BALZAC ET LA PETITE TAILLEUSE CHINOISE

Article publié dans la Lettre n° 205


BALZAC ET LA PETITE TAILLEUSE CHINOISE. Film chinois de Dai Sijie avec Zhou Xun, Chen Kun, Liu Ye (2002-couleurs-1h55). L’âme chinoise comporte cette dualité intrinsèque à l’être humain, ce mélange indissociable de cruauté et de douceur. Le roman autobiographique de Dai Sijie, dont il a lui même fait l’adaptation pour le cinéma et qu’il a réalisé en Chine, à Hunan, n’échappe pas à cette règle. Dès les premières images, la barbarie et la délicatesse vont se côtoyer. Ma Jian Ling et son ami Luo Min ont eu le triste sort de naître dans une famille bourgeoise et intellectuelle de Pékin. En 1971, en pleine révolution culturelle, sous la houlette du Grand Timonier, ils sont arrachés à leur famille comme des millions d’autres enfants afin d’être « rééduqués ». Ils seront peu nombreux à revenir de l’enfer infligé par Mao et ses sbires. Après un long voyage à pied, Ma Jian, jeune violoniste et Luo Min, apprenti dentiste, arrivent dans un village des montagnes du Phoenix du Ciel, bien loin de toute civilisation. Des paysans arriérés et un chef illettré, gonflé de son importance, les accueillent, ce dernier bien décidé à changer ces petits bourgeois réactionnaires, ennemis du peuple, lie de la société. Mais les travaux les plus rebutants et l’endoctrinement ne parviendront pas à faire plier les deux jeunes gens que maintient en vie leur passion pour la musique et la littérature chinoise mais aussi étrangère, interdite, dont les livres ont subi un gigantesque autodafé en 1960. Ils vont découvrir une valise remplie de livres dont un grand nombre d’oeuvres françaises du XIXe, cachés par un autre rééduqué. Parallèlement, ils font la connaissance d’un groupe de jeunes filles d’un autre village et vont tous les deux tomber amoureux de la même jeune fille surnommée la petite tailleuse. Le soir, lorsque tout le monde dort, Luo qui a gagné son coeur, lui fait la lecture. La jeune fille pure et simple s’évade avec délectation dans ce monde inconnu et fascinant que lui dévoilent les auteurs français, Balzac surtout. La grande réussite de ce film réside bien sûr dans la dextérité avec laquelle Dai Sijie a adapté et filmé son roman, à la beauté des paysages, à l’interprétation simple et juste des comédiens. Mais c’est l’authenticité de l’histoire qui donne l’épaisseur et la densité à cette initiation à la vie de trois jeunes gens, non par l’horreur de ce qu’ils vivent mais par l’influence de la littérature française. Cette jeunesse brisée que l’auteur a vécue avant de partir pour la France exercer son métier de violoniste, la narration de cette période aberrante et monstrueuse de l’histoire de la Chine, la description pleine de poésie et de finesse des sentiments font de cette oeuvre un grand film (Lettre 205). Lien: www.bacfilms.com/balzac


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