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 LE GRAND MUSÉEArticle 
              publié exclusivement sur le site Internet, après la 
              Lettre n° 379du 2 mars 2015
 
               
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 LE GRAND MUSÉE. Documentaire de Johannes 
              Holzhausen (Autriche, couleurs, 2014, 1h34). A voir la distance parcourue en trottinette, à l'intérieur du musée, 
              par un employé, pour aller récupérer sur une imprimante le document 
              dont il a lancé l'impression, on mesure, plus que de l'extérieur, 
              l'immensité du Musée de l'Histoire de l'Art de Vienne. Comme dans 
              le film de Frederick Wiseman, National Gallery, il n'y a 
              ni musique, ni commentaires, ni interviews et, en plus, ici, il 
              n'y a pas de visiteurs ! Nous sommes directement confrontés aux 
              nombreux aspects de la vie d'un tel établissement où sont conservés 
              des œuvres allant de l'antiquité égyptienne jusqu'au XVIIIe siècle. 
              Le réalisateur profite de la rénovation d'une aile pour nous faire 
              vivre les problèmes d'un grand musée à notre époque.
 Il n'y a pas vraiment de fil conducteur, sinon une vue du célèbre 
              tableau de Pieter Brueghel l'ancien, La Tour de Babel (1563), 
              au début et à la fin du film, lorsqu'on le décroche et lorsqu'on 
              l'installe à sa nouvelle place. Entre les deux les scènes se succèdent. 
              Travail des restaurateurs qui découvrent que le tableau attribué 
              à Rubens sur lequel ils travaillent, n'est qu'une esquisse achevée 
              par quelqu'un d'autre pour la vendre. Déception de deux conservateurs 
              qui repartent bredouilles d'une vente aux enchères d'uniformes, 
              dont un costume de valet en livré qui aurait bien complété leurs 
              collections. En revanche, grande satisfaction de recevoir en donation 
              de la part d'un couple âgé, un uniforme en parfait état qui enthousiasme 
              les gens du musée.
 Les scènes montrant la taille du musée - ses kilomètres de rayonnages, 
              d'armoires coulissantes, de cimaises de stockage - succèdent aux 
              scènes relatives aux travaux de réaménagement de la Kunstkammer 
              où sont exposées les collections d'objets d'art des Habsbourg. Cela 
              commence par une scène surréaliste. Dans une immense salle vide 
              en parfait état, au plafond décoré de somptueuses peintures, un 
              ouvrier rentre, se dirige au milieu de la pièce et donne un grand 
              coup de pioche dans le plancher, qui sera ainsi complètement détruit 
              !
 Pendant les travaux, dans d'autres services, on s'intéresse à la 
              nouvelle communication du musée. « Impérial » est un 
              mot vendeur, donc tout sera « impérial ». Au cours d'une 
              réunion, une personne présente le projet de macaron pour que chacun 
              donne son avis. On n'entend que celui du directeur, très critique 
              ; les autres participants se taisent. En revanche quand la direction 
              demande aux surveillants leur avis sur la nouvelle organisation, 
              une femme se lève et explique que si eux, les gardiens, pardon, 
              le personnel d'accueil, font partie du petit personnel du musée, 
              ils aimeraient connaître les personnes des autres services. Depuis 
              douze ans qu'elle est là, personne ne l'a présentée aux autres employés 
              au cours du repas de Noël. Elle espère que ce sera fait avant 2020 
              !
 Les problèmes budgétaires de cet établissement sont au cœur des 
              discussions. Le musée met ainsi en vente au prix de 29.980 euros 
              333 copies du manuscrit sur lequel l'empereur prêtait serment pour 
              financer la restauration. La responsable d'une galerie a l'impression 
              que son budget diminue au fil des réunions. On voit la même diriger 
              le nouvel accrochage des tableaux. Même si celui-ci a été préparé 
              sur un ordinateur, comme si on jouait aux cartes, c'est en vrai, 
              à la main, que l'on déplace les immenses tableaux pour juger de 
              leur effet. « Ça ne fonctionne pas ! » dit la dame, 
              et on recommence…
 Il y a aussi des visiteurs, pas encore ceux qui payent, mais des 
              officiels venus voir les travaux, ou bien le directeur du British 
              Museum qui s'émerveille comme un enfant devant le bateau mécanique 
              qu'un restaurateur a eu toutes les peines du monde à remonter, qui 
              admire les grandes salles de ce musée, construit à cet effet, ou 
              qui s'inquiète de savoir si le nouvel éclairage, conçu par un grand 
              designer, est effectivement déjà prêt pour l'inauguration. Ainsi 
              avec ces bribes de la vie des quelque 400 personnes qui travaillent 
              dans ce musée, on mesure que le temps a une autre dimension pour 
              elles. Pas de précipitation mais des gestes lents, précis et attentionnés, 
              même pour donner à manger à des pigeons. Un film très réussi qui 
              intéressera tous les amateurs de musées et les autres. Sortie 
              en salles le 4 mars 2015.
 
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