SANGUE

Article publié exclusivement sur le site Internet, avec la Lettre n° 370
du 16 juin 2014


SANGUE. Film helvetico-italien écrit, filmé et réalisé par Pippo Delbono sur une idée de Pippo Delbono et Giovanni Senzani.
Avec La Paura (La peur), un film sur l'Italie d'aujourd'hui, sorti en 2009, Amore carne, un film sur l'amour, la poésie, la chair, les rencontres, y compris d'artistes célèbres, sorti en 2013, Sangue (sang) poursuit et achève cette « trilogie biologique » inclassable. Pippo Delbono, auteur, metteur en scène de théâtre et d'opéra, comédien (on l'a vu dans le film de Yolande Moreau Henri, où il jouait le rôle-titre), tourne ses films avec un téléphone mobile ou une petite caméra vidéo. Ce procédé donne à ceux-ci la forme de documentaires et lui ont même valu en 2003, à la Mostra de Venise, le David di Donatello du meilleur documentaire, pour Guerra.
Sangue commence par un enterrement dans la neige, début 2013. Une foule nombreuse se presse dans le cimetière. On devine qu'il s'agit de la mort d'un ancien militant et l'on aperçoit même son nom sur le cercueil, Prospero Gallinari. Pippo Delbono assiste aux funérailles de cet ancien activiste des Brigades rouges, à l'invitation de Giovanni Senzani, un ancien leader de ce mouvement, libéré en 2004 après dix-sept ans de prison de haute sécurité. Ce dernier avait rencontré Pippo Delbono après avoir vu l'un de ses spectacles et ils avaient décidé de faire un film ensemble. Le sujet est venu de lui-même, sans qu'ils s'y attendent, la mort. La mort d'un ancien terroriste, la mort d'une ville comme L'Aquila, dévastée par un tremblement de terre en 2009 et toujours en ruines, la mort d'un être cher, la mère de l'un, la femme de l'autre.
Le réalisateur s'attarde longuement sur sa mère, catholique fervente qui ne comprend pas l'intérêt que son fils porte à ce communiste nécessairement athée ! Elle lui montre des prières qu'elle aime beaucoup. On sent que sa vie chancelle. En effet elle est atteinte d'un cancer et pour la soigner, son fils va chercher en Albanie, un médicament fabriqué à Cuba qui pourrait la guérir. Ce voyage est le seul moment amusant du film car, globalement, ce documentaire intimiste est un drame. Margherita Delbono finit par mourir. Son fils continue à la filmer sur son lit de mort, s'attirant, en voix off, les reproches d'un parent, aussi choqué que le spectateur. En parallèle, mais de manière plus discrète, l'auteur nous parle d'Anna, la femme de Giovanni, qui l'attendit jusqu'à sa libération et meurt elle aussi au même moment que sa mère. Autre mort, celle de Roberto Peci, assassiné par les Brigades rouges en représailles à la trahison de son frère, racontée par Giovanni Senzani qui, au fond de lui, ne comprend peut-être plus pourquoi lui et ses camarades ont commis de tels actes.
Pippo Delbono nous montre aussi son travail d'artiste avec des scènes de théâtre où intervient son acteur fétiche, Bobo, un petit homme sourd et muet, analphabète, que le réalisateur rencontra dans un hôpital psychiatrique, et dont il raconte l'histoire dans son film Grido (2006). Comme on le voit, le film est entièrement situé dans un contexte familial et relationnel proche.
Ce film qui sort des sentiers battus plaira à ceux qui aiment d'autres formes de cinéma que celles que l'on peut voir sur n'importe quel écran. Ils ne le regretteront pas. Sortie en salles le 25 juin 2014. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici


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