APRÈS LA TEMPÊTE

Article publié dans la Lettre n° 423
du 17 avril 2017


 

APRÈS LA TEMPÊTE. Comédie dramatique de Kore-Eda Hirokazu avec Hiroshi Abe, Kiki Kirin, Yôko Maki, Yoshizawa Taiyo, Sosuke Ikematsu, Satomi Kobayashi, Lily Franky, Isao Hashizume (2016 - Japon - Couleur - Scope - 1h58).
Un homme rend visite à sa mère et lui tend un sac en plastique en lui disant « Je t’ai apporté ton gâteau préféré ». Réponse de celle-ci « Tu as besoin d’argent ? ». Tout est dit. Après avoir écrit un livre qui a remporté un prix et obtenu un certain succès, Shinoda Ryota est en panne d’inspiration, a divorcé et gagne péniblement sa vie en travaillant dans une entreprise de détectives privés. Malheureusement il a la passion des courses où il perd tout ce qu’il gagne au point de ne plus pouvoir payer la pension alimentaire de son fils.
Kore-Eda Hirokazu dresse un tableau fidèle et sensible de ses quatre personnages. Nous suivons Ryota dans son travail de détective, traquant les femmes et les maris infidèles, trouvant des arrangements avec les victimes pour se faire un peu plus d’argent, espionnant son ex-femme pour voir avec qui elle sort maintenant. On le voit aussi au vélodrome, où il parie sur les coureurs cyclistes, ou dans les boutiques de vente de billets de loterie où il entraîne Shingo, son fils de 11 ans. L’une des séquences les plus drôles se passe chez son éditeur qui lui propose de rédiger les textes d’un manga, lui précisant qu’il pourrait le faire sous un pseudonyme ; il a quand même sa fierté d’écrivain sérieux !
Les autres personnages, à l’exception des employés de l’agence de détectives, appartiennent tous à sa famille. Nous avons déjà mentionné sa mère, Yoshiko, qui adore son petit-fils, qui le lui rend bien, et qui voudrait que son fils se réconcilie avec Kyoko, sa belle-fille. Cette dernière ne supportait plus de vivre avec cet homme gaspillant tout aux courses et ne s’occupant pas de son enfant. Elle envisage de refaire sa vie avec un autre homme, très différent de Ryota, mais n’a pas encore franchi le pas. Il y a Shingo, qui adore sa grand-mère paternelle et ne voit son père qu’une fois par mois. Il y a enfin la sœur de Ryota, qui met tant bien que mal à l’abri les quelques biens que leur mère possède pour éviter que son frère les mettent en gage, comme le faisait déjà leur père, et qui lui demande si dans son prochain livre il dira encore du mal de sa famille.
On le voit, par petites touches, nous apprenons plein de choses sur les personnages et aussi sur le Japon. Par exemple le montant d’une pension alimentaire, la valeur d’un objet ancien, que se passe-t-il en ce qui concerne les enfants quand la femme se remarie, etc. Le plus intéressant est de constater que le Japon rencontre dans maints domaines les mêmes problèmes que nous. Le réalisateur, qui a passé son enfance dans un quartier d’HLM, retourne dans celui-ci pour son film. Il nous montre comment ces cités, où de nombreux enfants jouaient jadis autour des immeubles, se sont délabrées et ne sont habitées aujourd’hui que par des vieux, heureux quand les livreurs veulent bien grimper les escaliers, faute d’ascenseurs, et recherchant des distractions inattendues mais culturelles.
C’est dans ce contexte qu’un typhon, un de plus, est annoncé. Le hasard fait que toute la famille est réunie chez la grand-mère. Après le départ de sa sœur et de son mari, Ryota se retrouve là avec son ex-femme et son fils. Sa mère, tout heureuse de ces circonstances, les retient à cause de la tempête qui arrive et leur prépare des futons dans la même pièce. Une nuit d’explications commence. Que se passera-t-il après la tempête ?
Récemment, nous avions déjà vu, du même réalisateur, Tel père tel fils (2013, Prix du Jury au Festival de Cannes) et Notre petite sœur (2015, présenté en avant-première à Cannes) dans lesquels nous avions déjà Kiki Kilin, actrice fétiche de Hirokazu, qui a joué dans ses cinq derniers films. Tous ces films sont empreints d’humanité et l’on sent l’attachement du réalisateur à ses personnages, des gens « normaux » confrontés à des situations guère différentes de celles de la vie courante. Hiroshi Abe interprète avec brio Ryota, homme un brin irresponsable et immature, ce qui le rend attachant malgré ses défauts. Dans le rôle de son ex-femme, Yoko Maki apporte beaucoup de sensibilité à son personnage, peut-être prêt à reprendre la vie commune. Taiyo Yoshizawa, dans le rôle de l’enfant ballotté entre ses parents, en est déjà à son quatrième tournage malgré son jeune âge (il est né en 2003) et joue avec naturel et simplicité. Enfin Kiki Kilin, lumineuse actrice, interprète avec une grande justesse cette mère qui fait tout pour rassembler de nouveau sa famille. Un grand film, plein d’humanité. R.P. En salles à partir du 26 avril 2017.

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