LES SENTIMENTS

Article publié dans la Lettre n° 220


LES SENTIMENTS. Film français de Noémie Lvovsky avec Nathalie Baye, Jean-Pierre Bacri, Isabelle Carré, Melvil Poupaud (2003-couleurs-1h30).
Jacques et Carole vivent à la campagne avec leurs deux enfants. Leur maison cossue en côtoie une autre aux volets encore fermés mais un camion de déménagement, garé devant la porte, annonce une arrivée prochaine. Cette installation, Jacques l’attend avec un certain soulagement. Médecin de campagne, il vient de céder son cabinet à François, débutant dans la carrière, pour finir une vie professionnelle moins stressante à l’hôpital. Sa femme Carole guette elle aussi avec impatience le jeune couple qui va arriver. Il est pour elle le synonyme de compagnie et de journées moins monotones. Edith et François font enfin leur apparition. Il est jeune mais sûr de lui. Elle est ravissante et spontanée . Elle veut tout de la vie car elle se croit invincible. Pour Jacques, l’insoupçonnable se produit. Les regards qu’Edith lui lance sont bien ceux d’un amour naissant. Lui qui se trouvait « gros, vieux, con et moche » s’aperçoit qu’il peut encore plaire et être aimé d’une jeune femme qui apprécie «ses gestes incroyablement gracieux». Désormais liés par une passion incontrôlable, ils vont la vivre cachée, comme deux jeunes fous, Edith ne s’inquiétant pas de pouvoir aimer deux hommes à la fois, Jacques, bien trop grisé pour mesurer les conséquences de cet amour tardif. Tout est rouge dans ce film, les volets, les vêtements, les voitures, de ce rouge flamboyant de l’amour, qui met joliment en valeur la beauté des costumes et des décors.
Noémie Lvovsky dirige sa romance comme elle le ferait d’un quatuor jouant un morceau de musique mené par la passion, mais celle-ci va peu à peu se désaccorder à mesure que le bonheur tourne au drame. Le rythme, la drôlerie et la vivacité de certaines scènes sont contrebalancés par l’amertume insidieuse et sous-jacente qui se glisse imperceptiblement dans d’autres. Une chorale, telle un choeur antique, ponctue l’action et contribue à rendre le bonheur, l’émotion mais aussi la mélancolie et le désarroi qui animent les personnages. La grande réussite de ce film réside dans l’audace de la réalisatrice. Grâce à des comédiens formidables, elle nous gratifie de scènes mémorables, celle entre autres ou Jacques parle à sa femme endormie et prise de ronflements. Partagé entre le rire et l’émotion, le spectateur regarde vivre ces deux couples, l’un frappé par l’usure de la vie commune, l’autre qui attend peut-être trop de la sienne toute neuve. Mais le drame consommé, il lui reste alors le souvenir poignant du regard de Jean-Pierre Bacri, Jacques brisé, époustouflant. Lien: www.cinecinema.fr/ds_les_salles/fiches/fiche_technique.html?id_fiche=42


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