LA PETITE CHARTREUSE

Article publié dans la Lettre n° 239


LA PETITE CHARTREUSE. Film français de Jean-Pierre Denis avec Olivier Gourmet, Marie-Josée Croze, Bertille Noël-Bruneau (2004-couleurs-1h30).
Il y avait peu de chance que le chemin d’Etienne croise celui d’Eva, mais le destin, malheureux, veillait. En traversant la rue sans regarder, la fillette s'est jetée sous les roues de sa camionnette, il n'a pu l’éviter. Il s’en faut alors de peu pour que cet accident se termine en tragédie. Eva, dans le coma, ne réagit à aucune stimulation. Il semble au contraire que son esprit s’éloigne chaque jour davantage. Pascale Blanchet, sa jeune mère qui l’élève seule, a pour habitude d’emmener sa fille partout où sa vie cahotante la conduit. Elle vient de s’installer dans cette petite ville, non loin du massif de la Grande Chartreuse où elle a trouvé du travail. Pascale est une jeune femme fragile, immature. Le coma de sa fille la terrifie. Incapable de lui parler, elle ne sait pas lui glisser à l’oreille les mots qu’il faut pour que l' enfant se réveille.
Etienne Vollard, de son côté, traîne un passé qu’il voudrait oublier. Ancien alcoolique, il a perdu la femme qu’il aimait. Après une cure de désintoxication, le voici guéri, mais le remords et la solitude font désormais partie de son lot quotidien. Libraire passionné, sa prodigieuse mémoire retient chaque phrase, chaque mot qu’il lit. Aussi lorsqu’il va à l’hôpital afin de rendre visite à la petite fille, se transforme-t-il tout naturellement en conteur. Eva finit par s’éveiller mais elle reste muette et sans réaction. Etienne va alors lui faire connaître les chemins de montagne qu’il aime, lui montrer la Grande Chartreuse qui semble la fasciner. Tandis que sa mère, incapable de la prendre en charge s’éloigne, l’affection tendre du libraire-conteur pour l'enfant grandit. Saura-t-il la conduire à une vie normale et à quel prix?
Jean-Pierre Denis a tiré le scénario de son film du roman éponyme de Pierre Péju. Il choisit la délicatesse et un certain laconisme pour mettre en relief les sentiments de ce trio blessé par la vie. Marie-Josée Croze restitue avec finesse les sentiments de cette maman perturbée et irresponsable, face à la petite Bertille Noël-Bruneau, Eva émouvante au jeu très naturel, sans prétention. Accoutumé aux rôles ardus où la psychologie tient une place majeure - on se souvient de son rôle dans Le fils de Jean-Pierre et Luc Dardenne (Lettre 205) - Olivier Gourmet prête à celui d’Etienne son remarquable métier. Il met en valeur avec talent tous les sentiments contradictoires qui animent les décisions de son personnage. C’est lui qui confère au film la profonde émotion qui s’en dégage.


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