LA LANGUE DES PAPILLONS

Article publié dans la Lettre n° 184


LA LANGUE DES PAPILLONS. Film espagnol de José Luis Cuerda avec Fernando Fernan Gomez, Manuel Lozano Obispo, Uxia Blanco (2000-couleurs-1h35).
Dans un petit village de Galice, au printemps de 1936, les habitants se classent déjà en deux clans. Autour du grand propriétaire, se resserre le groupe d'extrême droite. De l’autre, ceux de gauche, sont avides d’une liberté qu’ils ne connaissent pas, admirateurs du communisme qui sévit loin de chez eux mais dont on dit que tous sont égaux. Les uns sont aux champs, le tailleur, lui, travaille pour le bonheur des élégants. Affichant des idées républicaines, il se heurte souvent à sa femme très conservatrice. Leur fils aîné est employé chez l’apothicaire et se prépare à entrer dans un orchestre. Moncho, le cadet, s’éveille à la vie. Il sait lire et écrire. Il est temps qu’il aille à l’école sous la houlette de Don Gregorio, le vieux maître, républicain de coeur.Tout d’abord effrayé, Moncho va très vite apprendre à connaître et à apprécier le vieil érudit qui l’emporte dans un monde insoupçonné, celui du savoir. Battant la campagne pour les leçons de sciences naturelles, écoutant, subjugué, les leçons d’histoire ou de littérature, l’enfant vif et intelligent passera désormais ses jours à l’étude et ses nuits en compagnie de Stevenson, et de L’Ile au trésor. Mais dans la capitale, la révolte gronde. Dans un dernier discours, Calvo Sotelo appelle la population au calme et à la concertation. Son assassinat va être le détonateur de l’une des guerres civiles les plus meurtrières de l’histoire.
La musique très prenante d' Alejandro Aménabar accompagne le scénario simple mais très efficace qui illustre de façon magistrale les derniers mois heureux que vit le village avant qu’il ne sombre dans l’horreur, un été 36. Tout est dépeint de main de maître: le portrait humaniste du maître qui éveille ses enfants à toutes les merveilles de la vie, de la profondeur d’un poème d’Antonio Machado à la perfection de l’anatomie des papillons, comme celui plus rustre des villageois, leur solidarité, leur amitié, la joie de se retrouver les soirs de bal. Tout cela se trouvera balayé par l’absurdité d’une guerre fratricide ou la solidarité va se transformer en chacun pour soi, la complicité en délation, la fidélité en trahison. A une question sur l’enfer de Moncho à son maître, celui-ci répondra: « l’enfer de l’au-delà n’existe pas, la haine, la cruauté, c’est cela, l’enfer, et quelquefois l’enfer, c’est nous ». Cette explication prémonitoire résume d’un trait ce que l’enfant va vivre jusqu’en 1939. Un film d’une grande puissance évocatrice, remarquablement filmé et interprété.


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