ALL OR NOTHING

Article publié dans la Lettre n° 206

ALL OR NOTHING. Film anglais de Mike Leigh avec Timothy Spall, Lesley Manville, Alison Garland, James Corden, Ruth Sheen (2002-couleurs-2h10).
Au volant de leur taxi respectif, Phil et Ron ont le même visage terne, le même regard perdu et vide. Leur vie est à l’image d’eux-mêmes, triste et angoissante, inlassablement en quête des clients qui leur permettront de joindre les deux bouts. En rentrant chez lui le soir, Ron retrouve une femme ivre et Samantha leur fille sans emploi et qui allume tous les gars du quartier. Chez Phil, l'ambiance est un peu différente. Penny, sa compagne, menue mais énergique, s’épuise entre son emploi de caissière et l’entretien d’un foyer de quatre personnes. Si leur fille Rachel gagne un maigre salaire comme femme de ménage dans un asile de vieillards, Rory leur fils obèse, refuse de travailler et passe ses journées prostré dans le canapé devant la télévision, insultant tout le monde et sa mère en particulier. Ron écoute et se tait. Il n’a plus le courage d’affronter qui que ce soit. Chaque fin de mois, il se voit obligé de quémander à femme ou enfants les quelques livres qui lui permettront de payer sa location auprès de la compagnie de taxis qui l’emploie. Sa dignité, il y a bien longtemps qu’il l’a mise dans sa poche, avec son mouchoir par-dessus, mais la déprime le gagne, il le sent. Il faudra le malaise cardiaque de Rory pour que le sursaut s’opère dans ce foyer-là, où l’incompréhension et les griefs avaient remplacé la tendresse. La mort a plané tout à coup sur l’un d’eux. Leur vie commune et l’affection qu’ils se portent et dont ils n’avaient plus conscience vont prendre un nouveau sens. Mais chez Ron comme chez ses voisins, l’ivresse continue d’être celle des pintes de bière quotidiennes, du fish and chip du samedi soir, seul dérivatif à une existence désormais sans espoir, sauf peut-être pour Maureen qui a élevé seule Donna, une fille bien difficile à comprendre, mais dont elle trouvera peut-être le chemin du coeur grâce à la promesse de vie que la jeune fille porte dans son ventre, comme sa mère vingt ans plus tôt.
Film après film, Mike Leigh est passé maître dans l’art de la description de la société laborieuse de son pays, celle qui, frappée par le chômage ou ayant un emploi sous-payé, se réfugie dans l’alcool, le désespoir et la violence. Son scénario et ses personnages ont l’épaisseur et l’authenticité qu’il faut pour être réalistes sans tomber dans le mélo. Les comédiens de All or Nothing possèdent et expriment diablement bien ce naturel étonnant, né de l’observation de leur compatriotes (Lettre 206). Lien:www.bacfilms.com/tout/

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