenir du sort réservé aux civils durant les guerres précédentes : la fuite ou la mort. La panique est aussi due aux préparatifs des autorités françaises, inadaptés face à l'invasion du pays. Lorsque l'offensive allemande déstabilise les plans établis par l'état-major allié, il est trop tard. La fuite semble la seule échappatoire. L'incroyable flot de 8 millions de personnes noie les Parisiens dans la masse des réfugiés en partance vers une destination qui change en fonction de l'avancée des troupes ennemies.
La référence biblique s'est rapidement imposée pour nommer ce mouvement de population : l'exode.
Cet événement traumatique a été depuis enfoui sous les autres traumatismes et humiliations subis par les Français. Mais il reste encore présent dans bien des mémoires familiales et l'on se souvient encore du jour où Paris s'est vidé.

1 - LES CIVILS AU CŒUR DE LA GUERRE

Scénographie
Les civils au cœur de la guerre

Au XXe siècle, en Europe, le champ de bataille s'étend massivement aux civils.
Les quatre années de la Première Guerre mondiale prennent fin en 1918. La population française se réjouit de la victoire, qui efface en partie l'humiliation de la guerre de 1870.
Les traces du conflit et des atrocités, réelles ou fictives, commises par les Allemands demeurent cependant vivaces dans l'imaginaire collectif. Le poids des souffrances de la guerre est ainsi partagé entre les soldats, dont 1 400 000 environ ont péri, et les civils, qui comptent 300 000 morts et de nombreuses victimes d'actes de barbarie et de viols, surtout dans le nord de la France.

France, années 1930 : avec l'instauration d'un régime fasciste en Italie et national-socialiste (nazi) en Allemagne, commence à poindre une nouvelle menace sur la paix en Europe. La guerre est aux frontières. Les films d’actualité projetés dans les cinémas montrent des images de populations civiles sous les bombardements, lors de la guerre civile en Espagne.
Les spectateurs voient des files de réfugiés espagnols venant chercher asile en France, où ils sont parqués dans des camps.
Ces représentations imprègnent l'imaginaire des Français.



 
Texte du panneau didactique
 
Affiche « L'Histoire recommence », 1936. © Musée de la Libération de Paris – musée du général Leclerc – musée Jean Moulin / Paris musées.
Panneau relatif à l'afflux de réfugiés espagnols venant chercher asile en France où ils sont parqués dans des camps.
 
Arrivée massive de réfugiés espagnols au col du Perthus, février 1939. Photo Excelsior.

Les Espagnols fuyant la guerre se pressent à la frontière avec la France. Les images de civils en fuite sont publiées dans la presse et montrées durant les projections des actualités cinématographiques des années 1938-1939.
 
Les organisateurs du pavillon espagnol de l'Exposition internationale de Paris de 1937 posant devant Guernica de pablo Picasso.


2 - VERS UNE NOUVELLE GUERRE ?



Panneau sur la préparation civile et militaire défensive.
Vers une nouvelle guerre ?

Après la guerre de 1914-1918, la France n'abandonne pas toute préparation militaire. Cependant, en France comme en Grande-Bretagne, un fort courant pacifiste traverse la société. La mémoire des sacrifices humains, le nombre de morts, de blessés et mutilés hantent la population.
Mais la pression internationale est forte. Le chancelier du Reich Adolf Hitler, parvenu au pouvoir en 1933, ne cache pas ses positions expansionnistes. Il annexe l'Autriche en 1938, puis revendique des territoires tchèques. Les dirigeants
des démocraties française et britannique, répondant à leur opinion publique, acceptent les revendications allemandes par un accord signé à Munich le 30 septembre 1938.
Hitler viole cet accord en entrant dans Prague en mars 1939. Le 24 août 1939, l'Union soviétique et l'Allemagne signent un pacte de non-agression. Le 1er septembre 1939, les troupes du Reich entrent en Pologne, entraînant la déclaration de guerre à l'Allemagne par la Grande-Bretagne et la France. Même si la perspective d'un conflit est inquiétante, les populations des pays démocratiques s'y résolvent et consentent à la préparation de cette nouvelle guerre, vingt ans après la fin de la précédente.

 
Texte du panneau didactique
 

Carte de la Ligne Maginot (1929-1936).

Les fortifications protègent les frontières de l'Est et du Nord. La ligne s'interrompt à proximité des Ardennes, réputées infranchissables, et le long de la frontière avec les pays neutres : la Belgique et le Luxembourg.

La préparation civile et militaire défensive

Les gouvernements français successifs savent que le pays est traumatisé par les pertes de la guerre de 1914-1918.
Ils envisagent le conflit à venir dans une perspective défensive, en protégeant le sol français de toute intrusion ennemie.
La construction entre 1929 et 1936 d'une ligne de fortifications des Alpes aux Ardennes, la ligne Maginot, semble répondre à cette attente.
Cependant, la militarisation de l’Allemagne inquiète la France. Le gouvernement de Front populaire et ses successeurs doublent la capacité de production d’armement entre 1936 et 1938. À la veille de la guerre, l'équipement militaire allié peut presque se mesurer à celui du Reich. Naturellement, dans ce conflit, l'armement n’est pas le seul facteur décisif : la stratégie l'est aussi.
Pour les civils, la France organise une « défense passive » basée sur les risques encourus par la population lors des précédents conflits.

 

 

 
Texte du panneau didactique
 

Gaston Paris. Exercice de la défense passive, 1939.

Des exercices ont lieu dans les rues de Paris. Les secouristes revêtus de leur protections viennent secourir des « victimes ». Il s'agit de préparer les habitants à une attaque au gaz, ainsi que l'atteste le port des masques de protection.

 
Laure Albin Guillot. Protection des monuments de Paris, cathédrale Notre-Dame, vers 1939.

Les édifices patrimoniaux sont protégés par des murs de sacs de sable. Comme pendant la Première Guerre mondiale, un mur de sable est édifié le long des façades de Notre-Dame.
 
Noël Le Boyer : Évacuation des œuvres du Louvre, La Victoire de Samothrace.

Les œuvres du musée parisien sont extrêmement précieuses et certaines sont lourdes ou imposantes. Tout est cependant organisé pour les déplacer avec prudence. Un reportage photographique de la préparation de l’évacuation est réalisé.
 
Poches de réfugiés de 1940 sur le modèle de 1914.

Le souvenir de 14-18 nourrit la peur en 1940. Avant de fuir les combats durant la Première Guerre mondiale, une habitante de Dadizele, en Belgique, avait confectionné une ceinture munie de grandes poches. Elle y avait entassé des affaires avant de se sauver. En 1940, inquiète, elle prépare les mêmes ceintures à poches pour les membres de sa famille.
 
Affiche « Un masque protège efficacement lorsqu'il est correctement ajusté », 1939. © Musée de la Libération de Paris – musée du général Leclerc – musée Jean Moulin. Photo Thomas Hennocque.
 
« Paris tous feux éteints ». Le Matin, 17 octobre 1936.

Un exercice de défense passive grandeur réelle est effectué à Paris en octobre 1936. Il s’agit de vérifier la mise en œuvre du couvre-feu et la réactivité des secours. L’un des cobayes donne au journal ses « impressions d’un "gazé" volontaire ».
 
Masque de protection contre les attaques au gaz
Scénographie avec La Charente du 1er septembre 1939
Les petits Parisiens envoyés à la campagne

Au printemps 1939, les pouvoirs publics se préoccupent de l'évacuation des jeunes Parisiens. Par crainte des bombardements, on incite les familles à envoyer les enfants en province. Certains parents connaissent la ville de repli de leur entreprise en cas de guerre. Ils demandent à inscrire d’avance leurs enfants dans cette localité pour la rentrée de 1939. Quant aux plus jeunes Parisiens, ils sont invités à rester en vacances : le 25 août 1939, le gouvernement ordonne aux municipalités de la Seine (Paris et sa banlieue) de prolonger les séjours en colonies. Alors que la déclaration de guerre est imminente, trente mille départs sont aussi programmés pour envoyer en province les enfants restés jusque-là à Paris. Cependant, après la déclaration de guerre, le sentiment que le front reste très éloigné de Paris incite les parents à demander le retour des jeunes dans la capitale, auprès de leur famille, dès la rentrée de septembre 1939.

 
Texte du panneau didactique
 
« L’évacuation des enfants de paris est commencée » (en haut à droite). La Charente, 1er septembre 1939.

La « une » fait état de la marche vers la guerre. Un article est consacré aux jeunes Parisiens évacués vers le Loir-et-Cher. Il met en avant la bonne organisation de ces départs.

Cartel relatif à l'évacuation des Alsaciens et des Mosellans
Scénographie
Une évacuation très partielle

L'administration organise l'évacuation des populations fragiles. Des centaines de milliers d'habitants d'Alsace et de Moselle, jugés trop exposés, sont rapidement et efficacement déplacés. À Paris, les plus vulnérables sont dirigés vers les départements désignés par l'administration. Une allocation leur est versée pour leur permettre de subsister. Le reste de la population de la capitale est convié à gagner la campagne en cas d’attaque aérienne.
Des départements d'accueil sont désignés selon les arrondissements. Quant aux ouvriers et employés, ils attendent des directives de leur entreprise. Les autorités abordent bien l'éventualité d'une évacuation de Paris, mais sans décision claire. Les procédures affichées pour quitter la capitale sont très sommaires. Elles donnent l'impression aux Parisiens qu'une organisation est mise en place. Cependant, aucun ordre général n’est donné.

Texte du panneau didactique

 
Balisage des trottoirs pour la défense passive à Paris, 1939.

Le couvre-feu oblige les Parisiens à fermer hermétiquement leurs volets. Plus aucune lumière ne doit filtrer dans la capitale. Pour que la circulation des véhicules autorisés se fasse sans danger, les bordures de trottoirs sont peintes en blanc.
 
Préparation d’une évacuation de Paris, 20 septembre 1939.

Des tableaux d’itinéraires pour quitter la capitale sont affichés dans Paris. Des départements d’accueil sont désignés pour réceptionner les habitants du département de la Seine. Il s’agit plutôt d’un effet d’annonce que d’une vraie réflexion sur l’évacuation des parisiens.


3 - L'INVASION ALLEMANDE DU 10 MAI AU 10 JUIN 1940



Scénographie avec Le Petit Parisien du 4 septembre 1939.

La presse dénonce la responsabilité du Reich et de son chancelier dans la guerre qui vient d’être déclarée. Le discours n’est pas belliciste, puisque les gouvernements de France et de Grande-Bretagne insistent sur la nécessité de se défendre

La guerre est déclarée

La France et la Grande-Bretagne avaient repoussé l'éventualité d'un conflit en 1938. Mais après la violation des accords de Munich par Hitler en mars 1939, les deux pays avaient garanti à la Pologne leur soutien en cas d'invasion. Leurs opinions publiques acceptent peu à peu l'idée d'un conflit contre le Reich. Les Pays-Bas et la Belgique s'estiment protégés par leur neutralité. La signature du pacte entre l'Allemagne nazie et l'Union soviétique (pacte germano-soviétique) le 23 août 1939 alarme la France et la Grande Bretagne. Rassuré sur son flanc oriental, Hitler ne va pas tarder à lancer l'offensive à l'ouest. Le 1er septembre 1939, les armées allemandes pénètrent en Pologne. La guerre est alors inévitable.
La mobilisation générale est décrétée le jour même en France. Les crédits de guerre sont votés le lendemain par les députés, communistes compris. Le 3 septembre 1939, la Grande-Bretagne déclare la guerre à l'Allemagne, suivie quelques heures plus tard par la France.

Texte du panneau didactique
L'invasion allemande du 10 mai au 10 juin 1940

De septembre 1939 au printemps 1940, le front semble étrangement calme. Les nouvelles rapportées par les journaux et la radio sont rassurantes. La population s'habitue à cette « drôle de guerre » sans mouvement et tenue à distance. Le 10 mai 1940, les Allemands lancent une grande offensive sur la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. La « vraie » guerre vient de commencer. L'état-major allié, sous le commandement du général Gamelin, attendait une attaque en Belgique. Mais il est surpris par la manœuvre concomitante des blindés du général allemand Guderian dans les Ardennes.
Les contre-offensives ne peuvent empêcher les forces du Reich de traverser la Meuse le 13 mai 1940. Contournant le front belge par la France, les troupes allemandes se dirigent vers la Manche puis envahissent progressivement le pays. La confusion règne parmi les Alliés. Les Britanniques décident de rembarquer leur corps expéditionnaire. Même si leurs opérations ne sont pas aussi coordonnées qu'il n'y paraît, les Allemands ont réussi en quelques semaines à contraindre les Néerlandais et les Belges à la capitulation et à forcer les défenses françaises et britanniques. Les voilà, le 10 juin 1940, à 30 kilomètres de Paris.

 
Texte du panneau didactique
 
1er septembre 1939.

Tous les préfets, dont Jean Moulin, reçoivent l’ordre de mobilisation générale le 1er septembre 1939. La mobilisation est fixée au samedi 2 septembre à zéro heure.

Scénographie avec Le Matin du 11 mai 1940
Journaux des 27 mai (Le Matin) et 15 mai (Le Petit Parisien) 1940
Scénographie avec Le Matin du 31 mai 1940.

Scénographie avec, au centre, de Heinrich Hoffmann : Hitler à Paris, vers le 23 juin 1940.

Humiliation suprême pour les Parisiens : Hitler vient visiter la capitale à présent occupée. Il se fait filmer et photographier avec le sculpteur Arno Breker et son état-major sur l’esplanade du Palais de Chaillot. Ce cliché est l’image même de la France vaincue.



4 - QUITTER PARIS AU PLUS VITE !



Scénographie
Quitter Paris au plus vite !

Paris est menacé. Le bombardement du 3 juin 1940 déclenche une première vague d'exode. Le départ du gouvernement pour Tours le 10 provoque un afflux encore plus impressionnant sur les routes. De lointains incendies amènent un nuage de fumée sur la capitale le 11 juin. Le 13, on apprend que Paris est déclarée « ville ouverte », se rendant sans combat. La proximité des Allemands, l'absence des autorités et les départs massifs produisent un sentiment partagé d'abandon et d'urgence. Les plus aisés s'éloignent de la capitale parmi les premiers, souvent en voiture. Les employés et les ouvriers restent dans l'attente de l'annonce du repli par leur employeur. Mais bientôt, cédant à la panique ambiante, ils prennent la route à vélo, à pied, comme ils le peuvent. La fuite crée sa propre dynamique de contagion. La plupart des Parisiens quittent la ville sans dommage, mais l'affolement provoque parfois des tragédies.
Du 10 au 14 juin 1940, ce sont environ 2 millions de Parisiens, soit entre les deux tiers et les trois quarts des habitants, qui se lancent sur les routes, laissant derrière eux une ville silencieuse et désertée.
 
Texte du panneau didactique
 
« Habitants d’Eure-et-Loir », affiche préfectorale, 11 juin 1940.

Le préfet Jean Moulin rédige et fait placarder l’affiche. Il tente d’endiguer le flot des départs des Chartrains. Pourtant, tous se ruent hors de la ville. « Exhortations, réquisitions, sanctions, tout a été vain », note-t-il amèrement dans son journal personnel.

 
Les grands départs de la capitale

Livrés à eux-mêmes, sans information, les Parisiens prennent en charge leur propre survie. Les journaux ne paraissent plus, chacun se prépare en urgence au départ. Comment choisir ce que l'on doit emporter ? Les affaires sont empilées dans les voitures, sur les vélos, dans les brouettes ou les poussettes. Le 6 juin 1940, des enfants de Paris et de la banlieue sont à nouveau évacués à la va-vite. Le 10 juin, les gares sont prises d’assaut. On s'entasse dans les trains ou on prend la route. Aucun plan n’ayant anticipé l'évacuation, elle se déroule dans le chaos. Les Parisiens se sauvent par la porte d'Italie ou la porte d’Orléans. Certains suivent le flot sans vraiment savoir où aller. Au sortir de Paris, les embouteillages se multiplient. Deux millions de Parisiens fuient la capitale. Ceux qui restent sont trop âgés ou trop malades pour partir. D’autres ont décidé de ne pas céder à l'affolement et de demeurer chez eux. Ils sont les premiers témoins de l'occupation allemande de Paris, dès le 14 juin 1940.

La gare de Lyon pendant l’exode, printemps 1941.

Adrienne Jouclard est enseignante de dessin dans les écoles de la rue Patay et de la rue de Charenton à Paris. En 1941, elle demande à ses élèves de cours complémentaire de représenter l’exode qu’elles ont vécu quelques mois plus tôt. Ce dessin décrit la foule prenant d’assaut la gare de Lyon et la hâte des départs.

 
Texte du panneau didactique
Les derniers départs sur la place de Rome, 12 ou 13 juin 1940.
La plupart des Parisiens se hâtent de quitter la ville. Tout ce qui a des roues et peut contenir les affaires rapidement rassemblées est utilisé. Sur la place de Rome (actuelle place Gabriel-Péri) près de la gare Saint-Lazare, des badauds observent les partants. 

Paris, gare Montparnasse, juin 1940.
Des trains spéciaux sont affrétés et des rames doublées pour permettre le départ des parisiens. Le 10 juin, 120 000 personnes parviennent à quitter la capitale. On s’entasse dans les compartiments, les couloirs et jusque sur les marchepieds.

 
Carl Mydans. Les habitants quittent Paris.
Le photographe américain Carl Mydans travaille pour le magazine Life. En 1940, il prend des clichés des Parisiens quittant la capitale. Ici, des voitures en chemin, la première surchargée d’affaires fixées sur toute la carrosserie.

Paris, gare Montparnasse, juin 1940.
Une foule impressionnante se masse sur les quais et tente de monter dans les derniers trains au départ les 10 et 11 juin. Le 12 juin, les grandes lignes des gares parisiennes sont fermées.

Le préfet Moulin et les réfugiés

Jean Moulin, préfet d’Eure-et-Loir, aurait souhaité combattre, mais est assigné à son poste. Il est l'un des rares préfets  à demeurer sur place au moment de l'exode. Face à la vague de départs des habitants de Chartres, il fait placarder un avis pour endiguer la fuite. Peine perdue, Chartres est désertée. Cependant, à peine les Chartrains partis, des réfugiés de la région parisienne arrivent en masse, font étape et repartent, sans cesse remplacés par d’autres. Jean Moulin tente de trouver de quoi les nourrir, d’éviter les pillages, de secourir les personnes en détresse. Mais il ne peut rien opposer au flot continu de l'exode.

 
Texte du panneau didactique
 
Paris en juin 1940 : témoignages.
 
Lettre de Jean Moulin à sa mère et sa sœur, 15 juin 1940.

Jean  Moulin reste à son poste. Il pense que les Allemands vont l’emmener en captivité. Dans cette lettre, il veut rassurer sa famille et surtout expliquer qu’il ne fera rien de « contraire à l’honneur ». C’est un engagement solennel.

 
Lettre de Jean Moulin à sa mère et sa sœur, 15 juin 1940. Page 2.
 
Lettre de Jean Moulin à sa mère et sa sœur, 15 juin 1940. Page 3.
 
Lettre de Jean Moulin à sa mère et sa sœur, 15 juin 1940. Page 4.


5 - SUR LES ROUTES DE FRANCE



Scénographie
Sur les routes de France

Une fois passé le moment d'affolement qui les précipite sur les routes, beaucoup de Parisiens racontent avoir vécu le début de leur périple comme une escapade estivale. Cette impression ne dure guère. L'essence fait vite défaut, les voitures en panne sont poussées dans les fossés pour ne pas gêner le flux de l'exode. Les provisions viennent à manquer. La fatigue se fait sentir. La guerre les rattrape : mitraillages par les avions allemands, bombardements et mille autres dangers menacent des gens rendus vulnérables.
Près de 8 millions de personnes sont parties sur les routes de France, dont probablement un quart à un tiers d’enfants. Dans certaines localités, l'angoisse a gagné jusqu’aux autorités. Les maires, les curés, les médecins, les gendarmes, les commerçants ont rejoint les colonnes de l’exode. Il n’y a plus ni cadre ni repère. Les populations se sentent livrées à elles-mêmes.
Plus loin, les habitants des communes encore distantes de l'invasion sont stupéfaits de voir les arrivées de réfugiés. Ils tentent de faire face, d’apporter secours et vivres au « flot monstrueux de la région parisienne [qui] se déverse toujours aussi dense. »
(Jean Moulin).

 
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Texte du panneau didactique
 
Les flux de réfugiés de l’exode en France (juin 1940).

Les 8 millions de réfugiés se déversent sur les axes principaux. Ils ne font que passer dans les villes proches de Paris, car ils cherchent à franchir la Loire. Chartres, désertée par ses habitants, est envahie par les Parisiens en transit vers le sud. Cahors passe de 13 000 à 78 000 habitants, Bordeaux de 300 000 à 700 000, Périgueux de 73 000 à 110 000.

 
Itinéraire de Marguerite Bloch, Frans et Pauline Masereel.
 
Itinéraire de Philip Smith et de sa famille.
Thérèse Bonney. Portes d’un château de la vallée de la Seine couvertes de messages, fin mai 1940.

Perdus, séparés, sans nouvelles, les réfugiés laissent des messages à l’attention de leurs proches qui viendraient à passer là,
comme des bouteilles jetées à la mer.

Les enfants perdus

Dans ce chaos, les gens se perdent de vue. Les plus jeunes, vite fatigués, sont remis entre les mains secourables de personnes véhiculées. Mais les camions et les voitures ne suivent pas toujours les itinéraires prévus, et les parents ne retrouvent pas si facilement leurs enfants. Des familles sont également séparées par les mitraillages des avions allemands.
La Croix-Rouge estime à 90 000 le nombre d’enfants perdus au cours de l'exode. Les services administratifs mènent des enquêtes. Il faut retrouver des enfants à la demande de leurs parents ou rechercher les familles des jeunes recueillis sur la route. L'affaire est encore plus complexe pour les bébés, qui ne peuvent donner leur nom. Plusieurs mois après l'exode, la situation n'est toujours pas totalement réglée. Les Français suivent le destin de ces enfants en lisant les journaux ou en écoutant les émissions de radio.
 
Texte du panneau didactique.
 
Fiche de renseignements et photographie d’un enfant recueilli, Puy-de-Dôme, 30 octobre 1940.

Le petit Serge, âgé de 1 an, est perdu dans un convoi d’évacués de l’hôpital d’Épernay. Une étiquette a permis de connaître son nom. Trois mois après l’exode, l’enfant n’a pas encore retrouvé sa famille.

 
Guerre 1939-1945. L'exode de mai-juin 1940 en France. © LAPI / Roger-Viollet.
 
Témoignages.
 
Témoignages.
 
L’exode des Parisiens, juin 1940. © photo de Carl Mydans / The LIFE Picture Collection / Getty Images.
Scénographie
 
Germaine Niederlender. Passage de réfugiés au village de Meillant (Cher), du 17 au 19 juin 1940, printemps 1941.

Les réfugiés surchargés de bagages avancent à pied, en charrette ou en brouette, à vélo ou en tandem, en voiture. Certains semblent se reposer près de leurs sacs remplis (dessin d’une élève de Mme Jouclard).

 
Régine Laurensou. L’exode, le 13 juin 1940 sur la route de Fontainebleau, printemps 1941. © Réseau-Canopé - Le Musée national de l’Education.

Des gens, surtout des femmes, paraissent endeuillés. Ils marchent droit devant eux. Certains pleurent. On porte des valises, on pousse des landaus chargés, la cage de canaris par-dessus. Seuls les enfants, avec leurs jouets et leur masque à gaz, semblent échapper à la tristesse ambiante (dessin d’une élève de Mme Jouclard).

 
Simone Desmedt. La Ferté-Saint-Aubin, 15 juin 1940, printemps 1941.

La scène représente un flot de réfugiés civils, qui avance au premier plan, alors que l’on discerne des chars. Au loin, des avions survolent une ville en flammes (dessin d’une élève de Mme Jouclard).

 
Mademoiselle Bureau. La Creuse, 15 juin, printemps 1941.

Le récit de la jeune élève de Mme Jouclard complète son dessin : « Il y avait les avions qui passaient, les gens étaient obligés de se coucher dans les fossés ou de se cacher dans les bois … Un petit garçon qui avait vu sa mère tuée était accouru pour savoir ce qu’elle avait et s’était fait tuer en se penchant sur elle. ».

L’exode, mai-juin 1940 (La Fuite).
© LAPI/Roger-Viollet.


6 - OÙ S'ARRÊTER ?



Scénographie
Où s'arrêter ?

Fuyant l'avancée allemande, les réfugiés traversent des villages désertés par leurs habitants, d'autres où la population est restée. En l'absence d'information officielle, la rumeur enfle : l'idée qu'un second front se formerait sur la Loire se propage et les Parisiens cherchent à franchir le fleuve pour trouver la sécurité.
Mais les Allemands progressent encore et le flux continue vers l'ouest et le sud. Ceux qui pensaient rejoindre leur famille en province y renoncent parfois devant les difficultés. Finalement, tous avancent autant qu'ils le peuvent. D'aucuns s'arrêtent lorsqu’ils sont arrivés à destination ou quand ils se sentent à l'abri. Mais, dans le chaos qui régné désormais, certains ne s'éloignent de leur domicile que de quelques kilomètres alors que d'autres traversent le pays.
Le 17 juin 1940, l'annonce de la demande d'armistice abasourdit les populations, qui font cependant confiance au maréchal Pétain pour rétablir l'ordre. Le flot de l'exode ralentit alors.

 
Texte du panneau didactique
 
La Dépêche – Le Petit Toulousain, 18 juin 1940.

Le discours du maréchal Pétain a été légèrement modifié. En effet, le chef du gouvernement a bien dit qu’il fallait « cesser le combat ». Le gouvernement qu’il constitue fonde sa légitimité sur l’attention portée aux réfugiés de l’exode et aux prisonniers de guerre.

 
Portrait du maréchal Pétain.

Âgé de 84 ans lorsqu’il est nommé président du Conseil le 16 juin 1940, le Maréchal obtient les pleins pouvoirs lors d’un vote le 10 juillet. Selon lui, la société française est gangrenée par « l’esprit de jouissance ». Il imputera bientôt la défaite aux étrangers, aux francs-maçons, aux juifs, aux communistes. L’armistice lui permet de dédouaner l’armée et de prétendre « redresser la France ».

 
Le discours du maréchal Pétain a été légèrement modifié. En effet, le chef du gouvernement a bien dit qu’il fallait « cesser le combat » et non pas « qu'il faut tenter de cesser le combat ».
Le maréchal Pétain annonce l'armistice le 17 juin 1940

Le 16 juin, deux jours après l'entrée des troupes allemandes dans Paris, le président du Conseil Paul Reynaud est remplacé par le maréchal Pétain. Le signe est fort : le « vainqueur de Verdun » est une personnalité très populaire. Cependant, l'objectif du Maréchal n'est pas de continuer le combat mais de négocier avec les Allemands. En effet, dès le 17, il déclare à la radio qu'il demande l'arrêt des combats et un armistice. La plupart des Français sont sidérés par la tournure prise si rapidement par les événements. Ils sont généralement soulagés par le discours compassionnel du Maréchal, qui signifie pour eux le retour de l'autorité dans une situation de crise. Cependant, en conséquence de cette annonce, des soldats français se rendent : 1 800 000 sont faits prisonniers. La première rencontre avec les Allemands est un choc pour les Français, mais ils observent que ces soldats sont très «corrects». En réalité, Hitler veut diffuser une image rassurante auprès de la population.
 
Texte du panneau didactique.
 
L'armistice, un soulagement ou une honte ? Témoignages.
 
Organiser sur place l'accueil des réfugiés

Dans le grand chamboulement provoqué par l'exode, les localités recevant les réfugiés au bout de leur chemin s'efforcent de parer au plus pressé. Il faut mettre en place des procédures d'accueil et venir en aide aux plus démunis. Le sud de la France, non envahi par l'avancée allemande, est propice à une halte des réfugiés.
Les administrations poursuivent le travail entamé lors de l'arrivée des évacués d’Alsace et de Moselle en septembre 1939. Elles réquisitionnent des locaux, dispensent des allocations, distribuent des vivres, s'occupent de rechercher les personnes disparues et de rapprocher les familles dispersées par les événements ou séparées en chemin. La tâche est rendue plus ardue par le nombre d'arrivants, qui submerge la population locale et les capacités d'accueil.
Jean Moulin tient tête aux Allemands.
 
Texte du panneau didactique
Pour Elle, n°4. Dès sa reparution, le magazine se lance dans la publication d’avis de recherche d’enfants perdus durant l’exode.
 
L'autre choix : continuer à se battre.
 
Portrait du général Charles de Gaulle.

Ce portrait est la réplique des images circulant à Londres en juin 1940 pour populariser le visage du Général, que l’on entend sur les ondes britanniques. En effet, Charles de Gaulle n’est pas connu en Grande-Bretagne, ni même en France.



7 - RENTRER DE L'EXODE ?



Scénographie
Rentrer de l’exode ?

Le discours de Pétain le 17 juin 1940 et la signature de l'armistice le 22 juin marquent un tournant. La cessation des hostilités conduit les réfugiés à se poser la question du retour. Paris est en zone occupée par les Allemands. L'article 16 de la convention d’armistice stipule que le gouvernement français doit faire procéder au rapatriement dans les territoires à présent occupés. Mais faut-il rentrer ? Les autorités locales, dépassées par le travail demandé par l'accueil de ces populations, incitent les réfugiés à regagner leur domicile. Or, le retour est compliqué par les conditions imposées par les Allemands. Désormais, une frontière coupe la France en deux. Des régions au nord ne sont plus accessibles. Les troupes d'occupation sont prioritaires sur les voies. Certains Parisiens, les Juifs par exemple, sont tentés de rester dans la zone du pays sous souveraineté française, pour éviter la confrontation avec les Allemands. Mais la plupart des réfugiés aspirent à rentrer à la maison. Ils découvrent alors que Paris n’est plus Paris.
 
Texte du panneau didactique
 
La ligne de démarcation.

Les Allemands imposent une frontière à l’intérieur du pays entre la zone sous administration allemande et celle sous souveraineté (provisoire) du gouvernement français siégeant à Vichy. Mais ils vont au-delà et morcellent le territoire.

 
Paris occupé.
 
La ligne de démarcation.
 
Le Figaro, 1er août 1940.

Les consignes pour le retour sont indiquées dans la presse. Un encart (voir ci-contre) donne les trois itinéraires que peuvent emprunter les populations de région parisienne. La carte figure la zone occupée en noir, nourrissant involontairement l’inquiétude générale.

 
Encart dans le Figaro du 1er août 1940 (voir ci-contre).
 
Théo Matejko. « Populations abandonnées, faites confiance au soldat allemand », 1940.

Sur ordre d’Hitler, les troupes allemandes sont tenues de donner une opinion favorable d’elles-mêmes auprès de la population. Le Führer influence la perception des français, leur rappelant que leurs propres élites et leur administration les ont abandonnés. La correction de l’occupant vis-à-vis des civils est une arme de propagande.

 
Panneaux indiquant la ligne de démarcation, Moulins, 1940.
La ligne est une frontière. Pour la franchir, il faut avoir des documents officiels. C’est à la fois un instrument de contrôle, mais aussi une humiliation infligée aux Français, qui ne peuvent ignorer que l’occupant est le maître du territoire.

Retour d’exode. Voiture de Parisiens contrôlée par un soldat allemand, 1940.
Les retours d’exode sont compliqués par les multiples contrôles exercés par les Allemands. Ici, le conducteur d’une voiture, probablement aussi chargée qu’à l’aller, se soumet à l’inspection d’un soldat allemand.

 
Noël Le Boyer. Retour d’exode, fin juin 1940.

Les Parisiens qui ont pu conserver leur véhicule et faire le plein d’essence se dirigent vers la capitale, aussi chargés qu’au départ. L’exode n’a duré qu’une dizaine de jours pour les plus pressés de rentrer.

 
Noël Le Boyer. Retour d’exode, 25 juin 1940.

De nombreux parisiens rentrent rapidement d’exode. Des charrettes conduites par des paysans rapatrient vers la capitale les affaires des ex-réfugiés.

 
Jacqueline Thierry. Retour des évacués, contrôle allemand à la ligne de démarcation, été-automne 1940, printemps 1941.

Le dessin de l’élève de Mme Jouclard met l’accent sur la silhouette du soldat allemand, au premier plan, qui fait barrage aux voitures bien chargées. Des débris jonchent le côté de la route.

 
Raymonde Cohendet. Contrôle des véhicules à la porte d’Italie, été-automne 1940, printemps 1941.

L’élève de Mme Jouclard représente la maîtrise des allemands sur l’entrée dans Paris, et le retrait des Parisiens confinés sur les trottoirs. Les personnages centraux sont bien les soldats d’occupation.

Carte interzone de Jean Moulin à sa mère, 16 octobre 1940.

Les informations entre les deux zones sont contrôlées strictement. On ne peut échanger que sur des cartes préimprimées
qui ne laissent guère de place à l’expression personnelle.

 
Le Journal, 28 août 1940.

L’article indique que 1 600 000 réfugiés ont été rapatriés en un mois. Il faut encore trois mois pour que la situation soit stabilisée. Mais, désormais, ce sont les troupes allemandes qui décident des priorités sur les voies ferrées.

 
Feuille d'ordonnance du commandant militaire en France (VOBIF), 27 septembre 1940.


8 - L'EXODE, UN MAUVAIS SOUVENIR



Scénographie
L'exode, un mauvais souvenir

En septembre 1940, les réfugiés sont pour la plupart rentrés chez eux. Ils doivent à présent vivre avec l'occupant. Quelques-uns vont le combattre, quel qu’en soit le prix. Outre-Manche, le gouvernement britannique a observé la tragédie française. Maintenant seule face à l'Allemagne triomphante en Europe, la Grande-Bretagne se prépare à l'affrontement. L'exemple français est immédiatement évalué : il faut absolument éviter la panique et les départs en masse de la population.
En France, la page de l'exode semble rapidement tournée. Mais ce traumatisme subsiste dans les esprits. Témoignages et images circulent, et les expériences individuelles finissent par se cristalliser dans une version unique de l'événement.

 
Texte du panneau didactique
 
« How refugees may help invaders by encumbering the roads » (Comment les réfugiés peuvent aider les envahisseurs en encombrant les routes), The Illustrated London News, 22 juin 1940.

L'article sensibilise les populations britanniques aux dangers de l’exode : encombrer les routes peut nuire aux manœuvres de l’armée et aider involontairement l'envahisseur.
Les réfugiés en France ont certainement gêné le déplacement des troupes alliées, mais n’ont probablement pas joué un rôle majeur dans la débâcle.

Exode à Paris, juin 1940. Une famille quitte Paris avec des moyens de fortune.
Ce cliché de l’exode est célèbre. Il est devenu emblématique du départ en catastrophe
. © Roger-Viollet.
Des questionnements persistants

Quatre-vingts ans se sont écoulés depuis l'exode de mai-juin 1940. Le récit de la Résistance a proposé une version glorieuse de l'histoire de l'Occupation. Le souvenir de l'exode, traumatisant et humiliant, a été relégué dans les mémoires. Cette crise nous interroge pourtant sur la fragilité des institutions. Malgré sa brièveté, l'épisode pèsera lourd dans les choix futurs des Français.
Les gouvernements des années 1930 avaient préparé la population à la guerre défensive. Toutefois, il n'y eut pas de réponse appropriée face à l'invasion allemande et à la débâcle des armées alliées. En quelques jours, les cadres d'une société démocratique bien implantée ont volé en éclats. Plus de solidarité nationale, plus d'administration : Parisiens et Français sont seuls dans la zone dont l'ennemi se rapproche. Nourris par une peur ancestrale, ils ne voient leur salut que dans la fuite. Qu’ils se sentent rassurés par le discours moralisateur et compassionnel du maréchal Pétain n'est guère étonnant. Le discernement est pour l'heure aboli par l'ampleur du désastre. Quand la population est rentrée dans la capitale, quand Paris s’est à nouveau rempli, une nouvelle page d'histoire était en train de s'écrire.

 
Texte du panneau didactique
 
Christiane Crosnier. 17 juin 1940. Montoire-sur-le-Loir (Loir-et-Cher), printemps 1941. © Réseau-Canopé - Le Musée national de l’Education.

Le dessin représente une scène de bombardement et le passage de réfugiés. Il a été réalisé en 1941 par Christiane Crosnier, à la demande de Mme Jouclard, son enseignante. Or, les personnages du premier plan sont tirés d’une photographie d’époque. Dès la fin des événements, les images de l’exode circulent et s’imposent déjà.